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Performance organisationnelle : le cas des start-up au Congo Brazzaville

  • Résumé
    A partir des facteurs clés de la performance et pérennité organisationnelle ainsi que d’une lecture des approches d’analyse de la contribution des Systèmes d’Information (SI) à la performance, nous proposons un modèle expliquant le chemin menant au succès du SI dans la performance et la pérennité des startups. Cette approche met en évidence une étude exploratoire auprès des startups et dispositifs d’accompagnement entrepreneurial, localisés à Brazzaville et ayant déployés des SI dans la conduite de leur performance et de leur pérennité. L’objectif est de tester les variables de ce modèle en expliquant comment les interactions entre les acteurs et les propriétés structurelles de l’organisation s’institutionnalisent-elles dans le temps et dans l’espace pour accompagner la performance et la pérennité organisationnelle des start-up.
    Citation : Kingouari Kinguengui, J. (Sep 2020). Performance organisationnelle : le cas des start-up au Congo Brazzaville. Management et Datascience, 4(5). https://doi.org/10.36863/mds.a.14024.
    L'auteur : 
    • Jerôme Kingouari Kinguengui
      - Université Marien Ngouabi, Congo
    Copyright : © 2020 l'auteur. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
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    Texte complet

    Introduction et mise en contexte  

    Dans la dynamique numérique, les pays dits « émergents » dont une bonne partie des pays africains ne sont pas en marge et constituent d’ores et déjà une thématique de recherche tout à fait singulière. Ainsi, « plus de 40% de la population mondiale a accès à l’Internet et, parmi les 20% des ménages les plus pauvres, près de 7 sur 10 possèdent un téléphone mobile Android. Ces ménages sont plus susceptibles d’accéder à des téléphones mobiles qu’à des toilettes ou à de l’eau salubre» Banque mondiale (2016). Ces Smartphones ont révolutionné les pratiques des internautes dans les pays émergents. En 2013 par exemple, l’accès au web sur mobile avait déjà dépassé celui des ordinateurs fixes, montrant ainsi que disposer d’un mobile, dans ces pays, c’est avoir accès à une adresse personnelle et fonctionnelle. De ce point de vue, une explosion des services en ligne est donc prévisible. En même temps, il devient indispensable de tirer véritablement profit de cette transition de la technologie pour rendre le monde, en général, et les organisations, en particulier, plus prospère et plus solidaire. Malheureusement, bien que les technologies numériques connaissent une expansion rapide presque partout, leurs dividendes – les avantages les plus larges que procurent ces technologies au plan du développement – tardent à se concrétiser dans les pays africains. Les raisons de ces dysfonctionnements peuvent être nombreuses étant donné que cette transition numérique constitue pour certains acteurs de nouvelles opportunités et pour d’autres des menaces. En face de cette transition, les défis pour les pays émergents sont majeurs et méritent d’être développés. Cependant, rare sont les travaux qui se sont intéressés aux enjeux de la transition numérique pour les pays émergents. Parmi ces enjeux, figure l’analyse de l’impact réel de cette transition digitale. Le présent article se propose d’explorer quelles initiatives technologiques et pratiques organisationnelles pourraient être un levier de développement durable pour les pays émergents. Nous abordons cette question dans le contexte des pays africains et plus singulièrement dans le cas du Congo-Brazzaville. Pour ce faire, nous explorons la performance et la pérennité organisationnelle des Start-up de Brazzaville à l’épreuve de la transition numérique. Pourquoi finalement s’intéresser aux start-up pour comprendre et expliquer la performance et la pérennité organisationnelle à l’ère du numérique? A ce sujet, l’exploration du monde entrepreneurial montre qu’ « une entreprise sur deux disparait en cinq ans » (Fabre & Kerjosse, 2006). Dans la même logique, avec la révolution numérique, les  jeunes pousses, dites Start-up, fleurissent à grande vitesse dans le monde entier. Malheureusement, chaque jour, des dizaines de ces start-up créées meurent. Au Congo, par exemple, près de 80% des start-up de Brazzaville échouent en moins de deux ans après leur création. Ces statistiques dévoilent que malgré la politique d’appui à l’entrepreneuriat au Congo, visant à promouvoir le numérique et la création des entreprises, les start-up de Brazzaville restent peu performantes et souffrent à se pérenniser dans la durée et dans l’espace. Subséquemment, cet état de lieu nécessite une attention sur les facteurs qui influencent les initiatives technologiques et bonnes pratiques organisationnelles y afférentes et pouvant garantir l’avenir des startups et par conséquent le développement territorial. Ainsi, il nous semble actuel et essentiel de s’interroger sur les conditions de performance des Systèmes d’Information (SI) au sein des entreprises et de savoir pourquoi certaines d’entre elles émergent à un moment ou contexte donné alors que d’autres disparaissent bien que, toutes, utilisent parfois les mêmes SI. De la sorte, nous reformulons notre problématique comme suit : Dans quelles conditions opérationnelles, processuelles et applicatives les SI contribuent-ils à améliorer la performance organisationnelle des start-up de Brazzaville et à assurer leur pérennité? Il s’agit spécifiquement de comprendre et d’expliquer dans quelles conditions les SI impactent-ils positivement la performance organisationnelle et la pérennité des start-up. Dans un premier temps, nous présentons une brève littérature sur la transition numérique et  performance des organisations. Dans un second temps, et à travers les résultats de l’étude de cas des startup de Brazzaville, nous allons comprendre et expliquer la contribution des SI à l’amélioration des pratiques et routines organisationnelles des startup, source de leur performance et pérennité organisationnelle.

