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Comment l’IA peut-elle justifier le Ballon d’Or ?

  • Résumé
    L’attribution du Ballon d’Or suscite beaucoup d’émotions et d’attentions au sein de la communauté des amateurs de football. Malgré de nombreuses avancées dans le domaine des sciences des données et de l’intelligence artificielle, la désignation du meilleur joueur est toujours basée sur le vote de certaines personnes (exemple : journalistes), ce qui ne fait pas l’unanimité des amateurs de ce sport roi. La revue de la littérature existante en IA et sport ainsi que l’analyse des projets IA dans le sport nous permettent de proposer un modèle reposant sur l’intelligence artificielle pour tenter de mieux expliquer objectivement les critères d’attribution de cette récompense sur la base d’une note moyenne attribuée à chaque joueur.
    Citation : Rutambuka, D. (Oct 2022). Comment l’IA peut-elle justifier le Ballon d’Or ?. Management et Datascience, 6(3). https://doi.org/10.36863/mds.a.20617.
    L'auteur : 
    • RUTAMBUKA DAVID
       (drutambuka@groupe-igs.fr) - ICD Business School - Paris  - ORCID : https://orcid.org/0000-0002-7270-5232
    Copyright : © 2022 l'auteur. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
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    Financement : 
    Texte complet

    Les recherches antérieures dans le domaine du football se sont intéressées en général aux aspects financiers (Andreff, 2018), aux motivations et comportements des supporters (Vellerand et al., 2008), à la gouvernance des clubs (Senaux, 2004) et aux respects des lois du football comme l’arbitrage (Tenèze, 2015). On constate que les récompenses attribuées aux joueurs font l’objet uniquement de commentaires des journalistes dans les médias classiques et sur les réseaux sociaux. C’est le cas, par exemple, du Ballon d’Or, la plus haute distinction d’un joueur/joueuse de football, crée en 1956 par le magazine France football. Cette prestigieuse récompense est souvent caractérisée par de nombreuses critiques et incompréhensions sur les lauréats à tel point que certains fans de foot jugent le Ballon d’Or très subjectif. Par exemple, deux joueurs, Christiano Ronaldo et Lionnel Messi, l’ont eu plusieurs fois durant la dernière décennie.

    Pourtant, un sondage publié sur maxifoot.fr montre que les joueurs Iniesta, Franck Ribéry, Robert Lewandowski, Thierry Henry, Drogba et Eto’o auraient dû remporter au moins une fois le Ballon d’Or. Le débat sur la nomination de la 66ème édition se concentre principalement sur Karim Benzema, et Sadio Mané. Le règlement, modifié en mars 2022, stipule que l’attribution du titre est basée en premier sur la performance individuelle du joueur durant la saison et non plus sur l’année civile, et le critère de la carrière du joueur ne compte plus. La liste de 30 joueurs et 20 joueuses est faite par les jurés composés des rédactions de France Football, de l’Equipe, ainsi que de Didier Drogba (Ambassadeur) et deux journalistes internationaux qui se sont montrés plus pertinents pour le vote précédent. Ensuite, une élite de 100 journalistes vrais connaisseurs du foot choisis sur la base des 100 premiers pays au classement Fifa (50 premiers pour les femmes), votent pour les meilleurs joueurs.

    La data et le ballon d’Or

    La collecte et l’analyse des données statistiques ont été beaucoup utilisées dans d’autres sports depuis longtemps. Malgré les résultats intéressants obtenus grâce à ces analyses dans divers sports (Baumer et Zimbalist, 2014), le sport le plus populaire au monde a mis du temps à suivre, tellement que l’exploitation efficace des données dans le football ne connaît que ces premiers pas (Kuper et Szymanski, 2018) alors que depuis longtemps, les pratiques de l’analyse prédictive sont utilisés dans le tennis (Gauriot et al., 2016), basketball (Skinner, 2010), baseball (Song, Severini et Allada, 2017) et le rugby (Singer, 1995). Ce n’est que depuis une décennie environ que le foot connait l’évolution remarquable de l’utilisation des nouvelles technologies. Ainsi, nous sommes passé du goal line technology, à la VAR et on constate que le management du foot actuel s’oriente vers l’utilisation quasi généralisée de l’IA, surtout le recours aux données statistiques ou data des joueurs, pour la prise de décisions diverses. Cette tendance s’explique en partie par l’émergence des applications de mesure des performances comme Footbar,  qui grâce à un capteur placé au niveau des jambes d’un joueur, lui permet d’analyser ses meilleurs matchs. Le projet Predictafootball permet d’identifier les jeunes talents et prédit le potentiel à réussir au niveau professionnel. En Tennis, l’application SwingVision  permet d’analyser les performances du joueur et ainsi se comparer aux autres. Ces data collectées peuvent concerner les performances individuelles et/ou collectives ainsi que des données sur la santé des sportifs. Elles peuvent aussi faciliter l’estimation de la valeur marchande d’un joueur (Neymar). L’exploitation des data sur les performances peut aider les staffs techniques à mieux préparer leurs équipes, (modifier/adapter) leurs schémas tactiques en se référant aux data des adversaires. Grâce aux données des saisons antérieures, la Machine Learning peut aider à prédire les chances d’être relégué, se maintenir, se qualifier dans les coupes continentales, se hisser au podium, ou être sacré champion. Alors que les recherches sur tous les aspects d’un match de foot existent (Tuyls et al. 2021), et  malgré l’évolution des données et la valeur du Ballon d’Or, aucune recherche n’a étudié le développement d’un modèle basé sur la data permettant d’objectiver l’attribution de cette plus haute récompense à notre connaissance. Par conséquent, ce constat conduit à la problématique suivante :

