Citer
Imprimer
Partager

« La crise ne fera pas basculer l’enseignement dans le full digital » entretien avec Geoffrey MARTINACHE

  • Résumé
    L’épidémie du COVID-19 engendre une crise inédite. Au départ sanitaire, elle touche tous les secteurs de l'économie et l’ensemble des domaines de l’organisation (management, RH, juridique, etc.). Management & Data Science a souhaité rencontrer les meilleurs experts - toutes disciplines confondues - afin qu'ils nous livrent leur regard sur les conséquences, enjeux et opportunités digitales que pourrait générer cette crise dans leur domaine de référence. Nous rencontrons aujourd'hui Geoffrey MARTINACHE, Directeur National Pédagogie et Innovation du Groupe Eductive.
    Citation : Martinache, G. (Juin 2020). « La crise ne fera pas basculer l’enseignement dans le full digital » entretien avec Geoffrey MARTINACHE. Management et Datascience, 4(4). https://doi.org/10.36863/mds.a.13534.
    L'auteur : 
    • Geoffrey Martinache
       (g.martinache@eductive-groupe.com) - Esupcom
    Copyright : © 2020 l'auteur. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
    Liens d'intérêts : 
    Financement : 
    Texte complet

    Quels sont les principaux impacts du Covid-19 en matière de digitalisation de l’enseignement ?

    La crise sanitaire que nous venons de vivre a été un accélérateur de la transformation de l’enseignement supérieur avec la necessité impérieuse de prendre en compte la totalité de sa chaine de valeur. Cependant, il s’agissait souvent d’un plan de sauvegarde de l’offre pédagogique au risque d’une schématisation. On a dans un premier temps apporté une réponse technique sans nécessairement profiter des outils digitaux pour enrichir l’expérience d’apprentissage afin de former les managers de demain. L’objectif d’une business school ne peut pas être uniquement la transmission des connaissances et des compétences qui permettront aux étudiants de trouver un emploi demain. Nous devons aussi les former à après demain. Nous vivons dans une société VUCA. Les managers de demain vont devoir mobiliser leur capacité à être agile, à innover, à reconsidérer sans cesse les facteurs de productivité pour s’adapter en permanence aux contextes nouveaux et inventer de nouveaux buisness models. Ils vont devoir travailler de manière collaborative, à distance faisant coincider plusieurs fuseaux horaires. Autrement dit, la connaissance n’est plus suffisante. Il est fondamental d’être doté de capacité d’adaptabilité, de gestion de la complexité et de l’innovation. La mission d’une business school est donc bien plus large. Nous veillons à donner à nos étudiants tous les éléments qui leur permettront de trouver leur place dans notre société. Nous devons les guider dans la construction de leur employabilité, les aider à devenir eux-mêmes , c’est-à-dire à aligner leur profil professionnel, leur personnalité et le marché de l’emploi pour leur donner toutes les chances. Les programmes et les méthodes pédagogiques sont conçues dans nos établissements pour aider les étudiants à se révéler, à s’engager dans une expérience professionnelle pour consolider les apprentissages reçus à l’école. Les outils digitaux ont souvent été utilisés dans cette période sanitaire pour dédoubler le face à face pédagogique au lieu d’enrichir l’ expérience d’apprentissage par une personnalisation décloisonnée de toute contrainte de temps  et d’espace c’est-à-dire permettre à l’étudiant de sortir des séances de dictée pour s’approprier son parcours d’apprentissage. C’est de cette manière que nous pourrons accompagner la performance des entreprises en leur proposant des compétences et des talents parfaitement adaptés aux enjeux actuels et à venir, susceptibles de toujours s’adapter pour créer de la valeur dans une société en constante mutation.

    Quels sont les principaux enjeux que doivent surmonter les écoles dans cette nouvelle configuration ? 

    La crise du covid a permis d’accélérer la digitalisation pour l’ensemble des écoles. En soit, le digital n’est donc plus une question ni même distinctif. La pression pour en faire un axe de différenciation et d’enrichissement de l’expérience d’apprentissage intimement adossée à leur proposition de valeur deviendra de plus en plus importante. La crise est donc une occasion unique pour les établissements en dehors du top 10 de se démarquer. En dehors des contraintes budgétaires liées aux accréditations, ces établissements ont la souplesse nécessaire de mobiliser leurs forces pour faire de la digitalisation le pivot nécessaire pour transformer leur activité. Dans les mois à venir, les conditions d’insertion des diplomés seront difficiles. Les entreprises éprouveront même quelques difficultés à recruter les alternants avec qui ils travaillaient depuis de nombreux mois et qu’ils ont formés avec soin. Les établissements proposant donc des formations complementaires courtes orientées vers des compétences techniques recherchées par le marché du travail disposeront d’un avantage considérable. Il sera donc possible pour le jeune diplomé de complèter sa formation par une certification technique et de renforcer son employabilité pour être accueilli de manière plus favorable par le marché du travail et avec un profil plus attractif dans quelques mois. Les établissements de référence misant plutôt leur retour à une situation économique favorable à la conquête des étudiants étrangers, les écoles en dehors du top 10 auront toute l’agilité nécessaire pour renforcer leur marque en créant des formats courts digitaux ou summer camp certifiants des compétences techniques indispensables aux marchés de demain et complétant leur offre historique.

    Quels conseils donneriez-vous pour convertir cette crise en opportunité pédagogique ? 

    En aucun cas, la crise ne fait basculer l’enseignement supérieur vers une formation full digitale. D’une part, la construction d’une personnalité professionnelle nécessite dans bien des domaines une accompagnement physique, d’autre part, les projets vont essentiellement s’organiser demain de manière collaborative à distance ou en physique. La digitalisation de la formation n’exclut pas le présentiel bien au contraire. Les campus doivent devenir des lieux de vie, des hubs entrepreneuriaux dans lesquels il est possible quel que soit le statut ou l’âge de l’étudiant de venir chercher l’expertise nécessaire pour réaliser son projet créant des synergies inédites autour d’une pédagogie par projets. L’éducation connait la même mutation que le spectacle vivant à l’arrivée des plateformes de rediffusion musicale. Pour venir en cours il faut vivre une performance basée par exemple sur des rencontres avec des marques ou des entrepreneurs emblématiques permettant de faire vivre des expériences inédites et engageantes ! Les acteurs de l’éducation ne vendent plus uniquement un service mais ils entrent dans l’économie de l’expérience qui devient le prochain terrain concurrentiel. L’expérience d’apprentissage devient un actif unique plus important que le simple fait de bénéficier du diplôme. On observe d’ailleurs un nombre significatif de prospects se détacher des établissements de référence pour se tourner vers de jeunes acteurs proposant une expérience enrichissante, inédite et plus adaptée aux besoins du terrain. L’enseignement supérieur doit utiliser intentionnellement une mise en scène de services pour engager les étudiants en faisant de leur parcours un événement mémorable divertissant, instructif, périlleux, encourageant une réflexion disruptive.

    Biographie de Geoffrey MARTINACHE

    Geoffrey MARTINACHE est Directeur National Pédagogie et Innovation du Groupe Eductive.

     

     

  • Évaluation globale
    (Pas d'évaluation)

    (Il n'y a pas encore d'évaluation.)

    (Il n'y a pas encore de commentaire.)

    • Aucune ressource disponible.
    © 2024 - Management & Data Science. All rights reserved.