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Olivier Meier
(olivier.meier@iutsf.org) - UPEC
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L'essor des technologies numériques a considérablement modifié notre environnement sociétal et économique. Cette transformation rapide a créé une fracture numérique, mais aussi une asymétrie des compétences entre les générations. Face à cette situation, certaines entreprises ont opté pour une normalisation des compétences et des processus, au détriment de la solidarité organique. Cette vision réductrice a pour conséquence d'ignorer les compétences spécifiques de chacun et peut, à terme, conduire à une perte de coopération intergénérationnelle en entreprise.
Dans cet article, nous examinerons comment la solidarité organique, selon E. Durkheim, peut redynamiser la coopération intergénérationnelle en entreprise, en mettant en avant les compétences de chacun.
La solidarité organique ou comment l'interdépendance favorise la cohésion sociale
La solidarité organique est, selon Durkheim, un système de solidarité basé sur l'interdépendance des individus dans une société complexe. Contrairement à la solidarité mécanique, où l'individu est intégré dans un ensemble homogène et uniforme, la solidarité organique renvoie à une division du travail spécialisée, chaque individu ayant des compétences spécifiques et différentes de celles des autres (logique de complémentarité).
Ce système de solidarité est ainsi généré par une interdépendance des individus, qui ont besoin les uns des autres pour surmonter les défis complexes auxquels ils sont confrontés. Ainsi, dans une société organique, les individus ont des fonctions spécialisées et complémentaires, et une division du travail complexe est nécessaire pour répondre aux besoins de la communauté. Dans cette forme de solidarité, les personnes ne sont plus liées par des liens de proximité géographique ou culturelle, mais par leur participation à une division du travail complexe et interconnectée.
Dans une société organique, chaque individu a donc un rôle spécifique à jouer et devient un acteur essentiel pour maintenir la cohésion de la communauté dans son ensemble. En collaborant et en valorisant leur complémentarité dans le cadre une division spécialisée du travail, les individus peuvent dès lors satisfaire les besoins de la société et assurer son bon fonctionnement.
Quelques exemples inspirants
Plusieurs entreprises (Orange, Sodexo…) ont d'ailleurs cherché à développer des projets de collaboration intergénérationnelle, qui visent à renforcer des modes de solidarité de nature « organique », en misant sur les spécificités de chacun pour le bien de l'entreprise.
Citons le cas emblématique de l'entreprise L'Oréal qui vient lancer un nouveau programme à l’échelle mondiale, » L'Oréal for All Generations« . Celui-ci a été officiellement lancé en France en juillet 2022 à l’occasion de l'événement « Generations Days ». « L'Oréal for All Generations » s'adresse à l’ensemble des collaboratrices et des collaborateurs, avec une attention particulière pour les plus expérimentés. L'objectif est de développer un modèle intergénérationnel, où le dialogue et la collaboration entre les âges deviennent un véritable levier de croissance. Des actions concrètes sont déjà en place dans certains pays, telles que des sessions de formation tout au long de la carrière, des initiatives de mentorat, des ateliers/coaching. D'autres initiatives verront prochainement le jour, comme un e-learning intergénérationnel. L’Oréal for All Generations replace ainsi le « vivre-ensemble » au centre des pratiques professionnelles de l'entreprise et réaffirme le lien social qui unit les collaborateurs de tous âges. C'est également dans cet esprit que l'entreprise s'est investie dans le projet Octave, programme de leadership intergénérationnel qui traite des nécessaires adaptations digitales, sociétales et environnementales/
Un autre exemple intéressant concerne la société BNP Paribas. En effet, l'entreprise a décidé a de lancer un réseau intergénérationnel pour enrichir l’intelligence collective. Afin d'atteindre ses objectifs en termes de diversité, l'entreprise BNP Paribas a mis en place une politique innovante qui met en avant l'importance de l'intergénérationnel. Cela s'exprime notamment par l'organisation d'événements et de séances de mise en réseau qui visent à encourager les collaborateurs de toutes les générations à échanger des idées et des perspectives sur leur environnement professionnel. En effet, la mise en réseau est un moyen efficace de favoriser l'innovation conjointe et la créativité, à partir des expériences et des compétences de chacun. Pour l'entreprise, ces événements sont également une occasion de partager les meilleures pratiques et de rassembler des employés de différents sites de l'entreprise. Ils permettent ainsi de renforcer la cohésion du groupe et de développer une culture d'entreprise inclusive et progressiste, en ligne avec les attentes de la société d'aujourd'hui.
Pour une meilleure valorisation des différences
La solidarité organique est donc importante pour que chaque individu puisse avoir une influence minoritaire positive. Dans une entreprise, la collaboration intergénérationnelle favorise l'émergence de nouvelles idées et l'innovation. Les seniors ont une expérience professionnelle significative et leur expérience peut contribuer à une meilleure gestion des innovations en entreprise (pensée critique, prise de recul, montage et gestion de projets complexes, système de planification, négociation avec les parties prenantes, levées de fond et gestion financière…).
Les entreprises ne doivent pas se limiter à la simple question de l'asymétrie des compétences entre les générations. La réussite de l'entreprise dépend avant tout de la collaboration solidaire et constructive de toutes les générations qui ne peut être réalisée qu'à travers une solidarité organique qui accorde une place prépondérante aux spécificités et à la valorisation des différences.
Bibliographie
Durkheim E., Les Règles de la méthode sociologique, Librairie Felix Algan, 1895.
Elias N., « La transformation de l’équilibre ‘‘nous-je’’ » dans La société des individus, Librairie Arthème-Fayard, 1991.
Meier O., « Synergies et complémentarité à l’ère des réseaux sociaux », Séminaire ARGOS, 2018.
Meier O., « L’apport des sciences sociales dans le champ de la gestion », Cahier DRM, 2016. Meier O., « L’articulation Droit -Gestion – Sociologie », Séminaire FMSH, 2015.