    Comment l’IA permettrait-elle de mieux attribuer la meilleure récompense dans le football ?

    Cet article met en évidence les facteurs qui permettraient d’objectiver l’attribution du Ballon d’Or. L’article est organisé de manière suivante : après l’introduction, nous proposons d’abord une revue de la littérature qui s’intéresse aux rares études sur l’IA dans le sport et particulièrement dans le football. Ensuite, nous proposons un modèle susceptible d’aider à mieux choisir le meilleur joueur avant de tirer la conclusion et présenter les limites dans une dernière partie.

    Revue de la littérature

    Très peu de recherches sur l’IA dans le foot ont été faites. Toutefois, dans les années 1995, déjà des chercheurs avaient commencé à s’intéresser sur l’importance de l’IA dans le sport (Lapham et Bartlett, 1995). Dans la plupart des cas, les recherches sur l’IA ont été faites dans d’autres disciplines, par exemple, l’IA à l’aide des capteurs fixés sur les machines de musculation, a permis d’évaluer automatiquement la performance des sportifs et ainsi leur donner des conseils utiles. (Novatchkov et Baca, 2013). De Silva et.al (2018), en collaboration avec Chelsea, ont développé l’IA permettant de prendre des meilleures décisions. Cette IA est basée sur la technique de l’apprentissage par imitation. Elle apprend des décisions des experts et essaie d’interpréter la meilleure décision possible et le résultat si une décision différente était prise. L’IA dans le football intéresse également les géants du numérique. Google brain, un projet de recherche d’apprentissage profond a développé par Google Research Football pour apprendre à jouer simplement (Rodriguez, 2019). D’autres auteurs s’interrogent sur la place que prennent actuellement les machines dans le foot, où certaines décisions sont prises à l’aide de machines alimentées par des données historiques (Kidd, 2019). La logique serait plutôt d’assister les entraineurs plutôt que de supprimer la prise de décisions humaines, ce qui est le cas de la société Oloclip, basée à Madrid qui aide les clubs et les joueurs à prendre des décisions optimales. L’algorithme KNN (K-nearest neighbours) de l’IA est considéré comme le mieux adapté pour identifier les joueurs et leurs valeurs lors des transferts entre équipes (Ahmed, 2016).

    Robertson et Joyce (2019) ont étudié comment l’analyse des données a été appliquée au plus haut niveau à tous les types d’affaires dans le sport, notamment : la gestion des joueurs, la récupération post blessures, les conditions physiques, l’évaluation des joueurs et les tactiques le jour du match. Manu (2019) montre que l’apprentissage automatique permet aux clubs d’avoir des précisions sur les spécificités en terme de style de jeu et la composition de l’équipe adverse, la stratégie qu’ils ont utilisée lors de leurs matchs précédents, les avantages et inconvénients de chaque adversaire, les tactiques utilisées par leurs meilleurs joueurs dans des situations difficiles, etc. Les technologies sont utilisées pour analyser les conditions physiques surtout dans les clubs de haut niveau, par exemple, des suivis automatisés à l’aide des caméras pointés sur chaque joueur pour collecter les données d’un joueur (Carling et.al, 2016). Cette recherche a permis de dresser le profil physique particulier pour chaque position tactique distincte qui existe.

    Kelly et al. (2017) ont étudié la récente annonce de la FIFA indiquant que chaque équipe du tournoi pourrait apporter deux tablettes informatiques pour collecter des données, évaluer les décisions et réagir aux interactions sur le terrain. L’exploration de données permet aux équipes d’évaluer des données complexes provenant des joueurs et des matchs. Contrairement à l’analyse de vidéos de matchs déjà joués, les équipes pourraient avoir accès à des informations et des analyses en temps réel. Grace à l’apprentissage profond, les chercheurs de Meta, Google et ceux de l’Université de Washington ont développé un système qui permet d’afficher des vidéos en 3D ou en réalité augmentée, ce qui permettrait aux entraineurs de mieux analyser les matchs et de prendre des bonnes décisions.

