Citation
L'auteur
Marc Aceti
(marc.aceti@laposte.net) - Université de Technologie de Compiègne - ORCID : https://orcid.org/0009-0002-3954-8770
Copyright
Déclaration d'intérêts
Financements
Aperçu
- Vision & Stratégie (transversale) : système nerveux coordonnant l'ensemble
- Double finalité (apicale) : capitaux et satisfaction des parties prenantes
- Création de valeur (centre) : interface transformationnelle
- Processus IT (infrastructure) : optimisation opérationnelle
- Apprentissage (fondation) : capacité évolutive
- Avancées marché (base) : capteurs environnementaux
Contenu
Phase 2 : Révélation de propriétés émergentes
Généralisation et universalité : au-delà du contexte IT
L’analyse révèle que le modèle, initialement conçu pour les DSI, présente une validité universelle. En effet, il suffit de retirer du descriptif des perspectives tout ce qui est typé ‘IT’ pour l’appliquer tout naturellement à tout autre domaine organisationnel (RH, Finance, Production…) et à tout type d’organisme : l’intégrité architecturale est préservée.
Cette universalité s’explique par la nature des mécanismes fondamentaux : toute organisation doit équilibrer optimisation interne et satisfaction externe, gérer des processus, apprendre, surveiller son environnement, piloter stratégiquement.
Outre une scalabilité déjà existante et préservée, le modèle enrichit donc le Balanced Scorecard original de deux propriétés sur lesquelles nous allons revenir ci-après :
- Scalabilité (propriété existante) : applicable à différentes échelles
- Multisectorialité (nouvelle) : transposable à différents domaines fonctionnels & organisations
- Fractalité (nouvelle) : reproductible à tous les niveaux hiérarchiques.
Ces propriétés pourraient être en mesure de génèrer des bénéfices organisationnels significatifs : langage managérial unifié, interopérabilité native des systèmes de pilotage, réduction de la charge cognitive assurée par un modèle conceptuel unique.
Scalabilité
Le modèle FMS-DF a été conçu en tenant compte d’une potentielle évolution de l’environnement dans lequel il s’insère, sans perdre en cohérence ni en efficacité. Il fonctionne aussi bien dans une petite équipe que dans une structure complexe – et s’adapte à la montée en puissance des processus comme à la diversification/multiplication des unités.
Ses six perspectives restent pertinentes quel que soit le niveau d’application. Parties prenantes, capital, création de valeur… la finesse d’analyse varie selon le contexte, mais la structure tient. La dimension « Vision & Stratégie » assure une continuité stratégique : c’est elle qui maintient l’alignement des objectifs.
Quand une organisation se transforme ou intègre de nouvelles fonctions, FMS-DF absorbe ces évolutions sans rupture. La structure est souple mais rigoureuse – concrètement, cela permet une mise à jour sans tout reconstruire. Là où des modèles comme CMMI ou les frameworks ISO imposent des refontes documentaires complètes, FMS-DF s’ajuste en recalibrant ses perspectives existantes.
Multisectorialité
Le même modèle de pilotage s’applique quelle que soit la nature de la structure concernée : il suffit de procéder à une personnalisation sectorielle des libellés et des contenus. On remarquera que l’adaptation se fera par paramétrage et non pas par restructuration :
Pour notre DSI, on a vu que nous avions libellé ainsi nos perspectives :
| Vision & Stratégie | Capitaux Mat & Immat. | Parties Prenantes | Création de valeur | Processus internes IT | Apprentiss Organisationnel | Avancées Marché IT & |
Adaptation à une autre Direction : les Ressources Humaines
| Stratégie RH & Transform. | Capital humain & Infrastr. RH | Expérience collaborateur & Directions | Développement des talents & Services RH | Processus RH & Excellence | Montée en compétences & Innovation RH | Tendances RH & Évolutions sociétales |
Adaptation à une Entreprise Commerciale :
| Vision & Stratégie | Patrimoine & Actifs intangibles | Écosystème de parties prenantes | Performance & Création de valeur | Excellence opérationnelle | Innovation & Apprentissage | Dynamiques de marché & Tendances |
Adaptation à une Administration Publique
| Politique publique & Gouvernance | Ressources publiques & Capital social | Service aux citoyens & Parties publiques | Impact sociétal & Services rendus | Efficience administrative | Modernisation & Développement des capacités | Évolutions réglementaires & Sociétales |
Adaptation à une Association à but non lucratif
| Mission & Orientation stratégique | Ressources & Capital relationnel | Bénéficiaires & Partenaires | Impact social & Réalisations | Optimisation des actions programmées | Développement des capacités | Évolutions sectorielles & Besoins sociaux |
On distingue deux catégories de perspectives dans ces adaptations :
- Celles dont les libellés sont quasiment invariants :
