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Geoffrey Martinache
(g.martinache@eductive-groupe.com) - Esupcom
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Les fondements de la stratégie sont remis en question et les entreprises tentent de maitriser la situation en se basant essentiellement sur un recentrage sur des activités essentielles, comptant sur la bonne volonté de chacun sans se préoccuper des postes dans l’entreprise. Il s’agissait par conséquent de fonder le choix de ces activités de survie sur l’action, plutôt que la prévision, sur la preuve plutôt que sur la conviction ou l’intuition, sur l’engagement de chacun plutôt que sur un organigramme. Dans un contexte profondément incertain, il s’agissait donc de prendre en compte les signaux issus de la réalité pour construire un contexte favorable à la possibilité de saisir les opportunités. La stratégie ne se conçoit plus selon une relation entre l’interne et l’externe. En temps de crise, elle se conçoit au cœur même de son environnement en s’affranchissant de la nécessité d’analyser son environnement en maintenant une distance critique. La crise nécessite que l’on se place au plus près de la réalité pour créer les opportunités plutôt que d’en tirer parti grâce à une démarche consistant à révéler le potentiel d’une situation. Agir permettra en ces temps incertains de révéler la réalité. Privilégier l’analyse stratégique effectuale à l’analyse basée sur les causes comme le propose Silberzahn.
Il sera nécessaire dans quelques temps de se détacher de cette réaction d’urgence pour construire une vision permettant aux entreprises d’assurer leur avenir et de mobiliser les moyens financiers nécessaires à leur croissance. Le monde d’avant ne reviendra pas et la révolution ne sera pas possible. La seule façon de trouver une réponse réside dans la possibilité de poser une vision de ce que sera demain le secteur professionnel de l’entreprise de manière à refonder le collectif qui a volé en éclat par le changement permanent. La projection en avant et l’analyse de ce que nous souhaitons sera le seul ancrage possible pour affronter la crise et proposer un cap clair aux équipes. Il convient pour dépasser la crise de proposer une vision stratégique qui sera un socle pour prendre les décisions qui permettront de développer l’entreprise et l’extraire de la situation critique et incertaine qu’elle a connue à cause de la crise.
Pour cela il est nécessaire de dépasser les méthodologies traditionnelles nous empêchant de maintenir les objectifs de croissance. Les dirigeants vont devoir d’affranchir de la gestion quotidienne pour préparer l’avenir et répondre aux futurs enjeux de leur secteur. En établissant leur stratégie à partir du présent, au cœur de la vague, les dirigeants ne parviennent pas à construire l’avenir de leur secteur parce qu’ils sont trop ancrés dans les contraintes d’aujourd’hui. Difficile d’imaginer le monde de demain à partir d’aujourd’hui. Leur vision stratégique n’est que le déploiement des intuitions reçues à partir des données, faits et contraintes du présent et consisterait à maintenir ce qui existe en améliorant le quotidien et en trouvant des axes de différenciation par rapport à une concurrence existante. Cependant, nous ne nous donnons pas les moyens de disrupter la réalité. Ce mode de pensée était cohérent lorsque nous connaissions le monde qui nous entoure. Aujourd’hui, le covid à tout modifié faisant émerger de nouveaux enjeux. Penser l’avenir exige de savoir considérer et sécuriser l’hypothèse en mettant à jour ce qui pourrait être vrai et se réaliser.