    Portée et rôle de la transition numérique dans les organisations

    La circulation de données et d’information s’est accélérée durant ces vingt dernières années. Ceci est dû à l’introduction des TIC et à celle des SI au sein des organisations. C’est ce que l’on peut qualifier, aujourd’hui, de transition numérique. Grâce à cette dernière, l’information, devenue disponible partout et en tout temps (Foucault, 2007), a révolutionné l’organisation des entreprises en bouleversant les habitudes de travail et les manières de stocker et de traiter l’information. Pour preuve, les outils-SI sont de plus en plus utilisés dans les entreprises et font l’objet d’un renouvellement permanent comme l’affirme Mbang (2012). Aussi, depuis le début de la crise sanitaire liée à la Covid-19, l’usage des SI à travers des applications et plateformes a largement quitté la sphère individuelle pour s’imposer au sein même de la sphère professionnelle et organisationnelle (Bidan et al., 2020 ; Kadji Ngassam, 2020). Dans ce contexte, Bidan & Godé (2016) soutenaient cette dynamique en ces termes : « les ‘‘SI’’ sont passés, depuis les années 2000, de  Systèmes Informatiques à Systèmes d’Information et ont depuis lors musclé leur force de frappe dans l’organigramme des organisations ». Dans cette vision, les entreprises cherchent à créer de la valeur par l’implémentation, entre autres, des SI qui génèrent des gains tangibles et intangibles. Pour cette raison, elles ne cessent d’investir dans les SI pour, entre autres finalités, améliorer leur performance, générer des résultats et assurer leur pérennité. Pour y arriver, elles ont incontestablement recours à un SI. Dès lors, la croissance de ces investissements est exponentielle. A côté de ces investissements importants s’accroît, également, le poids de la maintenance informatique et la nécessité de la formation des usagers de ces outils. Dans cet ordre, le SI se révèle comme un outil d’aide à la décision stratégique et vitale pour toute organisation. De ce fait, la nécessité d’intégrer les SI dans la gestion stratégique de toute organisation n’est plus à démontrer. D’où notre intérêt d’analyser la contribution des SI à la performance et à la pérennité des organisations pour se rendre compte des dividendes de la transition numérique au sein d’une organisation et par conséquent au sein de toute une nation. Pour répondre à cette question d’évaluation des SI, nous passons en revue les principales théories généralement mobilisées pour analyser l’impact de la technologie à la performance de l’organisation.

     

    Approches théoriques de la contribution des TIC à la performance de l’entreprise

    La question de la contribution des TIC à la performance de l’entreprise est récurrente dans la recherche en SI. Depuis le paradoxe de Solow R. (1987), les travaux se sont succédé pour établir la relation entre les investissements en TIC et la performance des entreprises. La tentative de dresser un bilan de ces travaux se heurte à la multiplicité des niveaux d’analyse choisis ou de la conception de la performance adoptée, aboutissant ainsi à des résultats empiriques ambigus, voire contradictoires. Au-delà de ces ambiguïtés, deux grandes approches méthodologiques s’opposent: le modèle causal versus le modèle processuel. Le premier découle des travaux d’analyse de la contribution des TIC à la valeur de l’entreprise, cherchant à établir un lien direct entre les investissements dans les TIC (variable indépendante) et la valeur de l’entreprise (variable dépendante). Malgré l’apport des travaux de ce modèle dans la compréhension des processus de contribution des TIC à la performance, leur approche reste causale, privilégiant certes la parcimonie et la simplicité à la fidélité empirique (Seddon, 1997), mais rendant de la sorte la généralisation des résultats difficiles à effectuer.  Le deuxième se propose d’analyser le processus par lequel les technologies contribuent à la performance de l’entreprise. Plutôt que de se baser sur des déterminants exogènes (variables indépendantes) pour expliquer la performance, les tenants de ce modèle examinent les événements qui, suite à l’introduction d’une technologie, permettent de contribuer à la performance de l’entreprise. Deux courants majeurs se basent sur ce modèle : le courant sociotechnique et le courant structurationniste. Le premier considère l’organisation comme un ensemble de sous-systèmes en interaction, où le sous-système technologique et le sous-système social sont inter-reliés dans un contexte organisationnel donné (Kéfi & Kalika, 2004). Le second présente un apport majeur aux travaux relatifs à l’évaluation de la contribution des TIC à la performance de l’entreprise. Ce mérite se trouve probablement dans son analyse approfondie des mécanismes d’interaction entre la technologie et l’acteur. Nous nous appuyons sur le modèle processuel et particulièrement sur le courant structurationniste pour expérimenter notre approche. Toutefois, la plupart des travaux structurationnistes se sont focalisés sur le rapport de dualité entre la technologie et les acteurs au détriment d’une analyse plus élaborée sur l’intégration de la technologie avec les autres sources de structure de l’organisation.

