Citer
Imprimer
Partager

Comment favoriser les apprentissages informels numériques des salariés ?

  • Résumé
    Consulter une vidéo sur YouTube pour apprendre à faire un masque de diapositive, développer de nouvelles compétences en gestion de projet en suivant un MOOC, lire le résumé d’un livre sur Koober… Ils sont plus de six salariés sur dix à avoir recours à cet ensemble de pratiques d’apprentissage médiées par le numérique, hors temps officiel de formation (HRM Digital Lab, 2018). Loin d’être anecdotique, l’apprentissage informel numérique est un phénomène à prendre en compte par les organisations. Que recouvre-t-il, comment le favoriser et pourquoi le favoriser ?
    Citation : Baudoin, E., BENABID, M., & Perrot, S. (Jan 2021). Comment favoriser les apprentissages informels numériques des salariés ?. Management et Datascience, 5(1). https://management-datascience.org/articles/15351/.
    Les auteurs : 
    • Emmanuel Baudoin
      - Institut Mines-Télécom Business School
    • Myriam BENABID
      - Excelia Group La Rochelle
    • Serge Perrot
      - Université Paris Dauphine
    Copyright : © 2021 les auteurs. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
    Liens d'intérêts : 
    Financement : 
    Texte complet

    Que recouvre l’apprentissage informel numérique ?

    L’apprentissage informel numérique (AIN) recouvre un ensemble de pratiques par lesquelles les salariés ont recours à une ou plusieurs sources d’auto-apprentissage médiées par le numérique, en dehors des dispositifs formels mis en place par l’entreprise, en vue d’apprendre et développer leurs compétences, ou tout simplement de réaliser une tâche ponctuelle.

    Ces sources d’auto-apprentissage sont multiples. C’est la première force de l’apprentissage informel numérique. Pour les sources principales, on retrouve, de manière non exhaustive : les tutoriels sous forme vidéo, les tutoriels sous forme texte, les réseaux sociaux, les newsletters, les sites d’information, les outils de curation de contenu ou encore les applications mobiles (comme Babbel par exemple). Une étude, réalisée par le HRM Digital Lab de Institut Mines-Télécom Business School, auprès d’un échantillon représentatif d’un peu plus de 1 000 salariés, a montré en 2018 que sur les 61% des salariés ayant recours à l’apprentissage informel numérique, ils étaient :

    • 72% à utiliser les réseaux sociaux,
    • 67,5% à recourir à des applications mobiles,
    • 61% à visionner des tutoriels et des vidéos,
    • 58% à suivre des MOOC,
    • et enfin, 56,5% à consulter des sites d’information.

    Ces contenus, sous réserve d’une connexion qui fonctionne bien, sont accessibles en tout temps et tout lieu, et plus particulièrement quand le salarié en a besoin. C’est la deuxième force de l’apprentissage informel numérique. La troisième force de cet ensemble de pratiques numériques d’auto-apprentissage réside dans l’étendue des temps d’apprentissage qu’elle recouvre. Ainsi, Nelson, opérateur spécialisé pour un fabricant de pièces automobiles, peut consulter, en temps réel, les caractéristiques d’une nouvelle machine de production qu’il apprend à faire fonctionner. Yasmine, apprentie dans un service marketing, suit son tutoriel pour apprendre à faire un tableau croisé dynamique dont les résultats seront présentés au prochain COMEX. Sur des temps plus long, Myriam, directrice d’un programme de formation suit un MOOC sur la programmation PYTHON. Andjélika, en reconversion vers le monde de la restauration, suit un programme en ligne, comptant de nombreuses vidéos, sur la cuisine afin de tenter de réussir son CAP cuisine en plus de son bac+5 en ressources humaines.

    Comment prendre en compte l’apprentissage informel numérique dans les entreprises ?

    La prise en compte de ce phénomène passe, selon nous, par quatre actions principales : identifier (1), favoriser (2), renforcer (3) et reconnaître (4).

    1 – L’identification vise :

    1. A repérer le nombre de salariés pratiquant l’AIN au sein de l’entreprise. Ce premier indicateur permettra de savoir s’il est intéressant, ou non, pour l’entreprise d’investir du temps et de l’argent sur cet ensemble de pratiques d’apprentissage. Ce nombre peut servir de GO/No GO pour la mise en place de ce projet.
    2. A repérer les variations, si variation il y a, dans les pratiques au sein de l’entreprise. Certains services ont-ils plus recours à l’AIN que d’autres ? Certains salariés ? Y a-t-il éventuellement des variations au cours de l’année ? Certaines thématiques sont-elles plus consultées que d’autres ?
    3. A repérer les sources déjà utilisées par les salariés pour, si les salariés en sont d’accord, diffuser ces sources d’auto-apprentissage déjà identifiées.
    4. A repérer les besoins d’apprentissage des salariés, à la fois sur des temps courts mais également sur des temps longs, et commencer à repérer sur le marché des plateformes de contenus de formation pouvant éventuellement répondre à ces besoins.

