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Le rôle de l’influenceur via l’UGC

  • Résumé
    Dans l’industrie de la mode, et notamment le marché du streetwear, les influenceurs utilisent la co-création pour élaborer un produit ou créer du contenu éditorial (User-Generated Contents ou UGC). Elle est devenue une véritable alternative aux méthodes traditionnelles de communication. Pourtant, l’attitude des consommateurs-récepteurs à l’égard de ces contenus et l’utilisation qu’ils en font est relativement méconnue. Une étude qualitative exploratoire menée auprès de digital natives, consommateurs de sneakers, permet d’identifier la place d’Instagram dans la décision d’achat et l’image positive dont elle semble bénéficier auprès de cette cible.
    Citation : N'Tary-Calaffard, M., & Guichard, N. (Mai 2019). Le rôle de l’influenceur via l’UGC. Management et Datascience, 3(2). https://doi.org/10.36863/mds.a.129.
    Les auteurs : 
    • Maximilien N'Tary-Calaffard
       (maxlecloset@gmail.com) - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
    • Nathalie Guichard
       (nathalie.guichard@u-psud.fr) - Université Paris-Sud-Saclay
    Copyright : © 2019 les auteurs. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
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    Financement : 
    Texte complet

    Introduction

    L’origine de la chaussure de sport moderne est attribuée à la compagnie Uniroyal au 19ème siècle. Depuis les années 60 et la génération de baby-boomers, cette chaussure a connu un détournement de son utilisation. En effet, plus qu’un outil destiné au sport, elle est devenue un objet de mode appelé sneaker, pièce maîtresse de la composante mode de la Street culture, le streetwear. Le marché des sneakers a doublé en valeur en 10 ans pour avoisiner les 82 milliards de dollars en 2016 (Athletic Footwear Market, 2018, Global Analysis), impulsé par des influenceurs digitaux nés à l’avènement du Web 2.0. Ses consommateurs, issus de la génération digital natives (caractérisée par l’intégration de l’usage de la technologie dans leur vie quotidienne) (Prensky, 2001), tirent les informations relatives à leurs futurs achats de contenus générés par leurs pairs sur des plateformes connectées (Thoumrungroje, 2014).

    En parallèle, des recherches montrent une croissance de l’implication des consommateurs dans le cycle de vie du produit, de la conception (Hoyer et al., 2010 ; Kozinets et al., 2008) à la diffusion de campagne publicitaire (Pehlivan et al., 2013). Une partie de ces consommateurs assurent, par leur hyper activité en ligne, une promotion personnelle et gratuite aux marques de mode. Ce sont des influenceurs qui utilisent la co-création comme principal outil de communication. Ces derniers créent des contenus audiovisuels et rassemblent des communautés au sein de médias sociaux. Les marques, notamment de mode, basent leurs stratégies de communication sur l’impact de ces co-créateurs (Cheung et al., 2019).

    L’objectif de la présente recherche est, d’une part, d’étudier la perception des consommateurs de sneakers à l’égard de la co-création (User Generated Content – UGC) générée par les influenceurs et, d’autre part, de cerner le rôle de ces derniers sur la décision d’achat des jeunes consommateurs et les facteurs déterminants de cette influence. En corollaire, il s’agit de répondre aux questions suivantes : Quelles sont les sources d’information des consommateurs de mode de la génération digital natives ? Sur quels critères ces consommateurs décident-ils de suivre la production d’un influenceur ? Comment reçoivent-ils l’UGC ? Dans cette optique, nous proposons tout d’abord un bref état de la littérature sur les concepts d’influence, de co-création et de création de contenu (UGC). Nous présentons ensuite une recherche exploratoire menée auprès de consommateurs digital natives sur le marché́ du streetwear, dont nous discutons les principaux résultats. L’article se termine par un exposé des limites et des perspectives de recherche.

