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L’Impact de la transformation numérique dans les administrations publiques africaines

  • Résumé
    La massification des technologies de l’information ne laisse personne indifférent. Des simples logiciels métiers aux progiciels de gestion intégrée, en passant par les réseaux sociaux numériques et l’intelligence artificielle; ces technologies sont devenues incontournables. L’objectif de cet article est d’analyser les perceptions des agents publics face au déploiement du numérique. Une étude a été conduite au Cameroun, auprès d’un échantillon d’agents publics. Une analyse en composantes principales a été réalisée. Elle a été suivie par des analyses unies variées. Les principaux résultats indiquent dans des proportions importantes que les technologies de l’information sont sources de transparence et de traçabilité; et qu’elles diminuent les comportements opportunistes. En revanche, ils sont responsables de troubles de santé et constituent une menace à la souveraineté des données.
    Citation : ., & . (Oct 2023). L’Impact de la transformation numérique dans les administrations publiques africaines. Management et Datascience, 7(4). https://doi.org/10.36863/mds.a.25559.
    Les auteurs : 
    • Babei Jean
       (jbbabei99@gmail.com) - (Pas d'affiliation)
    • MOYO NZOLOLO
       (emmalo2@yahoo.fr) - (Pas d'affiliation)
    Copyright : © 2023 les auteurs. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
    Liens d'intérêts : 
    Financement : 
    Texte complet

    Cette contribution est une synthèse légèrement actualisée et reformatée de la communication qui fut sélectionnée pour être présentée en session publique lors de la French session de la conférence ICTO2023 qui a eu lieu à Paris à la Sorbonne les 4, 5 et 6 juillet 2023 et qui donne lieu à la présentation d’une dizaine de communications rédigées et présentées en français réparties sur deux sessions.

    «De toutes les écoles de patience et de lucidité, la création est la plus efficace».

    Cette citation d’Albert Camus tirée de l’ouvrage de Luc Boyer et Romain Bureau publié en 2011, révèle bien l’importance de l’invention ou finalement de l’innovation. Pour Joseph Schumpeter l’innovation est un processus disruptif qui modifie radicalement la structure économique et conduit à de nouveaux modèles de croissance. Parmi les innovations qui continuent à marquer le 21è siècle, l’on peut citer l’intelligence artificielle(IA). Elle est à la base des technologies de l’information(TI). Les TI font référence aux applications, aux logiciels, aux réseaux et médias sociaux, à l’équipement (ordinateurs, tablettes, téléphones intelligents, imprimantes, numériseurs, modems aux routeurs, et aux dispositifs de stockage de données (bases de données, tableurs, serveurs, centres de données, lecteurs de sauvegarde, services en infonuagique et les produits de la robotique collaborative.

    Les administrations publiques sont soumises à une mission d’intérêt général exercé par des personnes publiques dotées, de prérogatives de puissance publique. En Afrique, elles se caractérisent par un désengagement des agents, une absence de transparence, un laxisme avéré, des procédures non réalistes et une multitude de stéréotypes. Le service public recouvre toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants (Duguit, 1911). Bien que, le taux de pénétration d’internet en Afrique soit sans cesse croissant, aujourd’hui 27,9% en Afrique centrale, 48% en Afrique de l’ouest, 65,9% en Afrique du nord et 70,6% en Afrique australe[1], l’on observe que les TI ne sont pas utilisées dans leur plein potentiel. Cette situation est encore plus notoire dans les administrations publiques. Il en découle le questionnement sur la perception que se fait l’agent public relativement au déploiement des TI dans son milieu de travail. Ceci face aux obstacles révélés par les travaux de Babei (2020).

    [1] Rapport d’usage d’internet de l’Agence internationale de conseil Data Reportal, publié en janvier 2023.

    Revue de littérature

    Technologies de l’information(TI), Intelligence Artificielle(IA) et administrations publiques