- Vision & Stratégie : dimension transversale universelle
- Double finalité : équilibre entre capital interne et parties externes
- Création de valeur
- Celles dont les libellés sont variables en fonction du contexte :
- Nature du capital : profit / impact social /…
- Parties prenantes prioritaires : clients / citoyens / bénéficiaires / …
- Type de valeur créée : économique / sociétale / …
- Environnement surveillé : marché / réglementation / besoins sociaux / …
Quelques cas supplémentaires dans des contextes plus spécifiques pour éprouver le modèle (en n’illustrant que les libellés variables) :
| Nature du capital | Parties prenantes prioritaires | Type de valeur créée | Environnement surveillé |
Adaptation à une Equipe Projet Transverse
| Budget projet & Expertise collective | Sponsor, Contributeurs & Bénéficiaires | Solution, Méthodologie projet & Coordination | Fluctuations de l’environnement & Opportunités |
Adaptation à une Université / Grande Ecole
| Campus & Capital académique | Étudiants, Chercheurs & Société | Diplômes, Publications & Transferts | Innovations pédagogiques & scientifiques |
Adaptation à un Hôpital Public
| Plateau technique & Expertise médicale | Patients, Tutelles & Personnel soignant | Soins délivrés & Santé publique | Innovations thérapeutiques |
Le modèle est également capable de s’adapter et de représenter au plus près les réalités de différents contextes
Fractalité
Diagramme 2 : Fractalité – Un même modèle de pilotage pour des structures emboîtées

Chaque unité reproduit la structure complète des 6 perspectives, créant une fractalité architecturale – moins rigoureuse que celle du VSM de Beer avec ses 5 sous-systèmes cybernétiques obligatoires, mais plus opérationnelle.
C’est la structure qui se reproduit aux différentes échelles, pas le contenu. Une fractalité plus proche des schémas organisationnels de Mintzberg que de la cybernétique de Beer : des motifs qui se répètent avec variations, sans vocabulaire trop spécifique ni trop abstrait.
Une fractalité renforcée par le potentiel d’interconnexion
Le paradoxe des fournisseurs
L’analyse des flux avec les fournisseurs nous a confrontés à ce qui ressemblait dans un premier temps à une asymétrie. Alors que les interactions avec les clients mobilisent toutes les perspectives, celles avec les fournisseurs semblaient se limiter au règlement, au paiement, ce qui s’inscrivait mal dans les perspectives aboutissant à la création de valeur : un paiement est un transfert de valeur, pas une création à proprement parler. Cette observation nous a fait craindre dans un tout premier temps à une faille conceptuelle dans le modèle.
Résolution par la perspective
La solution émerge de la reconnaissance que le modèle s’adresse à l’entité qui pilote. En effet, les processus créateurs de valeur du fournisseur pour son client (la DSI) résident dans le modèle du fournisseur et non pas dans celui de la DSI ! Cette découverte renforce la propriété fractale : chaque partie prenante peut utiliser le même modèle, créant un écosystème cohérent d’interfaces naturelles.
Protocole d’interconnexion managérial
On voit alors que le modèle fonctionne comme un protocole standard permettant l’interconnexion fluide entre entités organisationnelles. Chaque nœud suit les mêmes règles, facilitant la communication inter-organisationnelle. L’adoption du modèle par les parties prenantes optimise les interfaces sans pour autant les rendre obligatoires.
Diagramme 3 : Protocole d’Interconnexion – Les différentes instances d’un même modèle liées

Légende :
° Les liens d’une structure à l’autre représentent des flux de valeur créée par l’émetteur à destination des capitaux du destinataire. Illustration : produits de l’exploitation d’une application de la DSI d’une entreprise A vers sa Direction Marketing (flux violet)
° Les flux inverses représentent un simple transfert de capital (n’y figurent pas ici pour ne pas surcharger le diagramme). Illustration : règlement du fournisseur IT par la DSI de A (inverse du flux vert).
Mécanisme du protocole d’interconnexion
Prenons le cas d’une DSI implémentant une solution CRM pour la direction marketing. Le protocole distingue deux phases :
Phase projet : La création de valeur se répartit entre les deux directions. Le marketing monte en compétence (capital immatériel), tandis que la DSI enrichit son parc applicatif (capital matériel) et développe son expertise projet (capital immatériel).
Phase exploitation : La valeur créée par la DSI irrigue les Capitaux du Marketing, puis cascade vers ses Processus et sa Création de valeur. Cette dernière satisfera la DG par l’augmentation du CA et la fidélisation clients.
Ce mécanisme illustre comment les capitaux servent de ressources aux processus (lien de type ‘ressource nécessaire’ distinct des liens causaux classiques).
