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Faire face à l’IA : quelles stratégies de survie ?

  • Résumé
    À l'ère de l'IA, les entreprises font face à des défis sans précédent. Leur succès et leur survie dépendent plus que jamais de leur capacité à s'adapter et à innover au sein d’un environnement ultra technologique marqué par une incertitude inédite. La variété des réponses qu’elles apportent, allant de la pro-action à l’inertie, révèle une grande diversité de trajectoires. Nous proposons de les classer en quatre catégories : les pionnières, les natives, les émergentes et les réticentes. Nous analysons ensuite les défis spécifiques rencontrés par les entreprises en difficulté pour s'adapter à l'IA, afin de proposer des solutions pratiques.
    Citation : Mamavi, O., & Zerbib, R. (Jan 2024). Faire face à l’IA : quelles stratégies de survie ?. Management et Datascience, 8(1). https://doi.org/10.36863/mds.a.26798.
    Les auteurs : 
    • Olivier Mamavi
       (omamavi@gmail.com) - Paris School of Business  - ORCID : https://orcid.org/0000-0002-6421-1048
    • Romain Zerbib
       (romainzerbib@yahoo.fr) - ICD Business School
    Copyright : © 2024 les auteurs. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
    Liens d'intérêts : 
    Financement : 
    Texte complet

    Tandis que l’intelligence artificielle (IA) est en train de transformer les organisations et de remodeler leur modèle d’affaires, il nous paraît essentiel de comprendre comment les entreprises abordent et intègrent cette technologie révolutionnaire, en particulier pour en extraire les meilleures pratiques. Dans cette optique, nous suggérons de les classer en quatre catégories distinctes, suivant leur comportement vis-à-vis de l’IA. Chacune de ces catégories reflète une trajectoire, une culture et une stratégie, allant de la proaction à la conservation des méthodes traditionnelles.

    • Les pionnières représentent des entreprises qui se sont rapidement adaptées à l’IA. Elles ont réussi à intégrer les nouvelles technologies, à réviser leurs processus opérationnels et à adopter des stratégies novatrices. Les pionnières se caractérisent le plus souvent par une culture d’innovation forte, une agilité dans la gestion de projet, et une capacité à exploiter la data et l’automatisation.
    • Les natives ont quant à elles vu le jour dans un contexte lié à l’IA. Ces entreprises sont intrinsèquement liées au numérique et sont habituées à intégrer des technologies modernes. Les natives évoluent naturellement dans un environnement fait d’automatisation et d’algorithmes.
    • Les émergentes représentent les entreprises traditionnelles qui reconnaissent le besoin de se former à l’IA, mais avancent néanmoins prudemment vers son intégration. Elles cherchent un équilibre entre la réduction des risques et la maximisation des bénéfices en lançant des projets d’IA ciblés. Les émergentes n’ont pas une culture d’innovation aussi développée que les Pionnières ou la fluidité des Natives, mais se concentrent sur un développement progressif des compétences numériques, parfois en s’appuyant sur des partenariats pour pallier leurs lacunes.
    • Les réticentes enfin sont des entreprises qui rencontrent d’importantes difficultés pour s’adapter aux enjeux de l’IA, quand elles ne sont pas tout simplement indifférentes aux évolutions induites par cette révolution. Il s’agit le plus souvent d’entreprises ancrées dans des modèles mentaux et des processus désuets, opérant dans des milieux où les méthodes obsolètes sont encore acceptées. Le défi principal pour ces entreprises consiste à renconnaître leur retard, de briser leur rigidité culturelle et de combler leurs lacunes dans le domaine numérique, afin de déjouer l’obsolescence.

    Cette typologie offre un cadre pour appréhender la variété des comportements organisationnels face à l’IA. Il importe toutefois de souligner que ces catégories sont schématiques et servent principalement de repères pour l’analyse et la comparaison. En effet, dans la réalité, les frontières catégorielles sont plus floues, plus nuancées. Par ailleurs, certaines entreprises peuvent s’inscrire dans plusieurs cases simultanément du fait de leur fluidité et de leur complexité.

    Comment expliquer le comportement des entreprises réticentes face à l’IA ?

