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Les auteurs
RUTAMBUKA DAVID
(drutambuka@groupe-igs.fr) - ICD Business School - Paris - ORCID : https://orcid.org/0000-0002-7270-5232Gérard Akindes
(gakindes@gmail.com) - (Pas d'affiliation)
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Le continent Africain connaît une forte montée en puissance en matière d’investissements, réalisés par certains pays, en innovation et en intelligence artificielle pour faire face aux problèmes complexes que connaissent ces pays.
Les géants du numérique, comme Google dans le cadre de son projet « Google for Startups Accelerator: AI first » stimule ces initiatives en apportant un soutien financier et de l’expertise en IA dans différents domaines comme la santé (Benin), l’Agriculture (Togo), l’Education (Rwanda) etc.
Lors de la récente Coupe d’Afrique des Nations, remportée par les Eléphants de la Côte d’Ivoire chez eux contre les Super Eagles du Nigeria, les amateurs de football ont suivi, tout le long de cette prestigieuse compétition, le recours aux outils de la technologie moderne, comme l’arbitrage assisté par la vidéo (VAR), l’affichage des angles de tir des penalty, montrés sous forme de points (verts but marqué et rouge, but manqué) et les précisions sur les conditions météorologiques (ex. taux d’humidité, etc.). Malgré ces avancés encourageantes, force est de constater que ces technologies ne sont pas répandues dans tous les Pays d’Afrique et cela semble être une illusion dans certains championnats du continent. Par ailleurs, le recours aux technologies et surtout aux outils de l’IA devient progressivement une habitude dans les championnats de football des pays développés. En dehors de la VAR et de la goal line technology utilisés depuis plus de 5 ans environ dans ces pays, on assiste actuellement à l’intégration des modèles avancés dans le football grâce à l’IA comme la Data driven scooting, les recrutements fondés entièrement sur des prédictions de l’IA, les applications qui génèrent les performances des joueurs en temps réel et consultables à la fin du match comme la FIFA Player App. Sur le plan académique, durant les 10 dernières années, on remarque une évolution significative des recherches sur l’IA dans le football (Tuyls et al. 2021 ; Rathi et al. 2020 ; Rutambuka, 2022 ; 2023).
Statistiques traditionnelles vs IA dans le foot
Les deux approches ont plutôt tendance à se compléter. Les modèles statistiques et économétriques considèrent une structure de relation, par exemple, à partir des données collectées sur un joueur, la statistique descriptive permettra de dresser le profil d’un attaquant (nombre de but marqués, temps moyen de jeu, etc). Egalement, les modèles traditionnels (ex. modèle linéaire) peuvent aider le staff technique à tester les hypothèses sur les facteurs qui expliquent les performances d’un attaquant à partir des variables connues. L’intelligence Artificielle (ex. le machine learning) va, à son tour, se concentrer sur la valeur prédictive et considère n’importe quelle spécification, même si elle est peu intelligible, et comprend de grandes quantités de paramètres sur lesquels aucun test n’est produit, grâce aux systèmes d’apprentissage sur les expériences passées, ce qui permet d’améliorer la qualité de prédiction. Ainsi, l’IA procure aux statistiques traditionnelles de nouvelles hypothèses par de nouvelles mesures et ira, par exemple, jusqu’à tenir compte de l’influence de l’absence/présence d’une Ecole internationale dans une ville pour expliquer les chances qu’a un joueur étranger pour s’adapter dans un club Français !
Les limites de la Data et IA dans le football Africain
Le football est toujours le sport Roi en Afrique, les communautés des supporters sont créés partout sur le continent (Onwumechili et Akindes, 2014), les amateurs regardent les matchs dans les stages, les suivent à la télévision ou à la radio depuis chez eux, et/ou dans les bars (Akindes, 2014). Toutefois, malgré cette engouement au tour du ballon rond, plusieurs raisons laissent à penser que le chemin est encore long pour adopter et opérationnaliser la Data et l’IA au sein les clubs Africains.
