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Yannig Raffenel
(yannig.raffenel@gmail.com) - Blended Learning
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Non, ChatGPT n’est pas un dispositif d’éducation pour les apprenants !
L’avalanche de posts sur le sujet laisse à croire que ChatGPT va bouleverser les dispositifs d’éducation. Pourtant, assimiler l’émergence tonitruante de cette technologie comme étant une bombe pour l’éducation, est sans doute l’indicateur d’une confusion totale dans la compréhension de ce que c’est qu’apprendre ou se former.
Oui ChatGPT et consort transforment l’accès à l’information, donc potentiellement aux savoirs. C’est d’ailleurs là une de leurs principales caractéristiques. Il suffit d’exprimer avec des mots du quotidien, les questions que l’on se pose, les problèmes que l’on rencontre et pour lesquels on souhaite de l’aide, pour que l’interface nous apporte avec moultes adaptations en fonction des contextes, des réponses souvent pertinentes et adaptées.
Cette démarche de “problem solving” peut en soi, prendre place dans des dispositifs de formation sur le poste, en situation de travail. Face à un problème, on peut ainsi facilement trouver des informations utiles à mettre en œuvre.
Mais plusieurs questions fondamentales se posent :
- s’agit-il réellement de formation ?
- quid de la validité des propositions formulées et des biais induits ?
- comment se fier à des informations proposées qui ne sont pas sourcées et donc invérifiables ?
Un constat s’impose : la plupart des dispositifs de formation proposés sont centrés sur la question de la mise à disposition de ressources pédagogiques, de savoirs auprès des apprenants.
Former, serait donc toujours réduit au simple fait de mettre à disposition des contenus. En cela, ChatGPT représente une nouvelle forme, attractive, qui ne manque pas d’atouts.
Mais, apprendre ou se former sont des processus actifs très éloignés de la passivité dans laquelle nous plonge l’utilisation de ChatGPT. En déléguant aux outils la responsabilité de rassembler des savoirs pour délivrer le fruit de leur digestion à l’apprenant, on fait l’impasse sur tous les processus d’assimilation indispensables. C’est renouer avec le fantasme, vieux d’un siècle, que l’on peut apprendre sans rien faire, juste en écoutant des cours, ou en lisant, même sans rien comprendre. Sauf que ça ne marche pas !
Car tout processus d’apprentissage requiert de passer par des étapes incontournables : générer l’attention, faciliter l’acquisition en stimulant la compréhension et la mémorisation, permettre la rétention dans le temps. Donc apprendre nécessite d’acquérir une méthode d’apprentissage propre à chacun et de pratiquer régulièrement. On est loin de la simple mise à disposition de contenus.
Apprendre et se former, c’est s’approprier des savoirs pour les transformer en savoir-faire, et ainsi on devient capable de les mobiliser dans des situations nouvelles. Effectuer ce transfert nécessite du temps. Cela n’a donc rien à voir avec la mise à disposition magique de contenus, même pertinents, que réalise ChatGPT.
Oui, Chat GPT est le tueur de l’évaluation et il ébranle le système éducatif actuel
Pourquoi ?
Car il remet fondamentalement en cause les modalités d’évaluation pratiquées par les organisations.
Et même plus encore, par ricochet, il bouscule ces systèmes de formation et d’enseignement qui sont bien souvent centrés sur ces fameuses évaluations !
Combien d’organisations dont la finalité déclarée réside dans le développement des compétences se contentent de mettre à disposition des apprenants des ressources (ha les fameux LMS avec leurs catalogues !!!) et pour toute interactivité : des évaluations…. bien souvent normatives (bon/mauvais) ou sommatives (score/20) ? Le dévoiement du système est tel que bien souvent on oublie la finalité d’enseigner ou de former : on prépare les apprenants aux évaluations !
Plus encore, nombre des moyens d’évaluations mis en œuvre sont basés sur des mécanismes à très faible valeur ajoutée pédagogique : il s’agit généralement de demander aux apprenants d’effectuer des restitutions de contenus de cours, faisant souvent appel à la mémoire à court terme.
Dès lors, il est certain que l’usage par les apprenants de l’IA générative fait perdre toute valeur à ces types d’évaluation.
Alors, je veux voir dans ce bouleversement une fantastique opportunité à réinventer la notion même d’activité pédagogique. Car on oublie trop souvent que “s’exercer” est une étape essentielle de tout apprentissage indispensable pour donner du sens, mettre en pratique et développer des compétences. Alors que l’IA va faire disparaître des métiers, ces activités pédagogiques bien conçues doivent permettre de développer les compétences clés de l’employabilité : la créativité, la communication, la coopération et l’esprit critique.
Que les concepteurs pédagogiques, les formateurs, les enseignants se concentrent désormais non plus sur les contenus à transmettre, mais sur ces activités à imaginer !
Nous pouvons proposer des activités à réaliser en groupe, de résolution de problèmes complexes, d’idéation, de fabrication de liens entre les notions éparpillées dans les modules, afin d’embarquer les apprenants dans des défis utiles et passionnants. N’est ce pas une belle occasion de procéder à une véritable ré ingénierie des cours et formations ?
Alors pourquoi pas, lors de ces activités, les participants pourront utiliser ChatGPT s’ils le souhaitent, à condition d’avoir été formés pour cet usage. Ainsi on leur apprendra à formuler une problématique sous forme de question, à la soumettre à ChatGPT, à retravailler la réponse pour en vérifier les références, à rédiger une réponse avec un traitement de texte qui trace les modifications afin d’analyser l’écart entre les textes d’origine et de fin.
Ainsi, sans entrer dans une phase de résistance à l’IA, nous saisissons l’occasion de renouveler nos pratiques pédagogiques souvent obsolètes et désuètes.
Qu’en pensez-vous ?