    Notre approche à l’épreuve de l’usage des SI par les startups et incubateurs de Brazzaville

    Plusieurs approches et notamment les travaux structurationnistes ont proposé de modèles d’analyse de la contribution des SI à la performance des organisations. Mais, la plupart, se sont heurté à la difficulté d’expliquer la relation des interactions des SI avec la performance (De Vaujany, 2000). Cet article se lance dans la continuité des travaux structurationnistes. A la lumière de la littérature académique et de nos enquêtes sur la performance et pérennité des start-up de Brazzaville, nous proposons un modèle, composé de cinq variables modératrices -l’alignement stratégique, l’agilité organisationnelle, la flexibilité des SI, l’accompagnement entrepreneurial, la taille et l’âge de l’entreprise-, expliquant le chemin menant au succès du SI dans la performance et la pérennité des start-up (Cf. annexe méthodologique). Cette approche met en évidence une étude exploratoire auprès de cinq start-up et quatre dispositifs d’accompagnement entrepreneurial, localisés à Brazzaville et ayant déployés des SI dans la conduite de leur performance et de leur pérennité. L’objectif  de l’étude est de tester les variables de ce modèle, en expliquant comment les interactions entre les acteurs et les propriétés structurelles de l’organisation s’institutionnalisent-elles dans le temps et dans l’espace pour accompagner la performance et la pérennité organisationnelle des start-up ? Il nous revient d’examiner :

    • La portée et le rôle des SI au sein des start-up;
    • La place des SI parmi les autres sources de structure de la start-up et le processus d’interaction avec les acteurs;
    • L’intégration de la dimension espace-temps et son importance dans l’analyse de la contribution des SI à la performance des start-up.

    Principaux résultats

    Nos entretiens semi-directifs effectués auprès des startups et incubateurs font ressortir quelques résultats, expliquant la performance et la pérennité des startups.

    Sur la portée et rôle des SI dans les startups et incubateurs

    Les acteurs impliqués convergent vers une même perception positive du rôle et de la portée des SI dans la performance et la pérennité organisationnelle. Suite au déploiement des SI dans les startups, et particulièrement la mise en place des dispositifs de coaching et de mobilisation, les utilisateurs ont pris conscience de l’intérêt des outils déployés. Cette perception positive des utilisateurs des SI entraine vers une appropriation de ces outils, source d’une meilleure performance des équipes utilisatrices des SI. Pour les structures rencontrées, l’adoption et l’utilisation des SI se développent pour assurer des tâches de plus en plus nombreuses et complexes au sein de leur structure. Cependant, les équipements en SI ainsi que l’usage qui en est fait diffèrent d’un acteur à un autre et d’une startup à une autre selon de nombreux critères. Le terrain a montré que le suivi de procédures harmonisées par les SI au niveau de l’organisation dans son ensemble procure à la startup une meilleure agilité. Malgré cette unanimité, l’analyse relève une sous-exploitation de l’outils-SI entrainant ainsi une perte de performance organisationnelle.

    Sur la dynamique du changement et rôle des SI dans ce processus

    Les acteurs soulignent, presque systématiquement, le rôle déterminant des SI dans l’atteinte de la performance, mais aussi l’importance de prendre en compte dans ce contexte d’usage, d’autres variables toutes aussi déterminantes. Selon le contexte et les spécificités des SI déployés par la majorité des startups de l’environnement brazzavillois, d’autres variables critiques ont émergé et les plus indiquées sont liées aux carences en moyens financiers conséquents, en infrastructures numériques et en accompagnement entrepreneurial. Dans ce sens, l’analyse a révélé que la culture financière et celle du financement participatif ne sont encore que peu ancrées dans l’environnement entrepreneurial de Brazzaville, expliquant ainsi la difficulté des startups à accéder à un financement conséquent, une source de structure aussi importante à mettre en avant dans les démarches de communication et d’accompagnement du changement dans le processus d’intégration des SI dans la performance des start-up. Les propos recueillis auprès des start-up caractérisent la faible étendue de l’accompagnement entrepreneurial en place à Brazzaville et encouragent son développement pour sa contribution à la dynamique de l’amélioration de la performance des start-up.