    Proposition d’un modèle d’attribution du Ballon d’Or

    Le football est un sport qui génère, ambiances et émotions. Pour cela, il serait erroné de ne considérer que des facteurs scientifiques ou des données chiffrées pour désigner le meilleur joueur. L’image du joueur, l’émotion ainsi que d’autres facteurs liés aux sentiments des amateurs de football méritent d’être prises en compte lors de la désignation du Ballon d’Or. Ainsi, nous pensons qu’un meilleur joueur l’est, d’abord, parce qu’il a été bon par rapport aux autres sur plan sportif (critères objectifs : performances techniques, physiques, etc.) mais également parce qu’il reflète une image positive et/ou neutre (critères subjectifs) qui n’affecte pas le côté émotionnel lié au football. Cette étude propose que la performance individuelle du joueur soit le critère le plus important lors de l’attribution du Ballon d’Or (50%) suivi de l’appréciation des votants (30%), par exemple les journalistes analysent les matchs au quotidien, et enfin, facteurs subjectifs (20%).

    Notre modèle sera en grande partie axé sur les éléments tangibles générés par l’exploitation de la data. Les algorithmes de l’IA permettront, par exemple, de collecter et analyser efficacement les données générées par des capteurs, caméras, etc., installés dans les stades. Ces données concernent les déplacements des joueurs, le nombre des buts marqués/encaissés, les passes décisives, les passes réussies, les tirs cadrés, les duels gagnés, les tacles réguliers, etc. Ces algorithmes permettront ainsi d’attribuer une note à chaque joueur. Egalement, les algorithmes de l’IA peuvent aider à compléter cette note à travers les facteurs subjectifs par rapport au football comme, la collecte et analyse des commentaires laissés par les supporters du foot sur les réseaux sociaux ou dans les médias classiques. Le joueur peut améliorer aussi sa note via ses implications dans les activités caritatives, comme Zinedine Zidane qui parraine l’association ELA, le geste de Kylian Mbappé au parc des Princes à la jeune fille Camille. Dans le cas contraire, les actions extra-sportives du joueur peuvent affecter sa note, c’est le cas, par exemple, de Kurt Zuma qui a été filmé entrain de frapper son chat.

    Par ailleurs, le présent modèle suppose qu’il y a d’autres facteurs modérateurs qui peuvent exercer une influence sur la note du joueur. Il s’agit du niveau du championnat dans lequel le joueur évolue. Il apparait évident que la qualité du jeu en Premier League est plus importante qu’en Ligue 1. De même, jouer au Real de Madrid n’est pas pareil qu’évoluer dans un club du bas du classement. Egalement, le fait qu’un club participe à la Ligue des champions ou pas peut influer sur la note du joueur. Parmi ces facteurs, on prendrait en considération la discipline (cartons, les suspensions, etc.). La note du joueur peut être améliorée aussi par le fait qu’il est appelé en Equipe nationale.

    Figure 1. Modèle de désignation du ballon d’or

    Discussion et conclusion

    Dans cet article, Nous avons montré comment grâce aux données, une note peut être calculé pour chaque jouer et ainsi justifier l’attribution du Ballon d’Or. La principale contribution de cet article se situe sur le plan théorique. Nous enrichissons les recherches reliant le football et la science de la donnée. Nous ouvrons un débat et en même temps une voie de recherche sur le développement d’un algorithme qui permettrait de justifier l’attribution de la prestigieuse récompense en football. Par conséquent, cela répondrait aux interrogations des fans de foot et rendrait plus objectif l’attribution de la meilleure récompense. Notre travail n’est pas exempt de limites qui constituent en même temps des voies de recherches futures. Notre modèle est théorique et ne propose aucun algorithme ou formule économétrique pour calculer les notes qui permettent d’attribuer le Ballon d’Or. Les pourcentages proposés pour calculer la note ne sont pas justifiés scientifiquement. Nous proposons que cette tâche soit réservée aux experts du football. Dévoiler la formule à tous peut a) produire l’effet Hawthorne  b) influencer les votants. En dernier, la note liée aux commentaires des supporters laissés sur les réseaux sociaux peut être biaisée par le fait que certains seraient tentés d’abonder la toile par des commentaires favorables à leur joueur préféré. Nous proposons qu’un algorithme soit développé pour traquer les commentaires atypiques.

    Bibliographie

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