    Cadre théorique

    Les premières recherches sur l’influence ont porté sur les leaders d’opinion politiques (Lazarsfeld et al., 1944). Par la suite, Katz et Lazarsfeld (1955) étendent leurs applications au domaine de la consommation. En psychologie, Harren (1979) décrit l’influence comme un phénomène parallèle de l’acte de prise de décision qui devient alors dépendant d’autrui. Avec l’émergence des réseaux sociaux, l’influence interpersonnelle gagne de la place dans les dispositifs marketing, particulièrement dans ceux de l’industrie de la mode (Sokolova et Kefi, 2019). L’accessibilité à Internet et le taux d’équipement en objets connectés aidant, la répartition du nombre d’utilisateurs de médias sociaux d’après la règle “90-9-1 ” (Nielsen, 2006), selon laquelle 90% des utilisateurs ne contribuent jamais, 9% sporadiquement, et 1% frénétiquement, se modifie. Le consommateur devient de plus en plus co-créateur de valeur en générant des contenus médias (Prahalad et Ramaswamy, 2004). Dekhili et Hallem (2016, p. 15) définissent la co-création comme un : « processus par lequel les produits, services et expériences sont conçus par les entreprises et le consommateur final et permettant l’établissement d’un environnement où la valeur créée serait partagée ». Les activités de ces producteurs sont en partie l’exploitation de leur image en laissant une empreinte digitale (O’Reilly et Batelle, 2009 ; Douplitzky, 2009) et la production d’attention (Goldhaber, 1997).

    Les influenceurs de mode, créateurs de contenu évoluent dans les médias sociaux, un groupe d’applications Internet qui permet la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs (Kaplan et Haenlein, 2010), dont les plus populaires sont Facebook, Twitter, Youtube, Instagram, Pinterest… Coutant et Stenger (2013, p.109) précisent qu’ils : « sont le fruit de la rencontre de l’usage, de la technologie, de stratégies économiques et de leurs constructions progressives ». Le contenu qui y est proposé (témoignages, évaluations, commentaires…) évolue en permanence (Stenger et Coutant, 2013). Les recherches ont souligné que la création de contenu (UGC) fonctionnait de la même manière que le bouche à oreille électronique (Manap et Adzharudin, 2013), exerçait une plus grande influence sur la consommation de par son volume de diffusion (Cheong et Morrison, 2008 ; Dijck, 2009 ; Jonas, 2010 ; Krishnamurthy et Dou, 2010 ; Presi et al., 2014) et « garantissait une plus grande fidélité des utilisateurs » (Coutant et Stenger, 2012, p. 84).

    La plupart des études menées sur l’UGC des biens de consommation dissocie le domaine du luxe ( Dall’Olmo Riley et Lacroix, 2003 ; Seringhaus, 2005 ; Phan, 2011 ; Geerts, 2013), de celui des produits de grande consommation (Muñiz et Schau, 2011). Pour Berthon et al. (2009), un paradoxe contraint le marché du luxe à véhiculer une image haut de gamme en communiquant vers ses cibles potentielles via des médias grand public comme les réseaux sociaux. Le marché des sneakers a utilisé la co-création pour « perfectionner » ce système.

    Jusqu’à présent, la co-création de contenus a majoritairement été étudiée du point de vue du consommateur/créateur sur un champ le plus souvent restreint à Facebook, Twitter ou Youtube (Douplitzky, 2009 ; Curbatov et Louyot-Gallicher, 2017 ; Himelboim et Golan 2018). La perception des contenus et de leurs créateurs par les consommateurs est ainsi relativement peu connue, en particulier dans le contexte du streetwear. Compte tenu de sa sensibilité à la prescription (N’Tary-Calaffard et Guichard, 2018), le marché des sneakers semble être un terrain d’étude approprié.

