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Mehdi de La Rochefoucauld
(mehdi.de-la-rochefoucauld@univ-orleans.fr) - Université d’Orléans
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Introduction
Que ce soit sur Facebook, Instagram, Snapchat ou encore Tiktok pour les réseaux sociaux à vocation personnelle ou bien sur Linkedin ou Viadeo pour les réseaux sociaux à vocation professionnelle, une grande partie de la population française est aujourd’hui connectée. Selon le dernier rapport de l’agence We Are Social de 2019, la France compte 38 millions d’utilisateurs actifs sur les médias sociaux. Aussi, outre l’intelligence artificielle qui anime ces derniers temps la recherche et la pratique des firmes, les réseaux sociaux paraissent être un sujet pertinent tant par leur démocratisation que l’engouement des entreprises à leur sujet.
L’intérêt de notre travail prend sa source dans l’apparition progressive des entreprises sur des plateformes telles que Snapchat, Instagram ou encore Tiktok, qui demeurent des applications tournées vers la vie privée et dont les usages de communication semblent éloignés du champ professionnel.
Les entreprises sont en constante mutation. Leur évolution est renforcée par le digital. En ce sens, on voit les pratiques se transformer et les processus de gestion se réinventer. C’est dans ce virage que les recruteurs se connectent de plus en plus pour se rapprocher de leurs candidats (Girard et al., 2011) et proposer des solutions de recrutement attractives. Cet effort d’attractivité entrepris par les firmes les conduit à intégrer les réseaux sociaux au sein des processus de sélection (Benraïss-Noailles et al., 2016) et à rechercher de la part des candidats « une attitude affective positive à l’égard d’une organisation, en la considérant comme désirable, en vue d’initier une relation » (Aiman-Smith et al., 2001). Pour ce faire, les entreprises valorisent leur marque employeur en faisant la promotion de leur identité, leur image mais aussi, tout élément distinctif qui pourrait attirer de futurs employés (Srivastava, Bhatnagar, 2010). L’objectif de la manœuvre étant d’acquérir des talents aux profils et aux compétences à forte valeur ajoutée via une politique de talent acquisition (ibid.).
L’enjeu de notre recherche est de mettre en lumière la motivation des entreprises dans l’utilisation de réseaux sociaux à vocation personnelle. Ces firmes cherchent-elles à paraître plus attractives ? Plus jeunes ? Pensent-elles pouvoir fidéliser plus facilement les jeunes générations ? Notre choix s’est arrêté sur l’application Tiktok qui présente la caractéristique d’être à destination d’un public jeune et éloigné des codes professionnels à la différence de Linkedin ou Viadeo ou même de Facebook dans une certaine mesure. Pour répondre à notre problématique, nous avons réalisé une étude empirique qui s’est bâtie autour de six études de cas. En d’autres termes, nous avons comparé six structures qui utilisent les réseaux sociaux à vocation personnelle, et notamment Tiktok, au sein de leur processus de sélection.
Dans un premier temps, nous présentons notre cadre conceptuel qui aborde le recrutement, l’impact de la digitalisation sur ce dernier et l’apparition des réseaux sociaux au sein du processus d’embauche, puis nous détaillerons les résultats de notre étude empirique.
Cadre conceptuel
Depuis ces deux dernières décennies, la recherche a démontré tout l’intérêt pour les firmes de consolider leur processus de recrutement. Première vitrine de l’entreprise, le recrutement constitue un moment fort pour le candidat et l’organisation qui sont sur le point de contractualiser une relation de travail. Ce bref état de l’art permet de rappeler tout d’abord comment le recrutement a évolué et en quoi il est un enjeu de performance, puis d’exposer les impacts de la digitalisation sur le processus d’embauche et enfin de préciser le cœur de notre sujet en abordant la question des réseaux sociaux au sein des processus de sélection.