    2 – Favoriser ces pratiques d’auto-apprentissage passe bien évidemment par la mise en place d’outils pour faciliter la recherche et l’identification de contenus pertinents. Cela peut passer par :

    1. La mise en place d’une plateforme de curation de contenus comme celle proposée par Edflex.
    2. L’accès à des plateformes proposant des contenus thématiques développés par des éditeurs, et par nature étant des contenus non libres d’accès, est également intéressant à considérer. ENI propose par exemple une grande variété de contenus d’auto-formation sur la bureautique. Kokoroe propose, entre autres, des contenus sur le marketing digital…

    Favoriser ces pratiques d’auto-apprentissage passe aussi par le fait de dédier des plages horaires et, parfois, de mettre du matériel à disposition des salariés. Sur ce dernier point, reprenons le cas de Nelson, opérateur spécialisé chez un équipementier automobile. Pour des raisons de sécurité, Nelson n’a pas le droit d’utiliser son smartphone au travail. Néanmoins, comme évoqué précédemment, il peut avoir besoin de s’auto-former. Sans déroger aux règles de sécurité et de travail. On peut aisément imaginer mettre à disposition des tablettes à différents endroits du site du production pour faciliter les pratiques d’autoformation de Nelson et de celles éventuelles de ses collègues.

    3 – Pour mieux appréhender le fait de renforcer, reprenons le cas de Yasmine. Pour rappel, Yasmine a suivi un tutoriel vidéo, trouvé sur Youtube, pour apprendre à réaliser un tableau croisé dynamique. Deux types de renforcement peuvent être mis en place auprès de Yasmine :

    1. Un renforcement, ou ancrage, du contenu appris. Il est fort probable que Yasmine soit amenée à refaire dans les semaines à venir un tableau croisé dynamique. Malgré le soin et l’attention porté à cet apprentissage, la courbe de l’oubli montre qu’elle va perdre une partie de cet apprentissage dans les jours à venir. Plusieurs rappels seraient les bienvenus pour ancrer plus fortement cet apprentissage.
    2. Un renforcement de l’apprentissage en proposant des thématiques connexes (que l’on peut appeler renforcement connexe). Suite à la réalisation de ce tableau croisé dynamique, il est possible que Yasmine soit amenée à faire des graphiques et les présenter sur un PowerPoint aux couleurs de l’entreprise. Sait-elle faire des graphiques sous Excel ? Sait-elle faire un masque de diapositive… ? Ce renforcement connexe pourrait tout à fait être imaginé également en complément d’actions de formation liées au plan de développement de compétences, officiel, de l’entreprise.

    4 – Reconnaître, enfin, peut passer par plusieurs actions :

    1. Reconnaître l’intérêt d’avoir réalisé des actions d’apprentissage comme le suivi de MOOC en remboursant le prix des certifications obtenues ou en voie d’obtention.
    2. Reconnaître le temps passé par certains salariés à animer des communautés d’apprentissage en ligne, internes ou externes à l’entreprise, en intégrant cette mission dans les missions qu’ils ont à réaliser.
    3. Reconnaître les compétences développées, si celles-ci ont été développées sur un temps long, lors de l’entretien annuel.

    Pourquoi prendre en compte l’apprentissage informel numérique dans les entreprises et le favoriser ?

    La première raison, la plus évidente d’une certaine manière, est de répondre à un besoin et des pratiques déjà existantes en vue de développer la productivité des collaborateurs d’une organisation. 52% en 2016, ils étaient 61% de salariés en 2018 à avoir recourt à l’apprentissage informel numérique sur un échantillon représentatif de 1 000 salariés. Selon une nouvelle étude conduite en 2020, avec le soutien d’OpenSourcing, auprès d’un échantillon non représentatif de 175 salariés français, 79% des salariés ayant répondu à l’enquête ont déclaré recourir à l’apprentissage informel numérique. Cet ensemble de pratiques est donc largement partagé par les salariés aujourd’hui et répond, en partie, à un besoin de solutions immédiates pour réaliser son travail.

    La deuxième raison est de maintenir les collaborateurs dans des dynamiques d’apprentissage. A une époque où l’obsolescence des compétences s’accélère, il est intéressant pour une organisation de favoriser cet ensemble de pratiques souples et dynamiques qui permettent aux salariés de continuer à se former.

    La troisième raison est que l’apprentissage informel numérique peut venir en complément du plan de développement des compétences. Comme indiqué dans la partie précédente, il est possible de penser l’apprentissage informel numérique en complément du plan de développement des compétences. Reprenons le cas de Yasmine. Imaginons qu’elle ait été envoyée par son employeur suivre une formation de trois jours en présentiel sur l’utilisation d’Excel. Il pourrait être intéressant de lui permettre de suivre, si elle souhaite, sans contrôle, d’autres formations en bureautique grâce à une plateforme de contenus en bureautique.

    La quatrième raison est que la reconnaissance et le fait de favoriser l’apprentissage informel numérique dans son organisation peut-être un argument novateur présenté lors du recrutement d’un collaborateur, tout particulièrement si celui arrive sur le marché du travail. On peut également imaginer faire rentrer l’AIN dans les pratiques RSE mises en place par une organisation.

    Bibliographie

    HRM Digital Lab, (2018). Les salariés français à l’ère de la transformation digitale. Livre blanc de Institut Mines-Télécom Business School et administrée par Opinion Way.

  • Évaluation globale
    (Pas d'évaluation)

    (Il n'y a pas encore d'évaluation.)

    (Il n'y a pas encore de commentaire.)

    • Aucune ressource disponible.
    © 2024 - Management & Data Science. All rights reserved.