    Objectifs et méthodologie de l’étude qualitative

    Le marché de la sneaker utilise l’influence digitale, et notamment la création de contenu, comme instrument principal de stratégie de communication. Afin d’appréhender l’influence des créateurs de contenu dans la décision d’achat de produit de mode, une étude qualitative a été menée auprès de consommateurs de sneakers de moins de 34 ans, ces digital natives qui selon les données de Sports Market Analytics (2014), composent 43 % des acheteurs de sneakers et utilisateurs de média sociaux consacrés au streetwear. L’étude a pris la forme d’entretiens semi-directifs auprès d’un échantillon de dix consommateurs (dont une consommatrice) âgés entre 19 et 27 ans recrutés alors qu’ils visitaient une boutique de sneakers. Un guide d’entretien a été élaboré à partir de plusieurs thèmes : la relation des répondants à la mode, leurs sources d’information lors du processus d’achat, les influenceurs éventuellement suivis et, le cas échéant, leurs caractéristiques, ainsi que leur attitude et leur traitement du contenu digital produit par ces mêmes influenceurs. Les entretiens individuels ont été conduits en face-à-face durant la semaine suivant la sortie d’une collaboration de marques (Off-White x Nike Football, 14 juin 2018), dans un lieu clos parisien. D’une durée variant de 20 à 60 minutes, ils ont été enregistrés et intégralement retranscrits. Une analyse manuelle des données recueillies a été réalisée à partir des retranscriptions. Elle a permis de regrouper les termes récurrents par thèmes et faire émerger les catégories en lien à l’objectif de l’étude.

    Résultats

    L’analyse des entretiens fait ressortir quatre principaux résultats : la place d’Internet et d’Instagram au cours de l’étape de recherche d’informations, la relation des influencés avec la communication traditionnelle, les éléments caractérisant un influenceur fiable dans le domaine de la mode et l’attitude à l’égard de la création de contenu.

    La place d’Instagram dans la phase de recherche d’informations

    Une fois le besoin détecté, le consommateur opère une phase de recherche d’informations en ligne. L’acheteur final peut avoir recours à l’UGC pour s’aider au cours des différentes étapes du processus d’achat. Selon nos répondants, Internet apparaît comme le principal relais d’information sur les sorties de sneakers : « Sur les réseaux sociaux, ou sur des filles en match. Je leur demande » (Sali, 20 ans) ; « Réseaux sociaux et tout Instagram, je suis des photos, je followe quelques comptes vraiment axés sur la mode. Regarde ce qui se fait sur Facebook il y a plein de groupes de deuxième main. Qu’est-ce qu’il se passe pour telle marque ? » (Victor, 19 ans). Parmi l’ensemble des réseaux sociaux, Instagram est systématiquement cité : « Un peu du bouche à bouche mais souvent Instagram » (Lionel, 23 ans).

    Une méfiance face à la communication traditionnelle

    Les autres canaux d’information sont mobilisés, même s’ils apparaissent moins présents que les réseaux sociaux dans le quotidien des répondants : « Magazines, réseaux sociaux » (Adrien, 24 ans). La veille informationnelle est quotidienne : « Insta je suis tous les soirs. Je dirais 3 fois par jour » (Victor, 19 ans) et les répondants s’estiment imperméables à la communication traditionnelle : « Aujourd’hui, si je vois une campagne, je me dis que tout le monde la voit aussi » (Victor, 19 ans).

    Tous les répondants se considèrent lucides face à la promotion des influenceurs mais restent bienveillants : « Cela ne nuit pas au statut de l’influenceur d’être payé par une marque pour promouvoir un produit » (Felipe, 24 ans). Ils s’accordent tous à dire que la création de contenu constitue une charge de travail qui mérite rémunération. Seule une perte d’indépendance de l’influenceur perçue par les consommateurs, pourrait provoquer un désengagement vis-à-vis du prescripteur : « Après, quand on a une première ligne de conduite et tout à coup on se fait un peu bouffer par une marque qui paye pour ce genre de prestations, ou le fait d’être habillé gratuitement, à un moment, on ne perd pas confiance mais on fait une différence entre le bon et le moins bon » (Adrien, 24 ans).

    Une identification possible à l’influenceur comme facteur de crédibilité

    Le mode de vie de l’influenceur semble être envié : « J’aime bien me voir dans le miroir comme si c’était moi… j’aimerais bien aussi être comme eux dans la vie de tous les jours » (Dama, 20 ans). Les anecdotes basées sur des expériences communes partagées sur le produit paraissent lier les membres de la communauté : « Des fois, je vais plutôt aller chercher le micro influenceurs, un mec qui comme moi va partager son lifestyle de tous les jours, parce qu’il aime ce qu’il porte. Cela me touche davantage même par mes proches qui sortent du même milieu que moi, que par l’influence en général. Je pourrais tout à fait acheter un produit mis en avant par un micro influenceur » (Adrien, 24 ans).