Pour construire une stratégie ambitieuse et retrouver la voie de la croissance, il convient dans se détacher d’une habitude méthodologique. Jusqu’à maintenant, élaborer une stratégie consistait à prendre prend des vérités constatées dans le présent et des hypothèses actuelles et les projetter dans le futur de manière linéaire. Ceci était valable lorsque nous maitrisions notre environnement et que nous pouvions évoluer dans une relative stabilité. Le covid a perturbé l’ensemble des paramètres de notre environnement économique et social. Les convictions soutenant votre modèle d’entreprise sont devenues en quelques semaines obsolètes. Notre environnement professionnel est devenu méconnaissable. Nous devons donc changer notre manière de penser pour construire l’avenir. Nos décisions ne peuvent plus s’inscrire dans un cadre prédictif basées sur l’analyse de données préalablement acquises. Il n’est plus possible de penser que l’on peut diriger une entreprise en prolongeant indéfiniment les axes développés à coup d’améliorations sporadiques qui ne suffiront plus à assurer sa croissance. Nous ne pouvons plus puiser dans notre présent que nous ne maitrisons plus des données qui nous aideraient à nous projeter vers l’avenir. L’avenir exige de mesurer l’écart entre ce qui est et ce qui sera pour le combler. Il est essentiel d’inverser cette méthodologie pour commencer par envisager l’état final que nous souhaitons définir puis de retourner dans le présent pour mettre en place l’écosystème nécessaire au développement et à la concrétisation de cette vision.
Cela nous permettra de devenir leader du marché plutôt que de saisir l’opportunité une fois qu’elle a déjà été investie par des concurrents. La stratégie de demain est donc nécessairement performative comme le pensent Josh Suskewicz et Mark W. Johnson, c’est-à-dire qu’elle prend en compte tous les leviers de relation avec son environnement de demain dans une approche intégrée, globale et systémique et combine à la fois les changements survenus dans le présent, ce que nous souhaitons devenir dans le futur en développant un nouveau paradigme et la création de l’écosystème dans le présent pour permettre la réalisation de ce futur.
Ce processus de stratégie performative se met en place en 3 phases.
- Le moonshot pour construire la vision . Il s’agit dans un premier temps de construire une vision pour créer la stratégie de demain. Il est nécessaire pour cela de prendre en compte la manière dont l’environnement du secteur professionnel est en train d’évoluer. Qu’est ce que le covid a modifié dans notre environnement professionnel ? Quelles en sont les conséquences sur nos produits, le comportement de nos clients ? Cela nous permettra ensuite de détailler nos besoins pour garantir notre croissance dans cet environnement prévu. Quel est le portrait « impressionniste » de l’avenir de notre secteur professionnel dans une dizaine d’années ? Quelles seront les attentes sur nos marchés dans une dizaine d’années ?
- Une fois la vision élaborée, il convient de la traduire en stratégie. La stratégie repose sur des actions concrètes à mettre en place à court terme pour nous conduire à concrétiser le moonshot. Quelles sont les nouvelles opportunités auxquelles mon core business pourra répondre dans l’avenir ? Comment combiner les attentes des clients, les opportunités technologiques ? Quels sont les nouveaux produits que peut facilement développer l’entreprise en s’appuyant sur son socle de compétences pour gagner les marchés adjacents et capturer les initiatives dont l’entreprise aura besoin pour atteindre ses objectifs à long terme ? Quelles innovations mettre en place pour investir pour gagner de nouveaux marchés et répondre aux nouveaux besoins des clients ?
- La dernière phase est celle de la programmation. Comment conduire le changement pour exécuter cette vision stratégique d’avenir ? Quels nouveaux talents recruter ? Quelle organisation test & learn mettre en place pour diriger cette vision de manière performative de manière à incuber et accélérer ?
Ces trois phases orientent notre enseignement des compétences requises dans l’avenir. L’imagination et la créativité deviennent un axe nécessaire pour renforcer le leadership des futurs managers. Si les hards skills restent les mêmes, il est indispensable de maitriser la diversité des spécialisations de son domaine d’activité pour Comprendre les enjeux des 3 grandes transformations en jeux : la transformation écologique, l’interface entre entreprises et société et la transformation numérique. Ainsi, pour prendre en charge des responsabilités financières, les futurs managers devront maitriser la fintech, la greentech, l’IA, la déontologie dans un environnement multiculturel et de pratiques professionnelles digitalisées et distanciées. Ces compétences ne seront plus à faire valoir au niveau vertical mais surtout au niveau transversal.