    Les technologies de l’information sont des vecteurs de transformation (Bidan et Trinquecoste, 2010). Elles présentent à la fois des occasions de mutations et des défis. Les innovations numériques qui impactent l’économie mondiale sont nombreuses: le big data; l’Internet des objets (objets intelligents et connectés); l’intelligence artificielle (outil utilisé par une machine afin de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité [2]; la blockchain; l’Open API; les services cloud ; … Le machine learning, est une innovation liée à l’IA: on parle de machine learning à partir du moment où le logiciel ou la machine utilise des données dans le processus afin d’apprendre et se perfectionner. De très nombreux systèmes d’exploitation utilisent aujourd’hui cette technologie. C’est le cas notamment des plateformes de streaming vidéo comme YouTube qui utilisent l’historique de l’utilisateur pour pouvoir recommander des programmes qui lui plairont. Cet apprentissage est basé sur les systèmes de raisonnement logiques et les réseaux de neurones artificiels(RNA) (Stuart et Norvig, 1995). Les réseaux sociaux très utilisés dans les services publics sont aussi dotés d’IA. Chaque réseau social repose son processus sur ce que l’on appelle des algorithmes. Ce sont des logiciels configurés pour proposer aux utilisateurs une expérience. Les moteurs de recherche fonctionnent aussi avec l’IA. Le modèle est simple: l’internaute tape des mots-clés, et le moteur de recherche est configuré pour proposer à l’internaute des réponses à sa requête. Ce modèle est donc configuré par l’homme pour répondre à une demande précise de manière automatique. ChatDPT et les Chatbots sont également au service de toutes activités humaines. Les maladies cardiovasculaires, rétiniennes, les cancers ou la conception des médicaments font aussi recours à l’IA. Les technologies comme des ERP(Enterprise Resource Planning) ou de EDI(Echange de données informatisé), des logiciels de reconnaissance faciale,  des drones, des robots de consultations médicales, l’Internet des objets sont connus en Afrique.

    Justifier les stéréotypes en Afrique sur les TI

     «Les TI peuvent paralyser le service» ou «les TI sont onéreux et n’autorisent pas un retour sur investissement». Voilà des stéréotypes en Afrique dans le contexte de l’adoption des TI. Comme pour toute innovation, l’émergence du numérique s’accompagne d’inquiétudes (Rogers, 2003), car elles modifient les manières de travailler. Les principales inquiétudes pour les utilisateurs sont : le coût d’acquisition élevé, la délicatesse de leur entretien, les délestages à répétition, l’instabilité des connexions, des problèmes ergonomiques y rattachés, bref des troubles de santé. Un autre risque est le détour de production (Bohm-Bawerk, 1929). Il désigne l’idée paradoxale qu’un investissement n’est pas immédiatement rentable et qu’au lieu de produire des gains de productivité, ils les détériorent d’abord pour les augmenter après un temps d’apprentissage.

    La notion de détour de productivité est reprise et vulgarisée par le prix Nobel de 1987 Robert Solow. Il a été à l’origine de ce que l’on appelle le paradoxe de Solow, qui montre un décalage entre le moment de l’investissement informatique et les premiers effets positifs sur la productivité. Les travaux de Davis(1989) sur le modèle TAM (Technology Acceptance Model) ont montré que le déploiement de la micro-informatique avait nécessité un temps long (4ans) dans certaines organisations. Les attaques sur les ordinateurs, les logiciels, les réseaux locaux à travers internet, les dénis de services, les cybers crimes, la pornographie, l’hyper-carbonisation, les atteintes aux personnes et la désocialisation constituent d’autres risques. Les réseaux et réseaux socio-numériques fragilisent la confidentialité de l’information au sein des administrations publiques. Facilitent la falsification et la déformation de l’information.

    Résultats et discussion

    Résultats

    Une analyse factorielle a été conduite sur la base de deux (02) composantes principales. L’indice KMO (0,644) ainsi que le test de Bartlett (significatif < 0,001) indiquent que les données sont bien factorisables et permettent d’accepter les résultats de cette analyse. Il ressort de ladite analyse que sur les dix-huit (18) variables de l’étude, six (06) peuvent être retenues. Celles qui possèdent d’une part de bonnes communalités avec l’ensemble des variables et d’autre part sont fortement corrélées avec l’une des composantes principales. Notons que la première composante principale explique 19,648% de la variance initiale et la seconde 12,892%. Les deux (2) composantes principales expliquant ensemble 32,540% de la variance initiale. Le tableau 2 ci-après récapitule les communalités et les corrélations linéaires des six (6) variables sus-évoquées avec les composantes principales.

    Tableau 1 – Communalités et corrélations des variables retenues

    Q6 Q8 Q14 Q15 Q17 Q18
    Communalités 0,682 0,719 0,693 0,667 0,708 0,819
    Corrélations-composante1 0,818 0,738 0,810
    Corrélations-composante2 0,765 0,758 0,832

     

    Après la compression des données par l’ACP, nous nous sommes servis des analyses unies variées sur les six(6) variables retenues (tableau 3), à l’effet de mettre en évidence les opinions des agents publics relativement à leur perception des TI.