Les moyens financiers des clubs de football Africains
Les données sur les clubs évoluant en Afrique ne sont pas toutes disponibles et exhaustives. Cela peut s’expliquer par le fait que la majorité des championnats sur ce continent n’est pas professionnel, c’est-à-dire que les dirigeants des clubs n’ont pas l’obligation de publier leurs comptes. Toutefois, Statista a publié un classement qui montre que les 10 premiers clubs Africains en valeur marchande évoluent dans seulement 5 championnats (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte et l’Afrique du Sud). On constate que l’écart entre le premier club au Monde, Real Madrid et le premier en Afrique, Al Ahly Sporting Club est énorme, 5,1 milliards $ contre 35,4 millions $. Par ailleurs, le marché des transferts des footballeurs Africains se porte mieux sur les marchés internationaux. Cependant, cela ne profite pas ou peu aux équipes évoluant sur le continent. La principale source financière de ces équipes est la billetterie aux stades. Les sponsors/mécénats et droits télé ne sont pas bien ancrés dans le fonctionnement des équipes ou fédérations. Ainsi, le manque de moyens financiers stables ne permet pas aux clubs d’avoir une vision lointaine pour investir en IA, car résoudre les problèmes du quotidien est la principale préoccupation des dirigeants (salaires, équipement des joueurs, transport, etc.).
Tableau 1 : Top 10 des clubs en valeur marchande
Infrastructures
Malgré le nombre croissant de centres de formation des jeunes footballeurs en Afrique, construits aux standards de niveau mondial, comme par exemple, l’académie de la Génération foot au Sénégal, le Centre Mohammed VI au Maroc, Mimosifcom en Côte d’Ivoire, Kadji Sport Academies au Cameroun, etc., les défis sont toujours non négligeables. Le taux de croissance économique est positif, les investissements en infrastructures sont remarquables mais restent très hétérogènes entre les pays et très limités en matière d’intelligence artificielle.
Une étude menée par Qhubit Hub et Qhala, deux sociétés kényanes, précise que l’Afrique fait face aux défis majeurs lié au manque d’intérêt des gouvernements, aux infrastructures (ex. Seuls quatre pays disposent de plus de dix data centers) etc.
Sur le continent, le taux d’électrification frôle les 100% dans certains pays comme l’Algérie, l’Égypte et la Tunisie (99,8) alors que d’autres sont faiblement électrifiés, comme le Tchad (8%) et le Soudan du Sud (4,5%). Les mêmes inégalités sont aussi observées à ce qui concerne le taux de couverture numérique où les zones urbaines bénéficient d’une meilleure connectivité, tandis que les zones rurales peinent pour profiter des avantages de l’internet. Dans ces conditions, certaines rencontres se jouent sur des terrains non équipés en électricité et sans couverture numérique, ce qui complique la tâche pour la collecte instantanée, systématique et régulière des statistiques sur les performances des joueurs, le nombre de supporters dans les stades, etc., pour créer et alimenter les bases de données massives fiables pour permettre aux outils de l’IA de faire des prédictions utiles pour le secteur du football business. Ce fossé accentue les disparités en matière d’intégration et de généralisation de la Data et IA dans le football Africain, du fait que seules les équipes, évoluant dans les zones urbaines et/ou jouant dans les compétitions internationales, ont le privilège de se procurer de l’équipement adapté à la collecte et l’exploitation des données grâce à l’IA.
Les personnes fantômes
Selon une étude de la Banque mondiale, l’Afrique récence un grand nombre de personnes sans état civil. Ce phénomène entrave la collecte de données fiables sur les jeunes joueurs, car l’âge fourni par ces jeunes, leurs parents et/ou agents n’est pas toujours réel ou est approximatif. Cela se manifeste par le fait de vieillir un candidat car trop jeune pour un transfert, ou l’inverse, le rajeunir pour permettre à un joueur doué d’opérer en équipe nationale de jeunes (« cadet ou junior ») alors qu’il a largement dépassé la limite d’âge prévue par les statuts internationaux ! (Soppelsa, 2010), Ce qui a comme conséquence d’induire en erreur le paramétrage des modèles d’apprentissage de l’IA. Par exemple, la durée de guérison ou de récupération d’un sportif suite à une blessure, dépend de son âge. Plus on est jeune plus les chances de reprendre rapidement sont élevées. De même, les traitements (médicaments, séances kinésithérapie) sont aussi proportionnels à l’âge. La triche sur l’état civil des jeunes favorise la fraude, ce qui fausse les estimations ou prévisions en matière de Lifetime Player Value, car, à chaque transfert d’un jouer, son club formateur touche une prime. C’est-à-dire que s’il est réellement jeune, les chances de profiter des transferts sont élevées.