Gestion des dysfonctionnements via le protocole
Prenons le scénario d’une panne majeure de l’outil de CRM. Le protocole traduit immédiatement et ‘visuellement’ l’impact sur la création de valeur du Marketing et l’érosion du capital immatériel (capital ‘confiance’) de la DSI, voire matériel si les engagements non tenus donnent lieu contractuellement à des compensations financières. Il facilite ensuite l’activation conjointe des perspectives ‘Processus’, pour la résolution, et ‘Apprentissage organisationnel’ pour la prévention (gestion du problème au sens Itil) visant à rétablir les capitaux des deux parties.
Nouvel entrant
Prenons le cas d’un acteur qui n’est pas encore aligné, par exemple un fournisseur.
Adopter le modèle apporte des bénéfices des 2 côtés par une forme de compatibilité : alignement des 6 perspectives, harmonisation des éléments de mesure (indicateurs), mise en oeuvre des flux bidirectionnels. La mention d’un modèle commun pourrait même figurer dans les appels d’offres !
Parties prenantes multiples
Nous n’avons illustré qu’un seul client interne pour l’application de CRM ; d’autres directions peuvent bien entendu s’y ajouter, comme la Direction Commerciale. Le diagramme fournit alors une représentation visuelle de l’ensemble des bénéficiaires et de l’utilisation de la valeur créée pour et par les parties prenantes (suggestion : à insérer au Business Case du CRM).
Synthèse des avantages du protocole
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- Un langage commun : chaque unité disposant du même jeu de perspectives, la compréhension mutuelle est accélérée ; réduction et standardisation des échanges d’information
- Visualisation des impacts : chaque décision est évaluée sur l’ensemble des perspectives, les effets externes sont clairement représentés
- Optimisations au local comme au global : prévient les décisions optimisées localement (silos) mais néfastes à l’ensemble ; est en mesure de mieux révéler de potentielles synergies cachées
- Capacité d’adaptation du système : si un acteur est défaillant, les autres comprennent rapidement où intervenir ; le modèle commun facilite reprises et substitutions.
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Un chantier à poursuivre
Plusieurs pistes restent à explorer : l’élaboration de scénarios complets illustrant le protocole, notamment pour les parties prenantes multiples ; l’explicitation des liens bidirectionnels entre Vision & Stratégie et les autres perspectives ; la dualité du collaborateur comme capital et ressource ; ou encore l’affinement de la typologie des flux.
La perspective Apprentissage organisationnel mérite également d’être précisée : redéfinie par rapport au BSC original, elle assume désormais un double rôle – assimiler les avancées du marché pour enrichir les Capitaux, et activer ces mêmes Capitaux pour les rendre exploitables par les Processus.
Conclusion
Ce travail, né d’une volonté d’adapter le Balanced Scorecard aux réalités des DSI, a finalement largement débordé ce cadre initial. Sa reconstruction méthodique a abouti à un modèle différent et pour lequel des propriétés inattendues ont émergé, soulevant des questions plus larges sur les outils de pilotage organisationnel.
Le modèle FMS-DF propose une double finalité — capital organisationnel et satisfaction des parties prenantes — en interaction causale. Cette approche, moins linéaire, nous paraît mieux refléter la complexité des dynamiques internes actuelles. Par ailleurs, l’impossibilité de mesurer un « ROI global IT » de manière rigoureuse suggère de revoir nos attentes vis-à-vis des fonctions support, souvent sommées de prouver leur valeur par des indicateurs trop simplistes.
Trois propriétés clés : une fractalité qui permet une application à différents niveaux, une multisectorialité qui ouvre la voie à des usages variés, et une capacité d’interconnexion qui, si elle se confirme sur le terrain, pourrait conduire à une forme de protocole managérial.
Il convient de préciser que l’apparente complexité du modèle ne doit pas rebuter : son implémentation peut être progressive, en commençant par les perspectives les plus pertinentes pour l’organisation. Chaque composante apporte une valeur autonome, sans nécessiter le déploiement complet du dispositif.
Au-delà de sa fonction de pilotage, FMS-DF interroge : Comment articuler satisfaction des parties prenantes et développement de nos propres capitaux ? Comment cartographier la circulation de valeur dans l’organisation ? Comment démontrer qu’un même modèle peut unifier le pilotage de toutes les directions ? Ces questions, que le modèle aide à formuler, valent autant que les réponses qu’il propose.
Bien sûr, ces idées restent à valider : des tests empiriques sont nécessaires. Pour bien faire, il faudra explorer la faisabilité de la bonne application du modèle hors du contexte IT, et confronter ses principes à d’autres cadres existants.
Bibliographie
il ne peut pas avoir d'altmétriques.)