    Tableau 2 – Synthèses des statistiques descriptives sur les six(6) variables retenues en %

    Variable / Modalité Q6 :

    Transparence des TI, IA

    Q8 :

    VidéoSurveil- lance

    Q14 :

    Santé

    Q15 :

    Anti-confidentiel des TI, IA

    Q17 :

    Biais  de TI, IA

    Q18 :

    Souveraineté données

    Pas d’accord 29 23 25 29 22 21
    Neutre 12 16 13 14 11 15
    D’accord 59 61 62 57 67 64

     

    Nous notons au travers de ce tableau 3 que 59% des agents publics trouvent que les TI et IA garantissent la transparence et la traçabilité. 61% pensent que la vidéo surveillance permet la transparence et diminue les comportements opportunistes chez les agents. Les TI et IA constituent donc une opportunité de transparence et au-delà.

    En revanche, pour 62% des répondants, les TI et IA sont responsables de plusieurs troubles de santé notamment : des troubles oculaires, auditifs et tentino-musculo-squelettiques. De plus, respectivement 57%, 67% et 64% des répondants considèrent les TI et IA comme susceptibles de réduire la confidentialité de l’information, comme des sources de biais de conception et d’utilisation, et comme une menace à la souveraineté des données. Finalement les TI et IA apparaissent aussi comme un grand risque à gérer dans les administrations publiques. La perception est donc mitigée.

     Discussion

    L’analyse de la perception évoquée plus haut pourrait s’étendre à l’ensemble des variables. C’est le cas par exemples des variables Q1(traitement-archivage), Q3(télétravail) pour valoriser les TI. Et Q13(instabilité des connexions) et Q12(désocialisation-déshumanisation) dans la perspective des menaces. Les variables Q1 et Q3 avec pour proportions d’accord respectives: 79% et 70%. Et les proportions d’accord de Q12 et Q13 sont 83% et 63%. Par ailleurs, 13% de neutre dans la variable troubles de santé par l’usage quotidien des outils informatiques, laisse à penser que l’échantillon interrogé était à dominance jeune. Quasiment tous s’accordent à dire que les TI sont source de désocialisation.

    L’introduction du numérique bouscule les pratiques au sein du service publique. Toute l’activité administrative se trouve transformée, nécessitant l’adoption de nouveaux modes de fonctionnement, plus transparents, plus collaboratifs et digitalisés. Elle nécessite des réorganisations. Les processus sont dématérialisés via des plateformes numériques. Les traitements, les recherches et les communications sont instantanés.

    Plusieurs variables ont été disqualifiées au cours de l’ACP conduite, alors qu’elles révèlent bien l’importance du numérique dans les organisations publiques. A titre d’exemples nous pouvons citer: les TI sources de réchauffement climatique, par l’hypercarbonisation ou par les TI, les échanges avec les partenaires sont moins couteux ou encore grâce aux TI l’intégration des fonctions est facilitée. Une telle situation se justifie par la logique de compression des données propre aux ACP. 12% et 13%  respectivement pour la transparence et pour les troubles de santé. Ce qui laisse à penser que la grande partie des agents publics interviewés utilise peu les TI au quotidien. De plus, que les agents publics en général, en plus d’être jeunes, sont encore très peu victimes de troubles oculaires ou tentino-musculo-squelettiques dus à l’usage des TI.

     Au demeurant, les TI et IA sont à la fois une opportunité et un risque à gérer dans les administrations publics africaines. Il importe donc de conduire une transformation numérique progressive dans une logique de maîtrise des menaces relatives à leur usage.

    [2] Définition du parlement européen.

    Bibliographie

    Babei J. et Paché G. (2015), Création de valeur pour le client dans un contexte SCM. Le cas de la distribution des produits pharmaceutiques au Cameroun, La Revue des Sciences de Gestion, n°275-276, pp.173-182.

    Babei J. (2020), Exploration des obstacles à l’expansion des SI en Afrique subsaharienne, Management & Data Science, vol.4, n°5, https://management-datascience.org/articles/14005. 

    Bidan M. et Trinquecoste J.-F. (2010), Gouvernance et innovation à l’épreuve des technologies de l’information, Management & Avenir, n°34, pp.125-127.

    Bohm-Bawerk V. E. (1929), La Théorie positive du Capital, Paris, Marcel Giard, coll. Bibliothèque internationale d’économie politique.

    Davis, F.D. (1989), “Perceived usefulness, perceived ease of use, and user acceptance of information technology”, MIS Quarterly, vol.13, n°3, pp.318-339.

    Duguit L. (1911), Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, Armand Colin, Paris.

    Rogers E. M. (2003), “Diffusion of innovation”, 5th edition free press, New York.

    Stuart J. R. et Norvig P. (2021), “Artificial intelligence : a modem approach”, Pearson, London, 976 p.

     

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