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Geoffrey Martinache
(g.martinache@eductive-groupe.com) - Esupcom
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Face à une économie en transformation constante, incarnée par un nouvel équilibre entre le temps de travail et le temps personnel, par la fin du salariat, par la déqualification des collaborateurs en entreprise, il est plus nécessaire que jamais de recourir à une remise à niveau permanente et de permettre à chacun de se former partout, facilement. Partant, c’est le cadre même de l’enseignement supérieur qui doit être reconsidéré.
Comme le pointent plusieurs spécialistes de l’enseignement supérieur et plus récemment la FNEGE, les établissements d’enseignement supérieur sont évalués par des instances de régulation plaçant la recherche au cœur de leurs critères qualité. Sur le plan national, le HCERES est chargé d’évaluer la recherche grâce à un classement des publications scientifiques pour créer des pôles d’excellence faisant bénéficier les établissements de budgets supplémentaires. Au niveau international, les labels EQUIS, AACSB et AMBA contribuent à construire l’excellence de la marque de l’établissement. Cependant, là aussi les critères sont presque exclusivement tournés vers la recherche. Ainsi, la recherche académique est devenue la base même sur laquelle on évalue la qualité de l’enseignement supérieur sans pour autant avoir un impact direct sur la qualité des formations proposées puisque celles-ci doivent répondre à des besoins de marché. Pour que nos entreprises soient performantes, il faut que nos étudiants répondent à leurs besoins. Aussi, il importe que les étudiants ne soient pas uniquement érudits par une formation trop théorique basée sur une recherche d’une utilité rétive en entreprise.
Les écoles de commerce et de management ressemblent de plus en plus aux universités. Le poids de la recherche dans la course aux accréditations nécessaires à leur réputation les a détournées de l’impératif pédagogique qui doit être le deuxième moteur d’un établissement d’enseignement supérieur aujourd’hui. On assiste à une uniformisation de la pédagogie, des outils de travail et des programmes. C’est aussi pour cette raison qu’à l’université la transition digitale n’y est pas encore totalement opérante.
Dans les établissements les plus innovants, la pédagogie n’est plus centrée sur le savoir dont l’enseignant serait le détenteur, expert de sa spécialité mais sur l’étudiant, acteur de son propre parcours, producteur de son savoir, accompagné par un expert en questionnement. Baser son parcours professionnel sur la seule connaissance est devenu un vrai risque. Il ne s’agit plus aujourd’hui de se former pour perfectionner les acteurs de l’entreprise qui avaient besoin d’apprendre pour bénéficier d’une base culturelle élémentaire et prendre un poste peu qualifié, ne nécessitant pas de capacité d’adaptation particulière. Cependant, dans une société VUCA (volatility, uncertainty, complexity, ambiguity), l’anticipation et le contrôle des modes de production ne peut plus être la base d’une stratégie efficiente. Les équipes doivent travailler avec des machines gérant et générant des flux d’informations qui doivent être compilées et synthétisées pour permettre aux managers de prendre une décision en temps réel. Autrement dit, la connaissance n’est plus suffisante. Il est fondamental d’être doté de capacité d’adaptabilité, de gestion de la complexité et de l’innovation. Le manager ne doit plus seulement permettre à ses équipes d’accroitre leur connaissance mais aussi être en mesure de changer les comportements au travail. En proposant aux étudiants d’être acteurs de leur parcours, la formation doit donc pour cela non pas développer l’adaptation mais l’adaptabilité pour former non pas à demain mais aussi à après demain et rendre la formation durable.
En dépit de l’opportunité pour les universités que représente le numérique de se réinventer pour créer de la valeur dans un environnement rigide, le business model peine à se transformer. Le risque est une sortie du marché de ces institutions emblématiques à cause notamment de la baisse des possibilités de financement et d’une similarité des moyens de création de valeur. Les risques de cet immobilisme sont nombreux et seront couteux à terme parce que devant l’arrivée d’acteurs vus jusqu’à aujourd’hui comme non-concurrentiels qui vont proposer des recrutements sans diplôme, des formations à des métiers en tension, et des formations à distance performantes, les universités seront obligées de sur-réagir face à ces innovations.
