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Charles Ngando Black
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La gouvernance des données occupe aujourd’hui une place centrale dans les stratégies digitales des entreprises et des institutions. Partout, dans les organisations de toutes tailles, on entend parler de gouvernance des données. C’est devenu un sujet incontournable, une priorité affichée des directions générales. Les organisations multiplient les initiatives : nomination de Chief Data Officers, création de comités de gouvernance, mise en place de politiques de qualité des données, lancement de projets de compliance RGPD…
Pourtant, malgré l’engouement conceptuel et les investissements considérables, un constat s’impose avec une brutalité déconcertante : la majorité des initiatives de gouvernance des données échouent. Entre les ambitions affichées et les résultats obtenus, il y a parfois un fossé considérable. Selon les études les plus récentes, entre 60 et 70% de ces initiatives peinent à atteindre leurs objectifs initiaux. Cette réalité, documentée par plus de cinquante publications académiques et professionnelles ces deux dernières années, révèle un paradoxe troublant entre l’urgence théorique et l’impuissance pratique.
Un constat d’échec massif et documenté
L’ampleur du phénomène est saisissante par son universalité et sa convergence. L’analyse méthodique de plus de 50 publications récentes révèle une diversité remarquable de contributeurs : publications académiques de chercheurs et laboratoires reconnus, analyses de consultants et cabinets de conseil, études sectorielles d’institutions médicales dans la santé, rapports d’analystes financiers dans la banque, projections d’économistes et think tanks, publications d’institutions publiques françaises et européennes, méta-analyses d’organismes internationaux comme l’OCDE ou la Banque mondiale.
Cette convergence transcende les secteurs d’activité, les géographies et les approches méthodologiques. Qu’on soit dans le secteur public ou privé, en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, dans la santé, la finance, l’industrie ou les services, le constat est identique. Ce n’est donc pas un problème isolé ou sectoriel, mais bien un défi systémique qui traverse toutes les organisations.
Des symptômes visibles aux conséquences ravageuses
Les manifestations de ces échecs prennent des formes multiples et coûteuses, que l’on peut organiser en cinq grandes catégories de causes, chacune illustrée par des exemples concrets et documentés.
Causes stratégiques et financières
Sur le plan stratégique et financier, l’abandon de projets d’envergure illustre parfaitement cette réalité. L’arrêt d’IBM Watson Health en 2022, après dix années de développement et quatre milliards de dollars d’investissement, témoigne de l’impossibilité d’agréger des sources de données médicales non standardisées. Le projet s’est heurté à des données médicales non harmonisées et à l’impossibilité d’agréger les sources de manière cohérente.
De même, la réallocation budgétaire chez Uber suite à la fuite de 57 millions de données utilisateurs en 2016 révèle un sous-financement chronique des dispositifs de gouvernance. Aucun budget n’était initialement dédié à la sécurité et à la gouvernance des données pour détecter et réparer de telles failles. Ces budgets réalloués en catastrophe créent un signal négatif à toute l’organisation et alimentent le cercle vicieux du sous-investissement.
Causes organisationnelles et comportementales
Les dysfonctionnements organisationnels et comportementaux se manifestent par la persistance du travail en silos. L’échec du Dossier Médical Partagé dans les hôpitaux français, lancé en 2018 et qui peine encore aujourd’hui à agréger les données patients entre établissements, illustre l’impossibilité de briser les silos. Chaque établissement conserve ses formats propriétaires, l’interopérabilité standardisée fait défaut, et le travail en silos persiste malgré les injonctions réglementaires.
Le contournement des processus, exemplifié par le scandale Volkswagen et ses logiciels frauduleux (Dieselgate), révèle comment des objectifs irréalistes et la peur de l’échec conduisent à une compliance purement décorative. Des logiciels ont été développés spécifiquement pour tromper les tests d’émission, créant des zones d’ombre totales et rendant les règles de gouvernance complètement inefficaces.
Causes techniques et opérationnelles
Sur le plan technique et opérationnel, la persistance de données contradictoires mine la confiance dans les dispositifs. Les disparités entre les données PCR et les décès hospitaliers au Royaume-Uni durant la pandémie COVID-19 ont illustré les conséquences désastreuses de référentiels divergents entre le PHE (Public Health England) et le NHS. Cette confusion dans les données officielles a entraîné une perte de confiance du public et des décisions erronées en pleine crise sanitaire.