    Le premier obstacle est plutôt d’ordre culturel et historique. La résistance de certaines organisations face aux changements induits par l’IA peut s’expliquer en raison de leur trajectoire, et parfois même une trajectoire paradoxalement remarquable. Les succès, au fil du temps, peuvent en effet rigidifier les processus, rendant progressivement les organisations moins disposées ou capables de s’adapter aux nouvelles exigences du marché : « Au fond, pourquoi changer ce qui a toujours fonctionné ? ». Les signes avant-coureur de déclin, dû à une adaptation insuffisante aux nouvelles règles du jeu, peuvent ainsi se retrouver ensevelis sous les vestiges d’une histoire glorieuse. Un tel phénomène se manifeste notamment par une sérénité excessive de la direction vis-à-vis de l’avenir, par un sentiment de supériorité à l’égard de la concurrence, de magnifiques locaux synonymes de prospérité, ou encore par un chiffre d’affaires rassurant. Or, une telle ambiance de confiance excessive et de confort matériel peut engendrer une dangereuse myopie stratégique, alors source d’inertie organisationnelle. Faute de symptômes ostentatoires de danger imminent, le collectif rechigne à se mettre en mouvement.

    Le deuxième obstacle est plus exactement de nature politique. Le fait d’intégrer le facteur « IA » dans l’analyse des dynamiques concurrentielles peut modifier en profondeur les perspectives et certitudes de l’entreprise : un changement que certains acteurs au sein de l’organisation peuvent être réticents à accepter. Notamment parce qu’il induit de nouvelles pratiques, instaure une nouvelle hiérarchie des compétences jugées essentielles, et menace  un certain nombre d’acquis et de positions au sein de l’organisation. Les réticences individuelles et collectives peuvent dès lors s’exprimer par du déni, une absence de remise en question des pratiques habituelles, voire un certain activisme pour les perpétuer.

    Le troisième obstacle enfin est plutôt d’ordre technique et interroge la capacité d’une entreprise à pouvoir intégrer de façon pertinente l’IA dans son fonctionnement. Tout simplement parce que l’IA et ses infrastructures ne se déploient pas dans le vide : elles doivent être alignées avec la stratégie de l’entreprise et s’intégrer le plus harmonieusement possible dans l’organisation et ses processus. Sans compter les délicates questions éthiques et réglementaires, tels que la gestion de la confidentialité des données par exemple. Une difficulté majeure réside par ailleurs dans l’évaluation du retour sur investissement (ROI) car souvent les avantages peuvent être indirects et prendre un certain temps avant de se manifester, ce qui peut compliquer la justification des coûts importants associés à une telle transformation. Tous ces facteurs ajoutent de la complexité, notamment en termes de compétences requises, rendant ainsi l’engagement envers l’IA encore plus ardu pour une organisation déjà initialement réticente.

    Quelles sont les conséquences d’une adoption tardive à l’IA ?

    Une adaptation tardive peut entrainer de nombreuses répercussions allant de la ringardisation des pratiques, au déclin de l’entreprise. La principale menace se niche toutefois dans les raisons intimes qui rendent ce retard effectif. A savoir, des facteurs internes qui organisent, malgré eux, une désynchronisation entre l’entreprise et les exigences du marché. Un tel phénomène d’auto-dégénération pose au moins trois défis majeurs pour l’entreprise.

    Le premier est sans nul doute une rigidification graduelle de la chaine de valeur. Les entreprises qui renâclent à actualiser leurs pratiques se retrouvent en prise avec des processus qui perdent progressivement en efficacité opérationnelle et en potentiel de création de valeur. Ils tendent ainsi à diminuer la compétitivité de l’entreprise, la rendant de plus en plus vulnérable vis-à-vis d’une concurrence plus agile, qui s’empare de tous les moyens disponibles pour optimiser et personnaliser ses opérations.

    Cette érosion de la compétitivité peut en outre alimenter un recul relatif en matière de créativité et d’innovation. En effet, l’IA en automatisant les tâches routinières, permet de libérer des ressources pour des activités à plus haute valeur ajoutée. Le fait par ailleurs que les entreprises concurrentes s’inscrivent dans un nouveau paradigme technologique ouvre des horizons et des externalités nouveaux. Les entreprises qui résistent à l’IA risquent en conséquence de créer un fossé entre elles et les entreprises qui évoluent au sein d’un autre univers mental.

    La gestion des ressources humaines est également un enjeu critique. Les professionnels tendent en effet à privilégier les environnements dynamiques pour développer leurs compétences et renforcer leur employabilité. Les entreprises qui ignorent cette tendance risquent alors de réduire leur attractivité sur le marché et d’accélérer leur décrochage. En effet, lorsque les compétences ne sont pas présentes en interne, les véritables enjeux ne sont pas évoqués, la vision stratégique est décalée, l’entre-soi élimine peu à peu les signes signaux d’alerte, et finit par produire une insularité organisationnelle. Le tout constituant un cocktail explosif pour la viabilité de l’entreprise.