    L’UGC peut s’avérer contre-productif lorsque le consommateur préfère rejeter un produit, voire une marque, plutôt que d’être associé à des personnes qu’il n’apprécie pas : « Pour la off white AJ1, plus je voyais les shoots [photos] sortir, plus je voyais quels influenceurs la portaient et moins je la voulais. » (Adrien, 24 ans).

    L’univers de l’influenceur mode comme gage de confiance

    Le style proposé par l’influenceur/créateur de contenu semble être un facteur favorisant la confiance accordée par les répondants, même s’ils pensent tous être insensibles à la publicité masquée. En effet, la relation de confiance avec le prescripteur paraît se baser prioritairement sur le style vestimentaire que le prescripteur retranscrit sur la plateforme, le but ultime étant l’élégance : « Ce n’est pas une question d’expertise mais une question de style » (Vincent, 27 ans) ; « S’il s’habille mal, il est peut être mal placé pour me donner des conseils » (Lionel, 23 ans). La communauté à laquelle appartient l’influenceur et la taille de son réseau sont également des éléments considérés pour évaluer sa popularité : « Les gens qu’il connaît c’est un peu une validation » (Adrien 24 ans).

    Même sans intention d’achat, l’ambiance instaurée dans l’UGC et l’expertise attribuée à l’influenceur poussent les consommateurs à consulter Instagram : « C’est des gens qui ne vont pas photographier tout et n’importe quoi, mais ils vont faire un plan d’architecture ou une tenue à la fashion week ou montrer comment eux ils s’habillent » (Victor, 19 ans).

    En particulier, la subtilité du placement de produits joue en faveur des marques et des pièces mises en avant par les blogueurs. Deux répondants avouent même être potentiellement réceptifs à l’influence de ces derniers : « Inconsciemment oui, les réseaux sociaux peuvent te donner des idées. Je ne crois pas au ‘‘c’est la dernière Nike achetez-la’’ ! Par contre, mises comme cela, cela pourrait m’aller » Vincent (27 ans).

    Discussion

    Cette recherche de nature exploratoire a permis de faire ressortir différents résultats sur la perception et l’utilisation de l’UGC, par la génération des digital natives, qui viennent confirmer mais aussi compléter les travaux antérieurs. Le premier concerne la place d’Instagram comme moyen de diffusion d’informations relativement à la mode et l’intérêt déclinant pour la communication traditionnelle. Le deuxième est relatif au rapport de cette population à la création de contenus et à l’influenceur mode lui-même.

    Les répondants de notre étude s’informent principalement sur Internet, ce qui confirme les conclusions de Potts et al. (2008) selon lesquelles la mode serait un marché basé sur les relations sociales où l’expression de choix individuels est déterminée par des tendances de groupe. Ainsi, l’UGC semble permettre aux consommateurs de rassembler beaucoup d’informations dans un temps court, et d’interagir en temps réel avec le producteur de contenu (Davis, 1989 ; Featherman et Pavlou, 2002 ; Racherla et Friske, 2012). Les médias sociaux sont ici utilisés comme des moteurs de recherche (Goldenberg et al., 2012). Instagram est la source d’information la plus citée par les consommateurs de sneakers. Cette application, créée en 2010, est devenue incontournable pour le partage de photos et vidéos permanentes ou éphémères avec ses 300 millions d’utilisateurs (Hu et al., 2014 ; Geurin-Eagleman et Burch, 2015) dont un grand nombre d’influenceurs dans la mode, la cosmétique et le fooding.

    Les consommateurs semblent tourner le dos à la communication traditionnelle (Hassan et al., 2015), trouvant le contenu créé par les utilisateurs des produits plus crédible, utile et non biaisé car basé sur une expérience personnelle réelle (Buttle, 1998 ; Jonas, 2010 ; Mir et Rehman, 2013 ; Verhellen et al., 2013 ; Rocamora, 2018). En un sens, cette remise en cause de la communication traditionnelle peut évoquer la résistance du consommateur aux outils et pratiques marketing : « Kids born into any new culture learn the new language easily, and forcefully resist using the old » (Prensky, 2001, p 3). Les consommateurs supposent que les influenceurs ne tirent pas un intérêt commercial de leur activité, ou, si c’est le cas, sont bienveillants, considérant qu’il s’agit d’une juste rémunération de leur travail. Les influenceurs adoptent alors la fonction de place de marché décrite par Benghozi et Paris (2003).