Plus dramatique encore, l’erreur de conversion d’unités qui a causé la destruction de la sonde Mars Climate Orbiter de la NASA en 1999, représentant une perte de 327 millions de dollars, démontre l’impact financier direct d’une gouvernance technique défaillante. Une erreur de conversion entre unités métriques et impériales, non détectée par l’absence de validation automatisée et de contrôles qualité, a anéanti des années de travail et d’investissement.
Causes de conformité et de gouvernance
Wells Fargo illustre parfaitement les écarts récurrents aux audits avec une série de scandales : comptes fictifs créés en 2016, puis prêts discriminatoires révélés en 2023. Ces incidents répétés révèlent des incitations perverses, des audits systématiquement ignorés, et une culture organisationnelle qui favorise la triche plutôt que la conformité. Le résultat est un non-respect chronique des standards et une exposition massive aux risques réglementaires.
Causes liées aux processus et à l’expérience utilisateur
Enfin, les processus défaillants génèrent une bureaucratisation paralysante. La gestion du Pass Sanitaire en France en 2021 a été caractérisée par des vérifications manuelles des QR codes, des décisions centralisées sans retour terrain, et un mépris total des remontées utilisateurs. Cette approche top-down a généré frustrations et résistances.
En Australie, le système MyHealthRecord en 2019 a révélé des erreurs persistantes dans les dossiers médicaux, jamais corrigées faute de processus centralisé de mise à jour. Ces dysfonctionnements ont mis des vies en danger et illustrent comment l’absence de gouvernance opérationnelle peut avoir des conséquences dramatiques. Le résultat global de ces défaillances processuelles est une bureaucratisation, une démobilisation des équipes, une résistance au changement, et une chute de productivité générale.
Une crise de conception, pas de moyens
Ces symptômes révèlent des causes structurelles qui dépassent largement les questions d’outillage ou de méthode. L’analyse montre que ces échecs ne relèvent ni de la malchance, ni d’erreurs ponctuelles, ni de mauvais choix techniques isolés. Ils révèlent des causes profondes, systémiques, qui touchent au cœur même de notre compréhension de ce qu’est la gouvernance des données.
Problèmes de conception fondamentaux
Sur le plan conceptuel, un déficit de compréhension partagée caractérise la plupart des initiatives. Les finalités de la gouvernance restent mal comprises, la communication insuffisante, et l’alignement avec la stratégie d’entreprise demeure superficiel. On lance des initiatives de gouvernance sans vraiment expliquer pourquoi, sans créer cette adhésion nécessaire qui est pourtant fondamentale pour le succès.
Plus fondamentalement, une vision binaire et normative prévaut, pensant la gouvernance en termes de « bonnes » ou « mauvaises » données plutôt que comme une grille de lecture contextuelle adaptée aux usages réels. Cette approche manichéenne ignore la complexité des contextes métier et la relativité de la qualité des données selon les usages.
L’erreur conceptuelle la plus répandue consiste à traiter la gouvernance comme un projet ponctuel, avec un début et une fin, alors qu’elle devrait être conçue comme un processus permanent ancré dans les pratiques organisationnelles quotidiennes. Cette mécompréhension fondamentale explique en grande partie l’instabilité et la fragilité des dispositifs mis en place.
Défaillances organisationnelles structurelles
Sur le plan organisationnel, la fracture entre l’informatique et les métiers constitue un obstacle majeur. Les silos culturels et fonctionnels freinent toute approche intégrée, cantonnant souvent la gouvernance à la direction des systèmes d’information ou à quelques sponsors isolés, sans réelle appropriation transversale.
Paradoxalement, on observe une surexposition du leadership combinée à une invisibilisation du terrain : on cherche le soutien des dirigeants – ce qui est légitime – mais on néglige l’adhésion réelle des utilisateurs quotidiens. Il en résulte un manque d’appropriation par les équipes de première ligne, celles qui manipulent les données au quotidien et qui ne sont ni formées ni impliquées dans la démarche.
Limites techniques et outillage
Les défis techniques amplifient ces difficultés. L’explosion des volumes et des sources de données, générée par les technologies modernes – capteurs, automatisation, applications métiers – crée un flot difficile à canaliser sans gouvernance robuste pensée dès la conception.
Parallèlement, l’outillage obsolète ou inadéquat, caractérisé par des processus manuels, des outils fragmentés et des systèmes vieillissants, limite considérablement l’efficacité des dispositifs mis en place. Le technosolutionnisme, conviction erronée qu’un seul outil ou une seule plateforme suffira à résoudre les enjeux de gouvernance dans leur globalité, détourne l’attention des vrais enjeux organisationnels alors que la réalité est bien plus complexe.