Le recrutement, un processus en perpétuelle évolution
Le recrutement est l’un des processus RH qui s’est le plus ajusté aux vagues de transformation digitale (Espinosa et al., 2011). Caractérisé comme « un ensemble d’actions entreprises par l’organisation pour attirer des candidats qui possèdent les compétences nécessaires pour occuper dans l’immédiat ou dans l’avenir un poste vacant » (Sekiou et al., 2011), le recrutement est un levier de performance afin d’appréhender les facteurs de contingences internes et externes qui influent sur la firme (Billaudeau, 2012). En d’autres termes, il permet d’insérer au sein de l’entreprise des compétences nouvelles et un regard neuf afin d’optimiser la performance de l’organisation (Ferrary, 2014).
Les années 2000 marquent un virage puisqu’outre un recrutement accéléré et de plus en plus présent sur la toile, les recruteurs font face à des candidats très actifs qui entrent en interaction avec l’entreprise avant même l’entretien. Pour Solus et Engel (2017), le recrutement en tant que processus est un acte qui est souvent optimisé à la fois dans le temps et les ressources qu’il nécessite. Pourtant, les deux chercheurs expliquent que tout ce qui précède la sélection du collaborateur constitue la partie la plus importante du processus d’embauche. En effet, pour les auteurs, l’énergie, le temps, les moyens et la relation aux candidats sont tout autant de variables qui garantiront le succès d’un recrutement dès lors qu’elles sont maîtrisées par les organisations. Tous ces efforts nourrissent la marque employeur de l’organisation. Ils lui permettent de mettre en exergue, à travers une communication interne et externe, ses valeurs, sa réputation, ses conditions de travail (Lievens, 2007) mais également tous les avantages à travailler pour cette dernière (Ambler, Barrow, 1996). Ils participent aussi à son attractivité, qui peut être définie comme la capacité à « pouvoir attirer des candidats potentiels, mais aussi leur donner le sentiment que l’entreprise est un endroit positif où travailler » (Rynes, Barber, 1990). L’attractivité est un prélude au processus de recrutement. Elle se matérialise par une relation de proximité entre le candidat et le recruteur et demeure un enjeu de performance puisque « les candidats sont souvent attirés par des entreprises qui démontrent des valeurs identiques ou proches des leurs » (Cable, Judge, 1994). Ces enjeux d’image et de marque employeur sont motivés par une guerre des talents qui conduit les entreprises à innover pour débusquer les meilleurs profils (Mandhanya et Shah, 2010). En effet, la marque employeur corrobore avec la prospection des talents ou talent acquisition, qui fait référence au processus de recherche et d’acquisition des futurs collaborateurs qualifiés et dont les compétences sont perçues comme des leviers de performance (Kumudha, Priyadarshini, 2016). La différence majeure avec le recrutement traditionnelle demeure dans l’aspect temporel mais aussi la proximité avec le candidat. L’acquisition de talents suggère une relation de proximité, décomplexée et dont l’objectif est d’entretenir un réseau et par conséquent un vivier de candidat pour des postes qui potentiellement n’existent pas encore.
Les impacts de la digitalisation
En quelques années, le recrutement s’est métamorphosé tant sur le fond que sur la forme. Ceci s’explique notamment par la popularisation d’internet et des réseaux sociaux dans les procédures de sélection (Merzeau, 2013). Baudoin et al., (2019) mettent en lumière les effets du digital sur le recrutement et démontrent que la digitalisation a permis de compléter et d’optimiser le processus de sélection, mais également d’augmenter la visibilité de la marque employeur en proposant une palette de solutions de plus en plus connectées.