La formation
Selon le rapport de l’Unesco, le taux de scolarité en Afrique reste relativement bas malgré les progrès constatés. En principe, ce faible taux ne devrait pas être corrélé directement au football, sauf, qu’indirectement, la masse des personnes qui a la capacité à être formé dans ce sport est aussi proportionnelle à ce taux de scolarisation. Ainsi, on constate qu’un bon nombre des membres du staff technique de certaines équipes n’ont pas de compétences suffisantes à leurs postes car, dans la plupart des cas, il s’agit de bénévoles, anciens footballeurs qui essayent de partager leur expérience avec les jeunes comme ils le peuvent. Ce phénomène risque de s’accentuer au regard des avancés de l’IA dans ce sport, car il y aura un manque de compétences spécifiques liées à l’exploitation et l’analyse les résultats générés par ces algorithmes. Cela peut concerner, par exemple, la compréhension du fonctionnement de l’apprentissage automatique, la lecture avancée des séquences vidéo des équipes adverses proposées par les algorithmes, la capacité des scouts à analyser les profils proposés par l’IA pour en retenir les meilleurs à recruter, etc.
Que faire alors ?
Les modèles générés par les outils de l’IA n’ont aucune valeur si la qualité de la donnée utilisée (input) n’est pas bonne (Gabage In Gabage Out). Il faut également que cette donnée soit massive ou assez suffisante pour espérer des résultats fiables et utiles pour les clubs. La solution serait alors d’adopter une stratégie diversifiée adaptée aux moyens financiers et technologiques disponibles :
Les partenariats
En effet, comme on a évoqué, les problèmes liés aux manque d’infrastructures en général, ce qui n’est pas du ressort des dirigeants des clubs, les fédérations nationales ou la CAF peuvent négocier des partenariats avec, par exemple, la FIFA qui a déjà mis en place un département qui s’occupe des technologies et innovations dans le football, pour investir en amont en formation des staff en matière des outils technologiques (Data et IA), et en équipements moins chers comme les applications de collecte de données de type (FIFA Players App). Cette option semble réalisable d’autant plus que la FIFA est l’instance suprême du football au Monde.
D’autres partenariats peuvent être négociés avec les multinationales déjà opérant sur le continent, comme Google qui a déjà des projets (AI first) en IA sur d’autres volets. Egalement, les clubs ou fédérations peuvent intéresser quelques personnalités qui ont déjà manifesté un intérêt remarquable au développement de l’Afrique, comme le rappeur américain Akon au Sénégal, Masai Ujiri impliqué déjà dans le sport au Rwanda.
Les centres de formations et académies de football
La stratégie des centres de formation ou académies de football n’a pas toujours apporté les résultats escomptés dans le passé sur le continent (Darby et Akindes, 2007). En effet, une nouvelle stratégie de développement de ces structures simplifiée à échelle locale (au niveau des communes ou localités) peut être une solution pour utiliser et tirer profit des gains de la Data et IA dans football en Afrique. Les jeunes sont sélectionnés par observation traditionnelle et leurs données sont directement saisies dans les systèmes une fois en centre. Dans ces conditions, la Data est collectée dès le bas âge et les algorithmes de l’IA peuvent être utilisés pour identifier les meilleurs talents, calculer leur vraie valeur marchande, ce qui permettra de vendre ces jeunes à leur juste valeur, que ce soit au niveau national, continental et/ou international.
Media-sociaux
La transformation de la diffusion des matchs a évolué considérablement ces dernières années au niveau mondial (Akindes, 2017). La diffusion télévisée, à la radio ainsi qu’aux supports numériques constitue une aubaine pour les finances des fédérations et des clubs Africains.
En effet, une bonne stratégie média, par exemple, créer des communautés de marques sur les réseaux sociaux (autour des équipes) bien animées, peut générer des chiffres réels sur le nombre de supporters des clubs ainsi que des masses de données textuelles issues des échanges et commentaires laissés sur ces réseaux sociaux. Ces données peuvent être exploitées à l’aide de Natural Langauge Processing (NLP), un algorithme de l’IA pour créer des profils des supports ou des segments des supporters en vue de les utiliser comme une base d’éléments factuels lors des négociations financières des droites télés par exemple. La médiatisation des performances des joueurs sur les supports numériques améliorerait également leur visibilité sur l’échelle mondiale. Pour conclure, nous pensons que les dirigeants de la Confédération Africaine de Football (CAF) devraient investir davantage dans le domaine de la Data et Intelligence Artificielle car c’est l’une des options pour améliorer le développement du football business en Afrique. L’IA permettra d’anticiper les maladies éventuelles des joueurs (ex. crises cardiaques, blessures) et par conséquent, les soigner en amont pour augmenter leur durée de vie sportive. Grace à elle, les compétences des membres des staffs techniques seront améliorées et les préparations des matchs et entrainements seront optimales. Nous pensons que le marché des transferts sera plus ou moins juste et équilibré.
il ne peut pas avoir d'altmétriques.)