Défaillances stratégiques
Enfin, les faiblesses stratégiques se manifestent par une volonté de tout gouverner d’un coup, selon une approche « big bang » irréaliste, sans priorisation ni séquencement intelligent. L’incapacité à hiérarchiser les données critiques est flagrante : faute de discernement sur ce qui est réellement stratégique, l’énergie se disperse sur des jeux de données périphériques.
L’absence de métriques de pilotage constitue un handicap majeur : les efforts déployés ne sont pas accompagnés d’indicateurs clairs permettant d’évaluer la progression ou l’impact réel des actions menées, créant un pilotage aveugle qui ne peut que s’épuiser.
Ces causes ne relèvent ni d’une erreur de méthode, ni d’un outil mal choisi. Elles traduisent une mécompréhension de la nature même de la gouvernance des données. Ce n’est pas un projet à réussir, mais une capacité à construire – en profondeur, dans la durée, et à tous les niveaux de l’organisation.
L’illusion des réponses classiques
Face à ces symptômes, les organisations déploient énormément d’énergie et de ressources pour résoudre ces problèmes. Les solutions que nous observons sont toutes bien intentionnées, logiques sur le papier, et souvent recommandées par les meilleures pratiques du marché. Le problème, c’est qu’elles ne fonctionnent pas, ou pas suffisamment, car elles traitent les symptômes sans s’attaquer aux causes systémiques.
Solutions stratégiques et financières : les limites du sponsor unique
Pour traiter les projets abandonnés, la solution traditionnelle consiste à nommer un sponsor exécutif et à établir une gouvernance de projet robuste. C’est logique : il faut du leadership, de la visibilité, du soutien hiérarchique. Mais cette approche crée une fragilité majeure en cas de départ ou de désengagement de la personne, rendant tout le dispositif vulnérable.
Pour justifier les budgets réalloués, on associe des cas d’usage métier concrets à la gouvernance pour en prouver la valeur. Excellente idée en théorie, mais les résultats sont lents à produire, surtout si la gouvernance reste périphérique aux processus métier principaux, créant un décalage temporel entre investissement et retour visible.
Solutions organisationnelles : la fausse évidence des rôles
Pour lutter contre le travail en silos, la solution standard consiste à définir des rôles types : Data Owner, Data Steward, et un modèle fédéré. Sur le papier, c’est parfait. Dans la réalité, ce modèle est souvent mal incarné, sans mécanisme d’orchestration réel entre les différents acteurs, créant une organisation formelle qui ne correspond pas au fonctionnement réel.
Face au contournement des processus, on renforce les règles et on met en place un contrôle plus strict. Résultat paradoxal : on accentue la rigidité sans résoudre le manque d’adhésion des utilisateurs, qui trouvent d’autres moyens de contourner des règles qu’ils perçoivent comme inadaptées.
Quand il y a turnover des responsables, on documente les politiques de gouvernance pour les transmettre aux successeurs. Mais cette documentation ne compense ni l’absence de stabilité ni l’oubli du pourquoi initial de la démarche, créant une transmission mécanique sans appropriation réelle.
Solutions techniques : l’illusion du glossaire parfait
Sur le volet technique, face aux données contradictoires, on crée un glossaire commun et une gouvernance des référentiels. C’est indispensable, mais la diffusion reste faible si les usages et outils ne sont pas alignés sur cette logique, créant des catalogues sans usage réel.
Pour la persistance des incidents qualité, on met en place des tableaux de bord qualité et on lance un plan de remédiation. C’est du traitement curatif, souvent temporaire, peu relié à la chaîne de valeur globale de l’organisation, qui ne traite que les symptômes sans prévenir les causes.
Solutions de conformité : l’inflation normative
Face aux écarts récurrents aux audits, on renforce les règles de conformité et les procédures de contrôle interne. Cela génère une inflation normative sans effet réel sur les pratiques de terrain. Les équipes apprennent à jouer avec les règles plutôt qu’à les respecter, créant une compliance de façade.
Solutions processus : la bureaucratie bien-pensante
Enfin, pour les réunions inutiles et la surcharge documentaire, on formalise une structure de gouvernance avec comité, RACI, reporting. Cela renforce la bureaucratie sans amélioration visible pour les métiers qui vivent avec les données au quotidien, créant une gouvernance déconnectée des vraies préoccupations opérationnelles.
Pour la frustration des utilisateurs métier, on propose des formations et on instaure des ambassadeurs data. C’est soit trop théorique, soit déconnecté du quotidien opérationnel des équipes, ne répondant pas aux besoins concrets des utilisateurs.
