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Geoffrey Martinache
(g.martinache@eductive-groupe.com) - Esupcom
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Peu d’entreprises échappent aujourd’hui à l’impérieuse nécessité d’évoluer, de changer d’activité ou de secteur. Devant les opportunités offertes par le digital, établir la stratégie d’une révolution conduisant à modifier son modèle économique, à opter pour un nouveau positionnement, un nouveau modèle de distribution et une nouvelle proposition de valeur devient périlleux. Pour réaliser ce changement il convient d’être ouvert à son marché, prendre le risque de la différence en abandonnant ses certitudes pour mesurer objectivement les signaux faibles. Les modèles stratégiques connus aujourd’hui prennent-ils en compte ces éléments et sont-ils suffisamment pragmatiques pour correspondre aux besoins du marché et des cibles volatiles ? Permettent-ils de devancer le rythme du changement ou au moins de le suivre ?
Les organisations mises en place durant plusieurs années pour gérer et améliorer les produits ne sont plus capables de positionner l’entreprise à la pointe de l’innovation. Elles peuvent même rendre inutiles les efforts pour rester compétitifs sur un marché affecté par les fluctuances de plus en plus fréquentes et où les managers se doivent d’être réactifs. Hier les entreprises consentaient à revoir leur stratégie que très rarement. Aujourd’hui une entreprise qui ne se donne pas les moyens de revoir son positionnement régulièrement ne peut survivre.
L’entreprise devient spécialiste d’un service plus que d’un produit et se modélise autour d’une compétence centrale à laquelle vient s’adjoindre un ensemble de services répondant aux opportunités du marché. Les mutations rapides du modèle économique détruisent les modèles de stratégie parce qu’elles ne correspondent pas à un étirement des modèles existants pour lesquels des théories applicables existent. Les recettes du succès d’hier ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. Le marché change en permanence et plus vite qu’hier. Il ne peut donc y avoir de modèle définitif préalablement pensé et applicable par la suite sur plusieurs années parce que nous ne connaissons ni la trajectoire de l’entreprise ni son point aboutissement. Les connaitre est donc d’une utilité rétive aujourd’hui.
Auparavant, on évaluait l’importance d’une entreprise à la taille de ses actifs. Aujourd’hui les entreprises qui réussissent le mieux sont des entreprises sans aucun actif et celles qui en avaient sont devenues leaders par les pertes par manque d’anticipation et de souplesse. Par ailleurs, la matrice BCG préconisait pour gérer efficacement un portefeuille d’activités de ne plus investir dans les domaines « poids morts » parce que la conquête des points de croissance est trop onéreuse pour challenger le leader et que la demande est trop faible. Cependant, une grande marque comme Shazam peut tirer une partie de ses revenus en commercialisant les milliards de données récoltées même si cela reste inférieur à l’activité des leaders. Le succès n’est plus une question de taille mais de réactivité. Le ratio de valorisation boursière par employé est criant dans ce cas. Snapchat atteint 367 millions de dollars par employés alors que PSA groupe peine à atteindre les 235 000 dollars par employés. Les entreprises traditionnelles tentent de maintenir leur stratégie au lieu de mettre en place le pivot radical nécessaire dans cette économie du digital. Les résultats ne sont pas convaincants : soit l’effet espéré n’est pas au rendez-vous (on a en tête les taxis G7 qui ont tenté de s’adapter pour faire face à la vague Uber mais sans proposer de valeur ajoutée), soit l’effet est de courte durée.
Par ailleurs, la science de la stratégie présente plusieurs écueils. Une stratégie doit rationnaliser le réel afin de le maitriser. Ce qui implique nécessairement de le simplifier en ignorant la diversité et la complexité des facteurs avec lesquels les entreprises doivent travailler. De plus le décideur établit sa stratégie en fonction de ce qu’il pense et de la perception lacunaire et subjective qu’il se fait de la situation et non de l’objectivité des données récoltées. Il décide par exemple, en fonction de l’opinion qu’il se fait des compétences de chacun, il décide en fonction de la représentation qu’il se fait des missions du chef d’entreprise et qui lui impose de décider sous peine d’être décrédibilisé. Il décide enfin en fonction de sa position devant son conseil d’administration voulant que les décisions viennent du sommet de la hiérarchie.
Pour résoudre ces écueils les entreprises qui connaissent la croissance aujourd’hui tournent le dos aux prévisions à long terme mises en doute par un avenir incertain et s’orientent vers l’itération de court terme, le test et l’expérimentation. Autrement dit, ils choisissent d’inventer l’avenir au lieu de le suivre. Ils engagent un dialogue constant et nourri avec le terrain. Pour qu’une stratégie soit efficace il est nécessaire de l’éprouver en entreprise, de la voir évoluer, de la mettre à distance. La stratégie ne doit plus être vue comme une planification des activités sur une durée longue mais comme une force opérante qui recherche sans cesse les opportunités à saisir et initiatives à exploiter. La stratégie ne peut plus être rédigée puis appliquée.