La recherche s’illustre de nombreux exemples empiriques mettant en scène la métamorphose du recrutement qui s’est progressivement digitalisé et tourné vers Internet et le web 2.0 (Benraïss-Noailles, Viot, 2012). Contrairement au web 1.0 qui permettait uniquement une diffusion d’information, le web 2.0 se caractérise par le partage, la collaboration des usagers et la création d’une intelligence collective (Bourhis, 2011). En ce sens, la pratique des recruteurs a évolué depuis le début du XXIe siècle, ces derniers utilisent de nouveaux outils connectés (Espinosa et al., 2011 ; Merzeau, 2013). À titre d’exemple, on relève les portails de carrière (job boards), les bases de données de CV en ligne qui constituent des viviers de CV ou encore les réseaux sociaux personnels tels que Facebook ou bien professionnels tels que Linkedin. En effet, de plus en plus d’entreprises utilisent au sein de leur processus de recrutement les réseaux virtuels tels que Linkedin, Twitter ou encore Facebook (Girard et al., 2011). Le digital a changé les règles du jeu concernant le processus de sélection, qui est aujourd’hui ouvert et se déroule en continu. Par ailleurs, plusieurs travaux démontrent l’intérêt des entreprises à saisir les opportunités d’évolution du recrutement si elles souhaitent rester compétitives et attractives (Sylva, Mol, 2009). En effet, les nouvelles générations sont plus attentives aux méthodes employées par les organisations pour les recruter (Prantika, Manjari, 2016). En ce sens, Gentina et Delécluse (2018) annoncent dans leurs travaux que les Z attendent de l’entreprise une relation qui mêle à la fois le plaisir et les interactions sociales. Les auteurs montrent que les Z, très présents sur les réseaux sociaux, chercheront une entreprise dans laquelle ils se sentiront bien et qui fera preuve de « fidélité affective », c’est-à-dire d’une posture qui favorise l’interaction sociale, la proximité, l’échange, l’amusement et la reconnaissance.
Réseaux sociaux et recrutement
Briscariu (2019) souligne qu’Internet et par extension les réseaux sociaux ont multiplié les opportunités pour la gestion des ressources humaines et notamment le recrutement. Boboc et al., (2015) observent que depuis une décennie les entreprises tentent de conquérir les réseaux sociaux et y sont de plus en présentes. Les auteurs expliquent que ces réseaux sociaux permettent de décloisonner la relation entre le candidat et l’entreprise. Aussi, les réseaux sociaux sont désormais incontournables dans les politiques de recrutement. Bodier et Guerout (2017) les présentent comme « des ensembles de personnes réunies par un lien social ». Guesmi et Rallet, (2012) définissent les réseaux sociaux à travers trois caractéristiques : tout d’abord, via le libre accès, c’est-à-dire la liberté de s’inscrire, ils précisent également que les échanges se réalisent par le biais d’une coordination décentralisée, et enfin ils ajoutent que le contenu doit être disponible pour tous. À savoir que les auteurs définissent cette coordination décentralisée comme « la coordination qui règle les interactions individuelles a un caractère très largement auto-organisé et l’autorité hiérarchique n’intervient qu’expost, ce qui évite de paralyser l’implication individuelle » (ibid.).
Selon Benraïss-Noailles et al., (2016), le web 2.0, qui s’exprime à travers les réseaux sociaux, est une opportunité pour dialoguer plus facilement avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise qui gravitent au sein de son écosystème et dont les candidats potentiels font partie et sont de plus en plus actifs sur les réseaux virtuels. Pourtant, ce dialogue, virtuel et connecté, n’est pas celui que l’on rencontre au sein de l’organisation, ils disposent de ses propres règles qui parfois semblent éloignées du formalisme institutionnel. En ce sens, Stenger et Coutant (2014) rappellent que la présence des firmes sur les grands réseaux sociaux n’est pas encore stabilisée, bien qu’il est de plus en plus courant de voir des grandes enseignes sur ces plateformes. En effet, pour les deux chercheurs il n’est pas simple de naviguer sur ces réseaux qui se révèlent être très proches de la vie privée des individus. Pourtant Slavić et al., (2017) montrent que les recrutements par Internet et les médias sociaux sont de plus en plus populaires, moins coûteux et plus rapides. Ils ajoutent que cette nouvelle forme de recrutement facilite la sélection des candidats puisque le recruteur est à même de découvrir des informations qu’il ne trouverait pas au sein d’un processus de sélection traditionnel. Pour Briscariu (2019), la question de la présence des recruteurs sur les médias sociaux est essentielle. En effet, il expose l’intérêt des nouvelles générations pour ces médias, qui les utilisent de plus en plus et seront amenées à prendre des responsabilités au sein de l’entreprise et par conséquent à les utiliser au profit de leur organisation.