    Sur la contribution de la dynamique du changement à la performance des start-up

    Nous avons cherché à comprendre comment les acteurs interagissent avec les facteurs clés du succès des SI pour caractériser la performance et la pérennité organisationnelle ? De l’adoption aux usages des SI, l’analyse révèle que les acteurs interagissent peu avec les facteurs clés de l’agilité organisationnelle découlant des SI. Malgré l’équipement en SI et la connexion à Internet dans la presque totalité des start-up enquêtées, le processus d’adoption, encore moins celui d’appropriation et d’alignement stratégique des SI au sein des start-up de Brazzaville s’est étalé généralement sur plusieurs années et de façon peu homogène. L’appartenance à un réseau quelconque a été révélée comme un facteur déterminant dans le processus d’adoption et d’appropriation des SI dans les startups de Brazzaville. Dans ce sens, les interactions des acteurs avec les SI que nous avons interrogé au sein des incubateurs, traduisent un véritable processus d’apprentissage de la part des startups incubées qui, une fois adoptées les SI, s’approprient les différents outils-SI au fil du temps.

    Conclusion

    L’étude a confirmé que le SI est bel et bien un objet matériel et social en interaction. Dans ce sens, le SI (en tant que technologie) n’est qu’une source de structure de l’organisation. Sa contribution à la performance de la start-up dépend de sa combinaison avec d’autres sources. Cette combinaison ne peut se concevoir en dehors de l’activité des acteurs. Aussi, la qualité du dispositif technologique comme source de structure à prendre en compte dans la dynamique du changement est significative pour expliquer l’amélioration de l’agilité et de la performance organisationnelle. L’intégration de la dimension spatio-temporelle est cruciale pour analyser le processus d’intégration des sources de structures  et son importance dans la contribution des SI à la performance des start-up. L’étude nous a renseignées sur d’autres sources de structure clés relatives à l’environnement turbulent de la start-up et sur le postulat selon lequel la performance est le résultat de l’institutionnalisation des pratiques et routines performantes. L’analyse a aussi révélé le rôle des incubateurs, dans le processus d’accompagnement à la performance des start-up, comme un espace propice pour accompagner les pratiques et routines performantes dans le temps et dans l’espace. En termes de piste de recherche, nous proposons de projeter l’analyse de l’impact de la turbulence environnementale des start-up sur les relations entre alignement, agilité et performance organisationnelle des start-up.

     

    Bibliographie

    Bidan M. (2009), SI, Stratégie et Alignement. Revue Economie et Management, p. 30-36.

    Bidan, M., Bio-Paquerot, G., Chaboud, M. ; & Lentz, F. (Avr. 2020), Inversion du domaine de l’adoption : les technologies latentes. Management et Datascience, vol.4, n°2. https:// doi.org/10.36863/mds.a.12835.

    DeSanctis G. & Poole (1994), Capturing Complexity in Advanced Technology Use: Adaptive Structuration Theory, Organization Science, vol. 5, n°2, p. 121-146.

    De Vaujany  F.X. (2000), Usage des technologies de l’information et création de valeur pour l’organisation : proposition d’une grille d’analyse structurationniste basée sur les facteurs-clés de succès, AIMS, IXème conférence internationale de management stratégique, 24-25-26 Mai 2000, Montpellier.

    Fabre V. & Kerjosse R. (2006), Nouvelles entreprises, cinq ans après : l’expérience du créateur prime sur le diplôme, Insee première, n° 1064, 4p.

    Foucault V. (2007), De la circulation de l’information au management des connaissances : le nouveau défi des entreprises, mémoire de master en sciences de gestion, Université François Rabelais de Tours. 

    Kéfi H. & Kalika  M. (2004), Evaluation des systèmes d’information : une perspective organisationnelle, Ed. Economica.

    Mbang C.E. (2012), Appropriation d’outils technologiques par les acteurs : le cas des entreprises du secteur financier au Cameroun, Doctoral dissertation, Université Paris – Est, Université de Douala. 

    Rapport (2016), le développement dans le monde 2016 : les dividendes du numérique,  Banque Mondiale,  https: //openknowledge.wortdbank.org/

    Seddon P.B. (1997), A Respecification and Extension of the Delone and McLean Model of IS Success, Information Systems Research, vol.8, n3, p. 240-254.

    Annexes
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