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Olivier Meier
(olivier.meier@iutsf.org) - UPEC
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Les médias traditionnels (télévision, radio, presse écrite) entretiennent des liens complexes et équivoques avec l’univers du big data et la numérisation de l’information, en raison des potentialités de croissance que soulèvent ces mutations mais aussi des transformations qu’elles génèrent en termes de pratiques journalistiques et de modèle économique : politique d’offre, systèmes de gestion des droits, accès continu et instantané à l’information, politique d’abonnements, revenus publicitaires, coûts de production de l’information, mode d’usage et de consommation.
Contenu
Désormais, le flux de l’information est permanent et multi-supports (streaming, podcasts, vidéos, smartphones, tablettes, applications en ligne) et vient alimenter l’économie de l’attention (Goldhaber, 1997 ; Citton, 2014) marquée par une production consumériste et une (sur)abondance informationnelle (Papp, 2018). La numérisation de l’information amène ainsi les médias traditionnels à transformer leur modèle économique et à investir massivement dans les nombreux supports et formats que représente le numérique : sites web, applications, plateformes de mise à disposition de contenus…
Les médias historiques évoluent par conséquent d’un contexte pauvre en données à un contexte riche en données à fort potentiel, en inscrivant une grande part de leurs activités dans le numérique. Dans le cadre de ce mouvement, ils sont donc amenés à adapter leur structure et leurs activités à ce nouvel environnement. Cette adaptation se fait au prix d’un profond changement de paradigme qui intervient à de multiples niveaux. Le changement principal est assurément la numérisation de l’information qui a radicalement transformé le secteur audiovisuel, poussant les acteurs à devenir des « médias globaux » pour rester compétitifs. Ce faisant, ces derniers ont eu accès à de nouveaux gisements de données, susceptibles de devenir une source de création de valeur dans l’économie de l’attention, grâce à l’apport d’outils dédiés à leur exploitation : les technologies big data, et l’apparition de nouvelles compétences et de expertises, tant dans le domaine de la rédaction (apports des robots, automatisation, personnalisation) qu’au niveau de la création de contenus (scénarios, images, effets spéciaux, vidéos). De telles transformations entraînent naturellement de nouvelles contraintes : surcharge informationnelle, possibilités d’intrusion dans la vie privée des utilisateurs, développement des fake news…
Selon cette perspective, la théorie de l’acteur-réseau de Callon et Latour (Meier, 2020 ; Meier et al. 2012, Meier et Missionier 2012) peut être une source d’enseignements féconde, en mettant en lumière les transformations dans le processus de collecte, d’intégration et de circulation des données, avec ses conséquences en termes d’organisation (fonctionnement en réseau). En effet, la plupart des médias traditionnels ont bâti leur développement sur des formes organisationnelles et des univers techniques préexistants et sédimentés (modèle vertical par silots) qui aujourd’hui entravent, à différents stades du processus, les opérations de « traduction » nécessaires à la convergence des intérêts des différents acteurs et à l’institutionnalisation de nouveaux modèles d’organisation.
Il convient donc ici de réorienter et de rationnaliser cet univers technique pour le faire coïncider avec les impératifs du big data. Cette adaptation se fera nécessairement au prix de nombreuses « controverses » – qu’il revient de mettre en lumière – puisque ces changements demanderont d’allouer des ressources spécifiques (outils, infrastructures, ressources humaines) à la chaîne de traductions, d’affecter de nouvelles responsabilités dans le cadre des chaînes de décisions et de refonder les normes professionnelles et réglementations en vigueur dans les organisations.
Bibliographie
Akrich, M. ; Callon, M. & Latour, B. (2006), Sociologie de la traduction : Textes fondateurs, Paris, Presses des Mines
Citton, Y. [dir.] (2014), L’économie de l’attention : Nouvel horizon du capitalisme ?, Paris, Éditions La découverte.
Drumond, G. ; Coutant, A. & Millerand, F. (2018). « La production de l’usager par les algorithmes de Netflix », in Les Enjeux de l’information et de la communication, 2, N° 19/2, pp. 29-44.
Goldhaber, M. (1997). The Attention Economy on the Net, First Monday 2 (4).
Meier O. (2020), « Michel Callon et la sociologie de la traduction », Mars, RSE Magazine.
Meier, O. ; Missonier, S. (2012). « Trajectory of an IT Project network: Convergence, divergence and adjustement process », avec S. Missonier, European Conference on Information Systems (ECIS), May, Spain.
Meier, O. ; Missonier, A. & Missonier, S. (2012). « Analyse des systèmes d’interactions à l’oeuvre au sein d’un projet TI : mise en évidence d’une perspective dynamique et relationnelle », in Systèmes d’Information et Management, vol. 17, pp. 1-35.
Ouhab, A. (2019). Qualité de données pour l’intégration de données, thèse en vue de l’obtention du grade de docteur en sciences exactes, Université Djillali Liabes, Algérie.
Papp, A. (2018). « L’infobésité, une épidémie à l’âge des nouvelles technologies de l’information et de la communication ? », in Regards croisés sur l’économie, 23(2), pp. 105-113.
Vayre, J. (2018). « Les machines apprenantes et la (re)production de la société : les enjeux communicationnels de la socialisation algorithmique », in Les Enjeux de l’information et de la communication, 19/2(2), pp. 93-111.
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