Nous distinguons les réseaux sociaux à vocation professionnelle et les réseaux sociaux à vocation personnelle. Aujourd’hui le recrutement entretient un lien très fort avec le Web social et les recruteurs sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux. Bien que l’objectif de l’article ne soit pas de dresser une typologie, nous nous interrogeons de la pertinence de la présence des recruteurs sur des plateformes qui n’ont pas de vocation professionnelle (à l’inverse de Linkedin ou Viadeo). Aussi, l’enjeu de notre travail est de comprendre la motivation des entreprises à communiquer sur ses réseaux sociaux. Sont-ils à la recherche de cette fidélité affective développée par Gentina et Delécluse (2018) ? En effet, les réseaux sociaux qui permettent une connexion en continu avec les candidats semblent être un bon moyen de proposer une image plus jeune, plus connectée et moins complexée de l’entreprise.
Nous prenons le cas de l’application Tiktok dont le contenu, les modalités et le public sont orientés vers les jeunes générations. Tiktok est une plateforme mobile de partage de vidéos qui sont commentées par la communauté d’utilisateurs. L’application est à destination de la jeune génération bien qu’elle soit ouverte et utilisée par une large communauté d’individus. Très loin des canons de Linkedin ou Viadeo, ce réseau se rapproche des plateformes à la mode à l’instar de Snapchat ou encore d’Instagram. Quel est l’intérêt pour ces entreprises d’investir ces terrains au coude à coude avec la vie personnelle ?
Étude empirique
Notre étude empirique, qui se résume ici en six études de cas, nous a permis d’analyser six entreprises qui ont recours à l’application Tiktok au sein de leur processus de recrutement. À chaque fois nous avons pu consulter un responsable du recrutement et un chargé du recrutement. À travers nos résultats, nous dessinons à ce jour cinq grandes motivations dans le discours des entreprises interrogées, à savoir : renouveler le processus de recrutement, améliorer la visibilité auprès de la génération Z, rajeunir la marque employeur, accroître l’attractivité et enfin offrir un terrain d’expression innovant.
Renouveler le processus de recrutement
Pour l’ensemble de nos répondants, Tiktok permet à l’entreprise de renouveler sa pratique et d’ajuster ses méthodes aux candidats potentiels. En effet, tous reconnaissent le potentiel d’innovation de l’application et les possibilités qu’elle offre pour communiquer. C’est le cas de l’entreprise COS qui nous rapporte « il est fini le temps du recrutement passif où l’on attendait les candidatures, aujourd’hui il faut se faire voir et être enclin à l’échange […] avec Tiktok nous proposons une nouvelle solution de recrutement adaptée à notre temps ». L’entreprise ETT2 complète ces propos en précisant « ça (Tiktok) attire, ça recrute et ça permet de motiver et de fidéliser des collaborateurs en interne qui participent à créer un cadre de vie agréable […] on est venu modifier notre manière de faire qui jusqu’à présent était très conventionnelle, là on est venu casser les codes ».
Améliorer la visibilité auprès de la génération Z
Sur la totalité de nos répondants, tous expliquent que leur objectif est avant tout d’augmenter leur capital sympathie auprès des Z et par conséquent leur visibilité sur les réseaux afin de toucher cette génération. L’entreprise FOOD annonce « clairement on y est, car c’est la plateforme de la génération Z et c’est une génération qui nous intéresse dans nos recrutements […] nous avions du mal à les capter avec nos campagnes, aujourd’hui nous avons un taux de participation intéressant à nos publications ». C’est également le positionnement de l’entreprise HÔTEL qui livre : « c’est l’occasion de créer du lien avec des candidats plus jeunes et d’emprunter leur code de communication […] leur montrer qu’on sait s’adapter à leur univers ».
