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Un bon chercheur c’est quoi ? Un mauvais chercheur c’est quoi ?

  • Résumé
    Non, nous ne sommes pas dans une reprise (ratée) d’un sketch du célèbre trio comique Les Inconnus, mais bien dans notre univers de la recherche académique. La mesure de la qualité d’un chercheur, autrement appelée la réputation académique, est une quête sans fin (Barbour et Marsall, 2012; Verčič et al., 2016). Williams (2001) parlait déjà des « academostars » en référence aux chercheurs élevés au statut de star par leur université ou leurs pairs. Ont suivi le développement des plateformes pour mesurer ce succès. Ainsi, Researchgate a été créée en 2008, Google Scholar fêtera ses 10 ans en novembre prochain et ORCID a 9 ans maintenant. Ces outils ne sont que la partie émergée de l’iceberg et pourtant, dans bien des cas, les seuls critères de mesure retenus pour parler de la réussite d’un chercheur.
    Citation : Dutot, V. (Avr 2021). Un bon chercheur c’est quoi ? Un mauvais chercheur c’est quoi ?. Management et Datascience, Article 0017118. https://doi.org/10.36863/mds.a.17118.
    L'auteur : 
    • Vincent Dutot
       (v.dutot@ipag.fr) - IPAG Business School
    Copyright : © 2021 l'auteur. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
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    Financement : 
    Texte complet

    Oui je dis bien réussite. Celle mesurée par le nombre de citations des articles publiés, celle, toujours, identifiant la capacité d’une contribution à être reconnue par ses pairs comme pertinente et utile au débat académique. Celle enfin que l’on nous demande de mettre de plus en plus sur notre CV afin de montrer si nous sommes, ou pas, importants.

    Loin de moi l’idée de remettre en cause tout le système existant, mais bien de le questionner ici. Les mesures de catégorisation de la réputation des chercheurs sont nombreuses (Nicholas et al., 2015; Cervi et al., 2013) et les outils tout autant (en plus de ceux déjà cités, pensons aux plateformes professionnelles comme le Rep-index). Si ceux-ci répondent et ont accompagné le développement de notre univers dans sa quête de reconnaissance et de valorisation, il est important de reconnaître que celui est en pleine évolution. Cette évolution est matérialisée par deux changements de contexte.

    Tout d’abord le contexte de la recherche académique. Dis autrement et simplement, peut-on comparer le chercheur d’aujourd’hui de celui finissant son doctorat il y a 40 ans, 20 ans ou même 10 ans. Qu’est-ce que le mot chercheur signifiait alors et est-ce qu’il signifie encore la même chose aujourd’hui ? Comment mesure-t-on la reconnaissance ? Si certaines institutions de par le monde continuent de récompenser la contribution académique (par des incitatifs à la publication, par des trophées du meilleur chercheur ou bien pour la contribution d’une carrière à un domaine spécifique), d’autres ont décidé de sortir de ce modèle « puriste » pour y adjoindre des critères plus pratiques. Comment la recherche aide au développement de l’écosystème ? Est-ce que la recherche est applicable et appliquée ? Suit-elle sont temps et répond-elle aux problématiques actuelles ? A voir le nombre de publications autour du Covid-19, des enjeux RSE ou de l’entrepreneuriat ces dernières années, le changement est assez clair. Et surtout, avec l’accroissement quasi exponentiel du nombre de soumissions dans les revues et celui, lié, du nombre de rejets, il devient de plus en plus difficile d’être publié. Si les seuls critères du nombre de publications et des citations sont retenus (Bornmann et Haunschild, 2017), le nombre de chercheurs de qualité va se réduire comme peau de chagrin.

    Deuxième changement le contexte de la mesure. Celui-ci n’a pas attendu ces premiers bouleversements pour évoluer. Car oui, il existe bien des manières de mesurer la qualité du chercheur. Les plateformes les plus connues sont bien évidemment Google Scholar, ResearchGate, Mendeley ou bien encore Publons (pour une liste complète voire les travaux de Martinelli). Elles permettent à tout chercheur de suivre son impact dans la communauté par le biais de ses travaux, de faire de la veille sur les publications récentes et également de participer à la conversation académique autrement (en recommandant une recherche sur ResearchGate par exemple, Copiello et Bonifcao, 2018). Conscientes que ces outils, seuls, ne donnent pas une vision complète du chercheur, certaines études ont ainsi proposé de mesurer la réputation de celui-ci. Cervi et al. (2013) ont ainsi proposé, au travers du Rep-model 5 catégories : l’identification, l’advisory, l’examining board, le membership et la production. Nicholas et al. (2015) a catégorisé les activités des professionnels académiques également en 5 catégories : la recherche, l’intégration, l’application, l’enseignement et la co-création. Plus récemment, de nouvelles approches pour faire connaître ses recherches ont vu le jour, ce qu’Haustein et al. (2013) nomment altmetrics. Dans un sens complémentaire, la plateforme « The Conversation » offre ainsi un média en ligne pour les chercheurs où la présentation de leurs travaux se fait par un effort de vulgarisation. La visibilité offerte par cette plateforme est telle que certaines écoles reconnaissent la publication sur The Conversation dans le CV de leurs chercheurs.

