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Les auteurs
Olivier Mamavi
(omamavi@gmail.com) - Paris School of Business - ORCID : https://orcid.org/0000-0002-6421-1048Romain Zerbib
(romainzerbib@yahoo.fr) - ICD Business School
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Comment voyez-vous la fonction de manager dans ce contexte de transformation digitale ? Assistons-nous à une redéfinition des compétences ou à une continuité ?
J’ai publié deux ouvrages à ce sujet « The nature of managerial work » et « Le manager au quotidien: Les 10 rôles du cadre ».
Selon moi, les compétences n’ont pas changé, bien que mon regard sur la question ait évolué au fil du temps.
Seules les problématiques, les questions, les technologies, les scènes… évoluent. Mais le management en lui-même demeure identique.
La notion de leadership a peut-être pris une place plus importante aujourd’hui. Management et leadership constituent en effet les deux faces d’une même pièce. Le manager doit aujourd’hui être un leader, au même titre que le leader doit désormais être un manager.
Justement, quelles sont selon-vous les compétences aujourd’hui incontournables pour un manager ?
Les principaux rôles du manager que j’avais identifié dans les années 70 sont toujours d’actualité. Le manager est celui qui oriente et organise le travail de ses collaborateurs.
Selon moi, un manager doit assurer des rôles décisionnels, c’est-à-dire entrepreneur, régulateur, répartiteur de ressources, négociateur. Le manager doit également avoir des rôles liés à l’information. Il doit être observateur actif, diffuseur d’informations et porte-parole. Enfin, le manager a des rôles interpersonnels, sur le plan symbolique, en tant que leader et agent de liaison.
Vous avez mis en évidence des lacunes dans la formation des élites en management dans le cadre de votre ouvrage « Des managers des vrais ! Pas des MBA: Un regard critique sur le management et son enseignement ». Selon vous, comment faudrait-il repenser la formation des managers ?
On ne peut pas créer un manager au sein d’une salle de classe, c’est impossible. Tout simplement parce que le management n’est pas un concept, mais bien une pratique.
On peut apprendre le marketing ou la finance dans une Business School, mais pour apprendre à manager… il faut manager.
A l’instar d’International Masters Program for Managers ou encore International Masters for Health Leadership que j’ai cofondé, un manager peut tout à fait suivre un ensemble de formations pour développer ses compétences et résoudre des problèmes complexes. Mais notre public a beaucoup d’expérience, l’âge moyen tourne en effet autour des 40-45 ans, ce qui permet notamment des échanges d’expériences riches et bénéfiques.
Ils passent à peu près 50% du temps à réaliser des présentations. CoachingOurselves, un dispositif de coaching très populaire en France, permet quant à lui de travailler en groupes.
Comment apprend-on le management ? Eh bien en pratiquant et en échangeant au sujet de ses difficultés et bonnes pratiques, mais pas sur les bancs de l’école.
Pensez-vous que la digitalisation des enseignements tend à bouleverser la manière dont seront formés les managers ?
Je ne sais pas si cela va bouleverser la formation. La digitalisation peut en revanche significativement modifier la pratique du management. La disparition d’un réel face à face avec ses collaborateurs complique en effet vivement la gestion des équipes. Je vous conseille à cet égard la lecture de cet article que j’ai co-rédigé avec Hanieh Mohammadi et qu’il s’intitule « Integrer « Zooming ahead ? Pas si vite ! ».
« Nous sommes en effet entichés de la dernière technologie de vidéoconférence, au même titre qu’on s’éprend d’un nouvel amour. Nous remarquons ses traits extraordinaires, mais pas ceux qui le sont moins – enfin, pour un moment. Éventuellement, la réalité nous rattrape. Puis, l’inquiétude s’installe de façon plus évidente, parfois trop évidente – à moins que la relation s’avère viable. Évidemment, il vaut mieux prendre conscience plus tôt de l’émerveillement et des appréhensions. Par conséquent, avant de fermer trop de bureaux, examinons brièvement les avantages de cette technologie, que nous connaissons bien, pour attirer l’attention sur ses inconvénients. »
Au-delà de la digitalisation, le manager est confronté à de nouveaux défis, notamment celui sur la responsabilité sociale des entreprises. Quelle doit être, selon vous, la place de l’éthique dans la formation des managers ?
Il me semble que l’on enseigne pas l’éthique. On montre l’éthique, on est un modèle pour les autres. En effet, si les écoles ont un comportement éthique alors cela pourra peut-être avoir une incidence sur le comportement des étudiants et des futurs professionnels qu’ils seront.
Or, selon moi, une école qui prétend former des managers ne fait pas nécessairement montre d’éthique au sens où l’on ne peut pas former au management. Nous avons à cet égard publié des données qui témoignent que les PDG qui ont un MBA ont des pratiques moins efficaces que ceux qui ne possède pas ce diplôme.
Il est impératif, en matière d’éthique et déontologie, que les écoles commencent par elles-mêmes. Si les écoles ne sont pas éthiques, si les programmes sont pas éthiques, comment peut-on attendre que les étudiants quittent l’école avec un comportement plus éthique qu’ils n’y sont entrés ? L’exemplarité de l’institution de formation est absolument primordiale.
Henry Mintzberg, né le 2 septembre 1939 à Montréal, est un universitaire canadien en sciences de gestion, auteur internationalement reconnu d’ouvrages de management. Il est actuellement titulaire de la chaire Cleghorn à la Faculté d’administration de l’Université McGill de Montréal, où il enseigne depuis 1968. Il fut également professeur d’organisation à l’INSEAD, Institut européen d’administration des affaires de Fontainebleau, en France.