Toutes ces solutions ont un point commun : elles partent du principe que le problème vient d’un manque de règles, de rôles, d’outils ou de formation. Mais elles ne remettent pas en question la logique même de ces approches traditionnelles de la gouvernance.
Ces échecs ne sont pas des fatalités mais les symptômes d’un malentendu plus profond. Pour en sortir, il faut rompre avec les logiques héritées et extraire les véritables leçons de ces échecs répétés. C’est ce que nous proposons ici, à travers six enseignements majeurs.
Les enseignements des échecs : six leçons majeures
L’analyse de ces échecs révèle six enseignements fondamentaux qui émergent de cette analyse systémique et qui constituent les bases d’une approche renouvelée.
Première leçon : Intégrer plutôt que superposer
L’enchevêtrement de symptômes trahit une faiblesse d’ancrage. La diversité des symptômes – abandon, silos, données contradictoires, surcharge documentaire – révèle un problème structurel : la gouvernance est mal reliée aux mécanismes fondamentaux de l’organisation.
Ce constat révèle une vérité fondamentale : la gouvernance des données ne peut réussir que si elle est intégrée à l’architecture d’entreprise, au même titre que les processus, les fonctions et les systèmes critiques. Elle ne peut pas être une couche supplémentaire qui s’ajoute par-dessus l’existant.
Deuxième leçon : Activer plutôt que cataloguer
Des catalogues sans usage rassemblent des connaissances sans impact. Nous observons que glossaires, dictionnaires, référentiels ont été déployés, souvent avec rigueur. Mais ces dispositifs restent en marge des outils quotidiens, inaccessibles, ou peu intégrés aux chaînes de décision.
Cette observation révèle que le problème n’est pas de produire de la connaissance sur les données, mais de l’activer, de l’intégrer, et de la mettre à disposition des bons acteurs, au bon moment, dans les bons outils.
Troisième leçon : Développer une capacité transverse
Chaque problème reçoit sa réponse isolée : dashboard, comité, rôle, charte d’organisation. Ces actions sont logiques individuellement mais inefficaces globalement : elles restent isolées, symptomatiques, sans vision d’ensemble.
Cette fragmentation révèle que la gouvernance des données ne peut réussir que si elle devient une capacité transverse, structurée, reliée aux fonctions réelles de l’organisation, et non une collection de dispositifs ponctuels qui s’accumulent sans cohérence.
Quatrième leçon : Penser stratégique avant technique
Le pilotage des données est centré sur la qualité, la documentation ou l’outillage. Il est rarement conçu comme un levier d’exécution stratégique, ni relié aux objectifs de transformation organisationnelle.
Cette déconnexion révèle qu’un pilotage stratégique des données suppose un alignement clair avec les priorités de l’entreprise, et non un pilotage technique autonome qui tourne à vide sans horizon stratégique clair.
Cinquième leçon : Institutionnaliser plutôt que personnaliser
Une dépendance aux individus rend toute initiative fragile. Les sponsors, référents ou champions portent les dispositifs… jusqu’à leur départ. En l’absence d’institutionnalisation, la gouvernance s’efface dès que les personnes-clés changent de poste ou d’organisation.
Cette vulnérabilité révèle que la gouvernance des données doit être reconnue comme une capacité organisationnelle structurelle, intégrée, stable et indépendante des individus qui la portent à un moment donné.
Sixième leçon : Gouverner avec le data mesh, pas sans lui
Une architecture distribuée n’exonère pas d’une gouvernance intégrée. Le data mesh propose de distribuer la gouvernance en la confiant aux domaines métiers. Mais sans cadre partagé, activation réelle de la connaissance des données, et coordination transverse, il risque d’accentuer la fragmentation qu’il était censé résoudre.
Cette tension révèle que le data mesh ne remplace pas la gouvernance, il en renforce les exigences. Il suppose une connaissance explicite, partagée et pilotable des données pour être viable et ne pas créer de nouveaux silos.
Ces six leçons convergent vers une évidence : il faut changer de paradigme. Passer d’une gouvernance subie à une gouvernance intégrée, d’une approche technique à une approche stratégique, d’initiatives ponctuelles à une capacité organisationnelle durable.
La rupture nécessaire : une solution intégrée, alignée et pilotable
Face à ces constats, une rupture conceptuelle s’impose. La solution réside dans une approche simultanément intégrée, alignée et pilotable par la connaissance des données. Cette approche transforme la gouvernance en une capacité organisationnelle active, ne se contentant plus d’empiler des mesures pour absorber les symptômes, mais proposant une reconfiguration systémique.
