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L'auteur
Olivier Meier
(olivier.meier@iutsf.org) - UPEC
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Vous êtes professeur des universités en sciences de gestion. Qu’est-ce qui vous a conduit à explorer les interactions entre IA et sciences de gestion, et à adopter une approche interdisciplinaire dans vos travaux ?
OM : Mon intérêt pour les interactions entre sciences de gestion, économie et intelligence artificielle (IA) s’inscrit dans une volonté d’explorer des approches interdisciplinaires pour répondre à des problématiques complexes. Dans ce cadre, l’opportunité de collaborer avec le Pr Kurosh Madani a été déterminante.
Le Pr Madani est une figure majeure dans le domaine de l’IA bio-inspirée, ayant cofondé et dirigé des laboratoires de renom à l’UPEC, notamment le LISSI (Laboratoire Images, Signaux et Systèmes Intelligents). Son expertise dans les réseaux neuronaux et les systèmes intelligents, ainsi que sa capacité à innover dans des approches computationnelles avancées, complètent parfaitement les perspectives des sciences de gestion.
En tant que collègues au sein de la même université, nous avons rapidement réalisé que nos disciplines respectives pouvaient dialoguer de manière féconde. Cette collaboration repose sur une estime réciproque et une volonté partagée de mener des recherches transversales. Nous nous sommes donné pour objectif d’explorer les impacts technologiques dans le champ de l’économie et de la gestion, en mettant l’accent sur des questions comme l’autonomie des agents économiques, l’adaptation à l’incertitude ou encore la compréhension des dynamiques émergentes dans des environnements complexes.
Cette approche interdisciplinaire, croisant IA et sciences de gestion, offre des perspectives inédites pour modéliser des phénomènes économiques et sociétaux, permettant non seulement de mieux comprendre les mécanismes en jeu, mais aussi d’apporter des outils concrets aux décideurs. Cela répond à un besoin pressant d’innovation dans la prise de décision stratégique, à l’heure où les systèmes deviennent de plus en plus complexes et interconnectés.
En quoi les modèles basés sur des agents intelligents (MBA) apportent-ils une nouvelle compréhension des interactions économiques et sociétales, en particulier dans des contextes marqués par l’incertitude ?
OM : Les MBA offrent une approche révolutionnaire pour modéliser des systèmes complexes. Contrairement aux modèles traditionnels, qui supposent souvent que les acteurs économiques sont homogènes et parfaitement rationnels, les MBA intègrent des agents autonomes dotés de comportements hétérogènes et d’une rationalité limitée. Cela reflète mieux la réalité des interactions économiques, où des facteurs comme l’incertitude, les biais cognitifs ou les asymétries d’information jouent un rôle clé.
Dans un MBA, chaque agent peut représenter une entreprise, un consommateur ou une institution, doté de capacités d’apprentissage pour adapter ses décisions en fonction des évolutions de l’environnement. Par exemple, sur un marché financier, les agents peuvent réagir différemment aux variations de prix, reproduisant des dynamiques comme les bulles spéculatives ou les krachs. Cela permet aux décideurs de tester différents scénarios, comme l’impact de nouvelles régulations ou de chocs exogènes, avec une granularité inédite.
Comment l’intelligence artificielle bio-inspirée, notamment les réseaux de neurones et les systèmes flous, enrichit-elle l’analyse économique et managériale ? Pouvez-vous donner un exemple d’application concrète ?
OM : L’intelligence artificielle bio-inspirée se distingue par sa capacité à traiter des données complexes et souvent imprécises, typiques des systèmes économiques et sociaux. Les réseaux de neurones artificiels, par exemple, sont excellents pour détecter des motifs non linéaires dans de grandes bases de données, tandis que les systèmes flous permettent de modéliser des règles décisionnelles « humaines », intégrant des nuances et des zones d’incertitude.
Prenons un exemple concret : un système d’inférence flou peut modéliser la prise de décision d’un consommateur en fonction de critères subjectifs, comme la perception de la qualité ou la sensibilité au prix. En associant ces techniques à des MBA, on peut simuler des phénomènes émergents, comme les tendances de consommation, ou évaluer l’impact de décisions stratégiques, comme le lancement d’un nouveau produit sur un marché compétitif.
Quels avantages les agents artificiels intelligents offrent-ils pour la gestion des ressources humaines et la transformation organisationnelle, en termes d’anticipation et de pilotage des dynamiques internes ?
OM : Dans la gestion des ressources humaines, les agents artificiels intelligents (AAI) permettent de modéliser les dynamiques organisationnelles en tenant compte des comportements individuels, des interactions sociales et des facteurs émotionnels. Par exemple, un MBA peut simuler l’impact d’une nouvelle politique de rémunération basée sur la performance individuelle.
Chaque employé, représenté par un agent, peut réagir différemment : certains augmentent leur productivité, d’autres ressentent une baisse de motivation. En observant ces dynamiques, les dirigeants peuvent ajuster leurs décisions avant de les implémenter à grande échelle. Cela minimise les effets négatifs, comme les tensions ou la fragmentation des équipes, et maximise les gains de performance. Ces outils offrent aussi une aide précieuse pour gérer le changement, en anticipant les résistances et en identifiant les leviers d’adhésion.
À l’ère de l’IA générative, comment les dirigeants peuvent-ils utiliser les modèles bio-inspirés pour concilier innovation technologique et alignement avec des valeurs humaines telles que la durabilité et l’équité ?
OM : L’IA générative, combinée aux modèles bio-inspirés, permet aux entreprises de créer des innovations tout en naviguant dans des environnements économiques et sociétaux complexes. Ces technologies ne remplacent pas les humains, mais augmentent leur capacité à prendre des décisions éclairées.
Par exemple, un MBA basé sur des AAI peut modéliser l’impact sociétal d’une innovation, comme une nouvelle technologie de rupture, en intégrant des variables comme l’acceptabilité sociale ou les retours des parties prenantes. Ces modèles permettent également de simuler des scénarios éthiques, aidant les entreprises à aligner leurs stratégies sur des valeurs humaines, comme la durabilité ou l’équité, tout en restant compétitives.
Les dirigeants doivent toutefois garder une perspective critique : ces outils sont des aides à la décision, mais ne peuvent capturer totalement les dimensions humaines comme la créativité ou l’intuition. Il est essentiel d’utiliser l’IA comme un levier pour renforcer la singularité humaine, et non pour la standardiser.
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