    Car c’est bien là l’enjeu pour nous, chercheurs, continuer à se faire connaître, reconnaître et valoriser par nos travaux. Aujourd’hui beaucoup se servent des réseaux sociaux professionnels pour annoncer leur dernière publication. D’autres vont se tourner vers les professionnels pour relayer leurs messages (par le biais de séminaires, de conférences, etc.). Enfin, de plus en plus créent leur propre site Web afin de valoriser leur « personal-branding ».

    Afin de mieux comprendre la perception de mes collègues (nationaux et internationaux), j’ai donc lancé une enquête sur la mesure de la réputation des chercheurs. Celle-ci (en cours) présente déjà quelques résultats intéressants. Merci aux presque 300 chercheurs qui y ont déjà répondu. La moitié d’entre eux venant d’Université et près de 40% d’école de commerce. Concernant la répartition géographique, un peu moins de 50% viennent d’Europe de l’ouest, 19% d’Amérique du Nord, 13% d’Europe centrale et de l’est, 10% d’Asie. Enfin concernant le statut, 25% des répondants sont professeurs assistants, 30% professeurs associés et 32% full professeurs.

    Nous présenterons ici quelques premiers résultats. Tout d’abord sur les plateformes sur lesquelles un chercheur se doit d’être présent. Ensuite sur les éléments devant être intégrés à la valorisation d’un chercheur. Concernant les plateformes, 79.6% des répondants jugent important (ou très important) la présence sur des plateformes académiques (comme Google Scholar) et 71% sur des plateformes académiques avec followers (comme ResearchGate). 58% d’entre eux jugent enfin important (ou très important) de disposer d’une présence sociale active (site Web personnel et réseau social), montrant bien l’intégration de ces nouvelles plateformes dans la stratégie de communication des résultats de recherche. Ce chiffre monte à 87%  pour une présence sur LinkedIn.

    En ce qui concerne les éléments de valorisation d’un chercheur, si la reconnaissance académique est perçue comme importante par près de 92% des chercheurs, les répondants mettent en avant les collaborations nationales et internationales (85% de réponses favorables), l’institution dans laquelle le chercheur travaille / ou a été diplômé (56%), les affiliations (55%), les financements obtenus (54%) et enfin la présence médiatique (48%).

    D’autres éléments, issus de cette étude, suivent avec intérêt les plateformes de mesure académiques connues par les chercheurs. Et nombre d’entre nous sont loin de les connaître ou de les utiliser. Ainsi près de 30% des répondants ne connaissent par ORCID, Publons (Web of Science) ou idHAL.

    Si les premiers résultats de cette étude tendent à montrer que les chercheurs valorisent différentes plateformes et supports pour la valorisation de leur recherche, le chemin est encore long avant que tous les rouages de notre profession (classements, revues, direction, etc.) intègrent ces nouveaux éléments dans leur stratégie de classification ou de recrutement. Se questionner et challenger les éléments existants est en tout cas un pas (nécessaire) dans cette direction.

    Crédits

    Barbour, K., & Marshall, P. (2012). The academic online: Constructing persona through the World Wide Web.

    Bornmann, L., & Haunschild, R. (2017). Does evaluative scientometrics lose its main focus on scientific quality by the new orientation towards societal impact?. Scientometrics, 110(2), 937-943.

    Cervi, C. R., Galante, R., & de Oliveira, J. P. M. (2013, December). Comparing the reputation of researchers using a profile model and scientific metrics. In 2013 IEEE 16th International Conference on Computational Science and Engineering (pp. 353-359). IEEE.

    Copiello, S., & Bonifaci, P. (2018). A few remarks on ResearchGate score and academic reputation. Scientometrics, 114(1), 301-306.

    Haustein, S., Peters, I., Bar-Ilan, J., Priem, J., Shema, H., & Terliesner, J. (2014). Coverage and adoption of altmetrics sources in the bibliometric community. Scientometrics, 101(2), 1145-1163.

    Nicholas, D., Herman, E., Jamali, H., RODRÍGUEZ‐BRAVO, B., BOUKACEM‐ZEGHMOURI, C., Dobrowolski, T., & Pouchot, S. (2015). New ways of building, showcasing, and measuring scholarly reputation. Learned Publishing, 28(3), 169-183.

    Verčič, A. T., Verčič, D., & Žnidar, K. (2016). Exploring academic reputation–is it a multidimensional construct?. Corporate Communications: An International Journal.

    Williams, J.J. (2001). “Academostars,” special edition of theMinnesota Review: A Journal of Creative and Critical Writing, numbers 52–54.

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