Premier pilier : l’intégration
Intégrée signifie que la gouvernance est ancrée directement dans l’architecture, les projets, les opérations et les décisions de l’organisation. Cette intégration permet de résoudre plusieurs problèmes critiques simultanément.
Fini les projets abandonnés faute de cadrage data dès la conception : en intégrant la gouvernance dans les processus de conception projet, on évite les écueils tardifs. Exit le contournement des règles grâce à leur intégration dans les usages réels : les règles deviennent naturelles car elles accompagnent les processus métier. Terminée la dépendance aux sponsors : nous créons une capacité structurelle qui ne dépend plus des individus.
Plus de silos persistants : nous établissons une circulation transversale de la connaissance qui brise naturellement les cloisonnements. Fin de la fragmentation grâce à une gouvernance coordonnée dans tous les domaines, créant une cohérence d’ensemble.
Cette intégration transforme la gouvernance en capacité structurelle ancrée dans les fonctions vitales de l’organisation, traitant à la source les causes profondes plutôt que leurs manifestations.
Deuxième pilier : l’alignement
Alignée implique que chaque action est reliée à un objectif stratégique clair, permettant un pilotage orienté résultats, lisible et agile. Les bénéfices sont immédiats et mesurables.
Plus de pilotage technique déconnecté : nous nous alignons sur les vrais enjeux métier, donnant du sens à chaque action. Fini le ROI faible : nous priorisons les données à valeur stratégique, concentrant les efforts sur ce qui compte vraiment. Terminés les processus de gouvernance lourds : nous les allégeons par des finalités claires qui justifient et orientent chaque dispositif.
Cet alignement résout le pilotage technique déconnecté, améliore le retour sur investissement par la priorisation des données à valeur stratégique, et allège les processus de gouvernance grâce à des finalités claires qui leur donnent du sens.
Troisième pilier : la pilotabilité
Pilotable signifie que la connaissance des données est contextualisée, partagée et activée, permettant un pilotage distribué mais coordonné et évolutif. Cette approche élimine les derniers obstacles opérationnels.
Plus de données contradictoires grâce à des règles de calcul intégrées et visibles : la cohérence devient mécanique. Fini le cycle de vie non maîtrisé avec un suivi structuré de bout en bout : nous savons où en sont nos données à tout moment. Terminés les contrôles inefficaces : nous nous basons sur les flux réels, rendant les contrôles pertinents et utiles.
Plus de frustration utilisateur grâce à la clarté des rôles, données utiles et responsabilités : chacun sait ce qu’il doit faire et pourquoi. Cette pilotabilité traite les données contradictoires par l’intégration des règles de calcul, maîtrise le cycle de vie par un suivi structuré, rend les contrôles efficaces en les basant sur les flux réels, et résout la frustration des utilisateurs par la clarté des rôles et responsabilités.
Conclusion : vers une capacité organisationnelle active
L’échec massif des initiatives de gouvernance des données n’est ni une fatalité ni le résultat d’erreurs méthodologiques isolées. Il révèle une mécompréhension fondamentale de la nature même de la gouvernance des données. Celle-ci n’est pas un projet à réussir mais une capacité à construire, en profondeur, dans la durée, et à tous les niveaux de l’organisation.
L’élément transformateur de cette approche – et il faut insister sur ce point – c’est qu’elle transforme la gouvernance en une capacité organisationnelle active. Nous ne nous contentons plus d’empiler des mesures pour absorber les symptômes.
Nous proposons une reconfiguration systémique. Ce n’est plus une réponse projet ponctuelle, c’est une posture intégrée, stratégique et pilotable qui devient partie intégrante de l’ADN de l’organisation.
La transformation nécessaire dépasse la simple amélioration des outils ou des processus. Elle requiert une reconfiguration systémique qui fait de la gouvernance une capacité organisationnelle active, capable d’absorber les dysfonctionnements non par empilement de mesures correctives, mais par intégration structurelle aux mécanismes fondamentaux de l’entreprise.
Cette rupture conceptuelle et opérationnelle représente le seul chemin crédible pour inverser la tendance à l’échec et transformer enfin la gouvernance des données d’un discours théorique en une réalité opérationnelle créatrice de valeur durable. Contrairement aux cadres existants souvent focalisés sur les rôles, les outils ou les niveaux de maturité, cette approche propose une refondation intégrale de la gouvernance. Elle dépasse les référentiels normatifs pour l’inscrire au cœur de l’architecture et du pilotage stratégique de l’organisation.
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