Rajeunir la marque employeur
En lien avec le souhait d’améliorer leur visibilité auprès de la génération Z, nos répondants expliquent que leurs actions sur Tiktok permettent de renouveler l’image de l’entreprise en rajeunissant la marque employeur. En ce sens, l’entreprise ETT1 précise « on cherche à montrer une image plus fun de l’entreprise et une image décalée […] ça plait aux jeunes et ça nous rend accessibles, ça nous rend plus abordables pour ces générations, finalement on a simplement adopté leurs codes […] c’est une nouvelle facette de notre image ». On comprend que ces efforts sont à destination des Z qui sont la cible de ces actions. L’entreprise COS explique également qu’ils cherchent à mettre en exergue la dimension humaine de leur organisation : « les futurs candidats savent qu’il y a du sérieux chez nous, mais on a de l’humain et c’est valorisé par l’amusement et des défis qui mettent en scène nos collaborateurs ».
Accroître l’attractivité
Le but de la manœuvre est clair : attirer les candidats. Nos répondants détaillent qu’ils multiplient les moyens et que les réseaux sociaux sont une source très enrichissante de communication. Levier d’attractivité, les applications permettent de séduire les candidats en leur montrant un angle différent de l’organisation. C’est a priori le cas de Tiktok selon l’entreprise ETT2 qui « offre l’originalité d’appréhender l’entreprise déconnectée des codes classiques de communication ». En ce sens, l’entreprise GAME dévoile « on souhaite donner envie aux futurs candidats de postuler chez nous, car nos salariés ont l’air heureux […] on montre nos locaux, nos bureaux, le visage des collaborateurs et surtout la bonne ambiance, derrière le pari est gagné si on donne envie de postuler pour un stage ou un poste ».
Offrir un terrain d’expression innovant
Enfin, les entreprises interrogées au sein de notre étude constatent que les réseaux sociaux sont un terrain d’expression riche pour les candidats puisqu’ils offrent une plus grande liberté d’expression qu’une lettre de motivation, un CV ou encore un entretien. C’est en tout cas le positionnement de nos répondants et notamment de l’entreprise FOOD qui déclare : « La génération Z est une génération connectée tout d’abord, je pense qu’il faut l’évaluer sur les outils qui feront l’avenir de la réussite de nos marques […] je trouve les jeunes que je recrute bien plus à l’aise et plus innovant sur ces canaux que sur les procédures conventionnelles ». Par ailleurs, les recruteurs révèlent qu’à travers les réseaux sociaux ils peuvent évaluer des compétences douces et moins traditionnelles comme la spontanéité, la créativité ou encore le lâcher-prise : « ce n’est pas commun je l’avoue et je regardais ça d’un drôle d’œil au début, mais finalement on arrive à travers nos challenges à débusquer des personnalités fortes, à l’aise avec leur image, créatives et capables d’évoluer sur un réseau » (entreprise COS).