La stratégie doit donc maintenir les deux tenants que sont la pratique et la théorie, misant sur leur complémentarité, chacun s’alimentant par sa relation à l’autre, dans un libre jeu des facultés pour arriver à une synthèse pertinente et valide. Cependant il est important que ce mouvement ne soit pas basé sur une hiérarchie des valeurs, accordant une prévalence à la théorie pour au contraire privilégier une logique expérimentale identique à celle de l’entreprise qui favorise l’audace, la disruption et la collaboration. Le changement ne se prévoit donc pas enfermé dans un bureau en visant un résultat éloigné mais de manière collaborative par petites avancées chaque fois confirmées par les données du terrain.
Le chaos de notre époque est riche d’opportunités. Dans le contexte actuel de changement en profondeur de notre environnement économique et compte tenu de la difficulté de la stratégie à permettre aux décideurs à prendre les bonnes décisions, un modèle d’expérimentation permanente peut inciter les entreprises à évoluer de manière pertinente. Leroy Merlin s’est imposé dans le top of mind des magasins de bricolage en Russie devant le concurrent local grâce non pas à une stratégie pluriannuelle figée et planifiée mais grâce à des enquêtes de terrain, des interviews pour comprendre les besoins des logements russes et le profil des utilisateurs.
L’expérimentation permanente permet contrairement à la stratégie de co-construire un ensemble de solutions répondant aux besoins des consommateurs grâce à des enquêtes terrain puis des ateliers de conception élaborant des scénarios et parcours client pour aboutir après plusieurs itérations à la définition d’une offre de services à tester sur le marché. Cette offre sera ensuite affinée, précisée et complétée par des boucles d’itération et étendue aux autres marchés. Par ailleurs, au-delà de la solution imaginée répondant aux utilisateurs cibles, l’expérimentation permet d’éprouver l’approche systèmique de la stratégie et de tendre les compétences de la structure vers le changement alors que les collaborateurs sont fortifiés par le succès immédiat et la recherche collective.
Les problèmes ne sont pas approchés en terme de causalité. L’expérimentation les saisit dans leur logique circulaire, c’est-à-dire qu’une cause produit un effet qui rétroagit sur la cause pour ouvrir la solution sur la totalité de l’environnement et des points de contact de l’écosystème. L’expérimentation inclut une compréhension systèmique des problèmes pour exposer une solution qui ne se base pas uniquement sur la conceptualisation de la réalité mais sur un dialogue pragmatique et opératoire permanent de l’entreprise avec ses cibles d’une part et des collaborateurs entre eux d’autre part.
L’expérimentation permanente remplace l’établissement d’une stratégie et tient l’erreur et l’hésitation comme les moments nécessaires dans l’élaboration d’une innovation de rupture. Alors que la stratégie établissait un territoire de savoir sur lequel le chef d’entreprise régnait en maitre avec autorité et la menace d’une caducité programmée, l’expérimentation ne se fixe comme limites que celles de l’opportunité et repousse les limites de la connaissance pour voir l’amélioration qui ressort de la percée.
L’expérimentation permet donc dans un contexte de concurrence exacerbée où la réactivité, l’adaptabilité et l’innovation sont plus importantes que jamais, de mobiliser les compétences de sa structure vers des objectifs atteignables créateurs de valeur pour conquérir des parts de marché, de nouveaux clients, des points de trafic. L’entreprise se donne alors la chance de sortir des schémas de rétention et de faire face à l’uniformisation des prix et la volatilité des cibles.
Une vision prospective de l’évolution des modèles économiques questionne alors l’enseignement de la stratégie d’entreprise. Est-il encore possible d’enseigner la stratégie au sein de nos écoles ou de nos universités alors que les révolutions technologiques et économiques sont chaque fois plus rapides ? Le temps que nos étudiants les assimilent et se dégagent du réflexe d’application, elles seront rapidement obsolètes. C’est ainsi que le management stratégique vit une crise majeure. Entre stratégie basées sur les ressorts de l’empirie et théories trop abstraites ou généralistes pour être inutilisables, les modes sont de plus en plus courtes.
Les entreprises ont besoin de collaborateurs opérationnels rompus aux nouvelles techniques de management par projet capables de construire demain. En insistant sur le lean management et grâce à une démarche ouverte tendue vers l’expérimentation, le bachelor by Eductive en marketing et business developement permet aux étudiants de devenir des entrepreuneurs capables d’anticiper l’avenir.
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