Il est peu probable qu’une telle institution puisse garder ses positions. D’une part parce que le perfectionnement des nouvelles technologies, la perturbation des trajectoires professionnelles, la crise de l’emploi, l’envie d’apprendre et de se cultiver durant son temps libre doivent alerter les établissements d’enseignement supérieur à réaliser leur transition digitale. D’autre part parce que les expérimentations disruptives proposées par les autres établissements d’enseignement supérieur souvent privés proposent de nouveaux modèles qui séduisent les individus éloignés aujourd’hui de l’enseignement supérieur.
Néanmoins, pourquoi n’a-t-elle pas encore été disqualifiée du marché ? Une explication peut être trouvée dans la mauvaise appréhension de la chaine de valeur de l’enseignement supérieur par ses nouveaux concurrents numériques qui proposent un enseignement en ligne validé par un diplôme reconnu par l’état. Une institution ne peut plus aujourd’hui vendre uniquement un produit permettant au client de satisfaire un besoin mais elle doit vendre la satisfaction de ce besoin. Les écoles privées proposent depuis longtemps des services supplémentaires et complémentaires à la formation. L’université peut pousser à l’extrême cette logique en proposant non pas uniquement la formation mais l’expérience de la formation singularisée par la marque. Chaque université proposera sa propre expérience basée sur un ensemble de services entourant la formation comme le programme et la pédagogie bien entendu mais aussi l’aide au logement, le financement, la durée de l’expérience professionnelle, l’aide pour trouver un emploi, les partenariats professionnels, les activités associatives, l’obtention d’un emploi conforme aux ambitions de l’étudiant à l’issue du diplôme ou encore les alumnis. Le dosage et la combinaison de ces différents éléments crée l’attractivité d’une école.
Le renouveau du business model des universités doit passer aujourd’hui par l’économie digitale. La plupart des secteurs ayant été transformés par ce modèle affiche aujourd’hui une excellente santé financière et sont sources d’innovation pour d’autres secteurs. Pour cela il est indispensable de maitriser l’art du pivot pour faire évoluer son positionnement stratégique et son modèle économique. Néanmoins, le pivot implique de garder un pied au sol pour donner la possibilité à l’autre de changer de direction. Autrement dit, il est nécessaire de capitaliser sur son expérience de production et de transmission de connaissance tout en traçant une perspective pertinente sur son marché ancrée sur un dialogue permanent avec les usagers, les étudiants. Même si le pivot est mis en place et maitrisé par les start up en raison de leur agilité managériale, apparemment opposé au fonctionnement universitaire, il est urgent de s’interroger sur cette possibilité. Pour pivoter, l’université doit proposer de nouvelles offres de produits complémentaires à son domaine d’expertise. Autrement dit, elle doit s’appuyer sur ses axes de différenciation et dans le même mouvement s’interroger sur ses propres bases historiques pour être en capacité de s’adapter à la demande des usagers et aux besoins du marché pour créer une adéquation entre l’offre et la demande.
Dans ces conditions les innovateurs (openclassrooms par exemple) font une percée sur le marché traditionnel à une vitesse fulgurante et la méthode est parfaitement adaptée aux enjeux de notre société et aux attentes des étudiants. Le savoir est devenu dans le parcours de l’étudiant auxiliaire. C’est en revanche son projet personnel qui est ramené au cœur même de son apprentissage. D’autres peuvent encore se développer, performer et disrupter les modèles académiques. Des acteurs importants du monde du recrutement comme Monster par exemple maitrisent beaucoup des aspects de la chaine de valeur de l’enseignement supérieur et peut constituer une véritable alternative au modèle classique de l’enseignement supérieur : accès à la demande de compétences précises des entreprises en fonction des zones géographiques, présentation complète des candidats, offre de formation.
