OM: Ce livre est né de l'idée que les chroniques XERFI contribuent par leur contenu et regard parfois décalé à susciter le débat et la discussion et à permettre d'avancer dans ses propres réflexions et actions. La direction de XERFI Canal a donc souhaité ouvrir ce débat à travers la création d'une collection « Chroniques XERFI » mettant en avant un ensemble de chroniques réalisées par ses experts, réunies dans des ouvrages nominatifs. Je tiens d'ailleurs à remercier Laurent Faibis et son équipe pour leur confiance.

OM: Oui, bien sûr. Cette chronique est née du constat que toute organisation dans un contexte de changement permanent (variations de l'environnement) doit pour continuer à avancer, accepter une part importante d'imprévu et de déviance managériale. Or, les organisations sont souvent confrontées à des risques de conformisme social, source d'inertie et facteur propice aux jeux d'acteurs (représentation sociale). Généralement, la conformité sociale et la normalisation sont donc privilégiés face à toute forme de transgression ou de déviance qui apparaît dans bien des cas comme un mode de pensée et de comportement qu'il s'agit de contrôler en raison de son caractère non nécessaire et peu vertueux.

Mais une telle situation peut favoriser l'inaction sur la prise d'initiative, la prudence excessive sur l'affirmation de ses convictions. De même, il est fréquent de recourir dans les organisations au consensus, au compromis, à l'évitement de toutes formes de conflits, avec le risque de création de blocages, allant à l'encontre de toute forme d'innovation créatrice.C'est là que les travaux de Serge Moscovici peuvent nous être d'une réelle utilité , en montrant de quelle manière l'existence de contre normes peuvent contribuer à modifier les règles du jeu et à créer soit de la polarisation (conflit socio-cognitif) soit de l'innovation minoritaire, sous certaines conditions (contexte d'incertitude, d'urgence ou de survie). Dans ce cas, la personne transgressive peut alors changer la donne.

Naturellement ce type de comportement n'est pas sans risques et amène à des réactions hostiles. Le déviant même positif peut en effet tout perdre. Il n'a pas le choix: soit il n'est pas entendu, et il sera rejeté (quelle que soit la pertinence de son approche), soit il obtient gain de cause, et il sera alors adoubé (institutionnalisé) par le système en place qui n'hésitera pas alors à faire preuve d'amnésie (sur certains comportements qu'il considérait jusqu'alors condamnable).

OM: Pour que cette transgression ait des chances de réussir, il est important que l'acteur concerné soit dicté par des ressorts personnels ou psychologiques importants qui le conduisent à accepter d'être rejeté par l'organisation. La transgression demande aussi un contexte favorable, notamment lorsque la norme dominante (la majorité) n'est pas en situation d'imposer une doxa indiscutable (situation d'incertitude). Enfin, l'individu déviant doit réussir de manière irréfutable afin que l'organisation et ses anciens rivaux aient plus de risques à continuer l'affrontement qu'à l'adouber, aux risques de perdre leur légitimité rationnelle-légale. Autant d'éléments qui demandent une part importante de convictions personnelles (détermination), de courage, de ténacité et un style de comportement consistant susceptible de résister aux pressions de toutes sortes.

« Cultiver ses différences, et celles des autres », voir également l'interview menée par L. Faibis (Xerfi Canal)