Conclusion
Notre recherche exploratoire met en exergue l’intérêt des entreprises de notre échantillon pour l’utilisation des réseaux sociaux au sein du processus de recrutement. Nous faisions le choix de nous concentrer sur l’application Tiktok qui connaît un véritable succès auprès des jeunes générations. Cette dernière attire l’attention des firmes dans la mesure où elle favorise les connexions avec la génération Z et leur permet d’atteindre et d’attirer les talents de demain. En effet, il apparait dans le discours de nos répondants qu’ils cherchent à captiver ces jeunes en s’immisçant directement au sein de leurs pratiques virtuelles. La participation des entreprises à ces réseaux sociaux personnels qui dénotent avec les réseaux virtuels classiques à vocation professionnelle tels que Linkedin, permettrait de proposer une nouvelle solution de recrutement à un public de plus en plus connecté. On ressent ainsi l’effort des organisations pour rajeunir leur image, mais aussi maximiser leur attractivité auprès d’une cible qu’il faut désormais convaincre. Aussi, comme le précise Briscariu (2019), il convient de bien distinguer les différents réseaux sociaux entre eux afin de mettre en œuvre des stratégies adaptées et cohérentes. Enfin, l’analyse de nos résultats montre que l’application Tiktok est privilégiée par nos répondants en début de processus de recrutement, c’est-à-dire au niveau de la sélection. Le processus n’est pas entièrement modifié mais le vivier de candidats est élargi grâce à une application qui permet plus de proximité avec la nouvelle génération. En ce sens, Slavić et al., (2017) soulignaient dans leurs travaux qu’en grande majorité, les entretiens issus d’un processus de sélection démarrés en ligne se déroulaient de manière traditionnelle. Aussi, à l’instar de la recherche de candidat sur Linkedin, les candidats approchés via Tiktok ont de fortes chances de conclure le processus de recrutement via des outils plus conventionnels tels que le recrutement en présentiel. Il semble nécessaire de considérer les réseaux sociaux comme des leviers supplémentaires, notamment pour la phase de sélection, et non comme une refonte globale du processus de recrutement actuel.
Nos travaux complètent l’éclairage de la littérature sur l’utilisation des réseaux sociaux en entreprise et notamment sur les réseaux sociaux à vocation personnelle. Comme l’exposent Boboc et al., (2015), les entreprises sont en conquête des réseaux sociaux et leur motivation est alimentée par les opportunités d’échange et d’image que génèrent ces plateformes. Nous poursuivons également les travaux de Slavić et al., (2017) et Briscariu (2019) sur la compréhension du recrutement via les médias sociaux. De plus, à l’instar des travaux de Benraïss-Noailles et al., (2016) notre étude montre l’intérêt des firmes interrogées sur le dialogue avec les Z et la perception de ces derniers sur les organisations. Ces résultats exploratoires font écho aux travaux sur la fidélité affective de Gentina et Delécluse (2018) et explorent la capacité des entreprises à mettre en œuvre des actions de fidélisation à destination de la jeune génération en étant plus disponible, plus connecté et plus proche de ce public. Aussi, Tiktok offre plusieurs leviers propices à la fidélité affective. Il nous semble opportun de développer ce point dans une recherche ultérieure.
Les réseaux sociaux à vocation personnelle semblent être un excellent moyen pour développer une stratégie de communication orientée vers les Z. Les entreprises auront néanmoins tout intérêt à respecter les règles d’usage sur ces plateformes et à ne pas chercher à institutionnaliser leur posture, puisque contraire à ce que recherchent les usagers. De plus, nous nous interrogeons sur la crédibilité de cet outil sur des publics plus âgés. Par ailleurs, nos travaux soulignent des problématiques juridiques, relevant notamment du RGPD. En effet, qu’en est-il de la protection des données des salariés sur ces réseaux pour le compte de l’entreprise ? Le compte est-il créé par le collaborateur ? S’agit-il d’un compte professionnel ? Des précautions sont également à prendre sur le droit à l’image des salariés. Par ailleurs, Tiktok est fréquentée par un public jeune, régulièrement mineur, la cohabitation entre le monde de l’entreprise et un public déconnecté des intérêts du recrutement pose également question.
Nous pouvons mettre en exergue plusieurs limites au sein de cette étude qui demeure une démarche exploratoire dont l’objectif est d’appréhender un fait récent en précisant les contours de la motivation des entreprises à s’engager sur ces applications très proches de la sphère privée. Cet article constitue une première étape de notre recherche opérée actuellement, celle-ci a vocation à analyser le comportement des entreprises sur les réseaux sociaux personnels et à comprendre leurs motivations. Ces premiers résultats méritent à notre sens d’être développés.
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