    L’impact sur la relation client enfin ne doit pas être sous-estimé. L’IA permet d’analyser en profondeur les comportements de consommation et ouvre ainsi la voie à une personnalisation sans précédent des processus de vente. Une telle approche ne se limite d’ailleurs pas à la gestion des attentes, mais permet de les anticiper. Netflix utilise l’IA pour personnaliser ses recommandations et transforme ainsi fondamentalement l’expérience client. De telles pratiques forgent peu à peu de nouveaux standards et exigences qui bientôt ne tolèreront plus les approches impersonnelles.

    Comment une organisation peut-elle déjouer le déclin ?

    Si, vous-même, êtes manager au sein d’une entreprise qui peine à s’adapter aux défis de l’IA, voici quelques conseils fondés sur les travaux de John Kotter, un célèbre professeur à l’université d’Harvard, qui pourraient vous aider :

    • Établir une prise de conscience : Soulignez l’importance de l’IA dans votre secteur, les opportunités manquées et les menaces concurrentielles relatives à une adaptation trop lente à l’IA.
    • Créer une coalition directrice : Réunissez un groupe de leaders et d’experts convaincus de l’importance de l’IA, et représentatif de l’ensemble des strates de l’organisation. Ce groupe devrait comprendre des personnes influentes et respectées au sein l’organisation, ainsi que des experts techniques, afin de guider le changement et inspirer les autres collaborateurs.
    • Développer une vision et une stratégie : Définissez comment l’IA peut être intégrée dans la stratégie globale de l’entreprise. Cela inclut la formulation d’objectifs clairs, comme l’amélioration de l’efficacité, l’innovation dans les produits ou services, ou encore l’amélioration de l’expérience client. Le projet doit en effet être incarné dans un cadre clair et pratique.
    • Communiquer la vision du changement : Communiquez ouvertement et fréquemment sur votre vision de l’IA et sur la manière dont elle va transformer l’entreprise. Utiliser divers canaux de communication pour atteindre tous les niveaux de l’organisation.
    • Permettez aux collaborateurs d’agir sur la vision : Fournissez les ressources, la formation et le soutien nécessaires afin que les collaborateurs puissent intégrer l’IA dans leurs missions du quotidien. Cela pourrait impliquer des formations, des ateliers de partage de bonnes pratiques, etc.
    • Générer des petites victoires : Mettez en place des projets pilotes ou des initiatives à petite échelle qui montrent les avantages concrets de l’IA. Cela aide à maintenir l’élan et à démontrer la valeur du changement. Une telle dynamique permet de réduire le potentiel d’obstruction des acteurs réticents au changement.
    • Consolider les gains et produire plus de changement : Utilisez les succès initiaux pour gagner le soutien et introduire des changements plus profonds liés à l’IA. Cela peut impliquer une intégration plus large de l’IA dans les processus stratégiques ou le développement de nouvelles capacités basées sur l’IA.
    • Ancrer les nouvelles approches dans la culture de l’entreprise : Finalement, faîtes en sorte que l’utilisation de l’IA fasse partie intégrante de la manière dont l’entreprise opère, tant sur le plan stratégique que culturel.

    Conclusion 

    L’avènement de l’intelligence artificielle marque un changement fondamental pour les organisations. Il s’agit d’un virage exigeant qui implique de surmonter de nombreux défis. L’adoption de l’IA dépasse en effet la simple intégration technique, elle nécéssite une transformation culturelle. Or, un tel changement ne peut advenir qu’à condition que l’organisation prenne pleinement conscience des enjeux liés à cette révolution.

    Il est essentiel que les organisations s’engagent dans le développement de compétences numériques de leurs collaborateurs. Des revues spécialisées telles que Management & Data Science jouent un rôle crucial dans ce contexte, en fournissant des analyses approfondies. Nos publications offrent des perspectives et des études de cas qui peuvent accompagner les décisions stratégiques et aider à mieux comprendre les défis et opportunités liés à cette révolution.

    Bibliographie

    Kotter, J., & Rathgeber, H. (2018). Alerte sur la banquise!: réussir le changement dans n’importe quelles conditions. Pearson.

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