Alors que la plupart des métiers de demain sont encore inconnus, l’école doit pouvoir prolonger son expertise historique vers de nouveaux modèles de performance pour s’adapter aux besoins de la société et aux évolutions du marché en permettant aux individus de construire eux-mêmes tout au long de leur vie et en fonction de leur parcours individuel leur portefeuille de compétences. Le modèle de la mise en relation des recruteurs et des candidats en proposant en temps réel et en rapport aux besoins du marché des formations pour adapter et affiner ses compétences en fonction de son projet professionnel. Grâce à l’exploitation des datas, ce modèle peut consolider sa performance et devenir un coach permettant d’accompagner chaque individu vers la concrétisation de son ambition professionnelle en cohérence avec les besoins du marché. Il est clair à cet égard, que les entreprises doivent faire face à une multitude d’éléments pour attirer les talents les plus sûrs convenant notamment à leurs objectifs et à leurs marchés. Les centres de formation doivent donc aujourd’hui s’appuyer sur l’exploitation de datas pour gérer ces problématiques et aligner la demande spécifique des entreprises, la formation initiale des candidats, leurs expériences professionnelles, leur situation géographique et le besoin de formation spécifique pour que les candidats soient parfaitement adaptés aux besoins du marché. Plusieurs raisons expliquent la nécessaire utilisation des datas par les centre de formation dans le cadre d’une expérience d’adaptative learning structurée par une LMS dans les années à venir et donc une nécessaire évolution de leur business model. Des algorithmes nous permettent d’apprendre les comportements des apprenants grâce à la répétition et au big data pour proposer des contenus de plus en plus pertinents aux cibles et démultiplier les voies de perfectionnement et d’ajustement de la formation. Par exemple, le turn-over croissant au sein des entreprises a un impact sur les objectifs de production et sur la création de valeur. La data permet de réduire les erreurs de recrutement en proposant aux candidats short listés une formation pointue sur le domaine d’intervention. Par ailleurs, de nouveaux métiers apparaissent tous les jours et demandent de la part des entreprises une forte capacité d’adaptation. La data nous donne l’opportunité de mesurer la manière dont ces nouveaux métiers ont déjà pu être mis en place dans d’autres secteurs d’activités ou des zones géographiques différentes en analysant les postes antérieurs des employés qui occupent aujourd’hui ces fonctions nouvelles et ainsi augmenter la reconversion des collaborateurs. Enfin, l’utilisation de la data permettra enfin de mesurer les attentes en terme de transversalité professionnel qui apparait comme un des vecteurs principaux de l’évolution de carrière. En effet, par l’analyse de parcours professionnel différents autour des mêmes fonctions, dans des secteurs professionnels différents et des zones géographiques différentes, il sera possible d’avoir des preuves de la transversalité professionnelle réclamée par les employeurs pour casser les processus de reports symétriques sur des profils inadaptés, analyser les transitions de carrière originales, possibles et pertinentes et ajuster au mieux la formation.
Bien entendu, cet adaptative learning personnalisée et adaptée aux besoins du territoire et du marché devra être fulltime et everywhere et restituer la personnalité de l’individu avec ses expériences, ses ambitions et ses démarches pour y parvenir. Les modèles d’apprentissage doivent intégrer différents formats pour s’adapter au mieux aux comportements des cibles visées : Micro-learning, contenus qui peuvent être regardés en moins de 3 minutes sur mobile pour toucher les générations Y et Z qui ont l’habitude de surfer sur youtube en faisant confiance à la sérendipité ; les échanges communautaires qui enrichir son apprentissage et renforcer le sentiment communautaire pour formaliser des compétences en gardant une posture informelle ; la visio qui permet de former des managers sur des problématiques plus spécifiques en échanger avec un expert ; les MOOC restent par ailleurs une base excellente. Aussi, les établissements d’enseignement supérieur doivent donc se doter d’un service marketing fort pour sourcer les nouveaux apprenants, produire des contenus forts qui proposent l’expérience client de la marque et travailler l’ensemble des éléments de la chaine de valeur de l’enseignement supérieur. Les étudiants veulent vivre un apprentissage expérientiel notamment grâce à l’utilisation d’APIs pour unifier l’expérience client à l’heure du multi-device et démultiplier les opportunités d’acquisition client. Le dispositif d’accompagnement personnalisé et l’apprentissage par la communauté des apprenants sont le cœur de cette expérience pour lui permettre d’apprendre à se connaitre pour construire un projet professionnel en rapport avec sa personnalité mais aussi de s’enrichir de nouvelles compétences tout au long de sa vie et adapter son parcours aux évolutions des métiers et de la société. Au moyen de cette plateforme, chaque individu pourra ainsi être guidé par des experts sur la construction de son employabilité.
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