    Le style vestimentaire et l’ambiance proposés par l’influenceur/créateur de contenu semblent être des facteurs déterminants la confiance que lui accordent les répondants (Mehra, 2017) même si ces derniers pensent pouvoir déjouer la publicité masquée (Jaoued-Abassi et Smaoui, 2007 ; Baccouche Ben Amara et Zghal, 2008 ; Ben Lallouna Hafsia. et al., 2008). La porosité de l’influence au sein d’un cercle d’amis reconnus dans le milieu de la mode apparaît comme un élément déterminant de la légitimité de l’influenceur, l’un des critères de sa reconnaissance étant la taille de sa communauté. Le nombre important de personnes qui suivent un Instagramer est interprété comme une validation tacite de l’expertise de ce dernier, même si des travaux ont montré que le nombre d’abonnés n’était pas un indicateur d’influence (Vernette et al., 2012). Ici, les répondants mettent en avant d’autres critères complémentaires comme le prestige des marques, la beauté des vêtements et les décors des photos.

    Les consommateurs sont attirés par des comptes Instagram dont ils apprécient l’ambiance et l’expertise de l’influenceur, même lorsqu’ils n’ont pas d’intention d’achat. Ces résultats nuancent les conclusions de Bahtar et Muda (2016) qui affirment que les consommateurs se connectent aux médias sociaux dans l’intention de faire des achats.

    La population interrogée semble convoiter le mode de vie de l’influenceur (Nambisan et Baron, 2009). Le sentiment d’affinité est poussé jusqu’au mimétisme, l’impression de partage des mêmes goûts renforce les liens de proximité entre influenceur et consommateur. Ce dernier sera alors plus réceptif au contenu généré par l’influenceur. Conformément aux résultats de Muniz et O’Guinn (2001), les histoires basées sur des expériences communes partagées sur le produit paraissent lier les membres de la communauté entre eux.

    L’incarnant du produit peut cependant provoquer une réaction de rejet chez les consommateurs lorsqu’ils ne l’apprécient pas et, dans ce cas, ils ne souhaitent pas y être associés, ce qui va dans le sens des travaux de Nambisan et Baron (2009) relatifs à l’identification au modèle. Ce n’est pas la direction artistique ni le contenu produit par l’influenceur qui fait défaut mais bien l’image renvoyée par le créateur de contenu qui doit être perçue comme authentique (Cheung et al., 2019).

    Hughes et al. (2016) ont montré que la création de contenu permettait au consommateur de partager une expérience avec la communauté de marque tout en créant de la symbolique, ce qui contribue à renforcer deux des trois dimensions d’une marque de luxe (fonctionnalité, l’expérience et la symbolique) identifiées par Berthon et al. (2009). En étudiant les effets de l’implication des consommateurs dans le domaine du luxe, Dhaoui (2014) a remarqué que, parmi les 8 piliers définis par Arora (2013), l’expérience client et la rareté perçue étaient les deux éléments les plus importants. Ce sont ces mêmes artefacts qui sont utilisés par les marques sur le marché des sneakers pour guider les ventes. Peut-on dès lors envisager de transposer des formules du mode du luxe au marché des sneakers ?

    Limites et perspectives de recherche

    Notre recherche présente des limites qui ouvrent sur plusieurs perspectives de recherche.

    Notre échantillon étant principalement masculin, il semble nécessaire de poursuivre l’investigation en complétant les entretiens auprès d’une population féminine, aux perceptions potentiellement différentes. Focalisée sur des consommateurs de sneakers, cette recherche pourrait également être prolongée en interrogeant des producteurs de contenus afin de comprendre le processus de création de contenus et l’arbitrage des influenceurs concernant les éléments mis en avant dans leur production.

    Le plébiscite d’Instagram invite également à étudier les points de différentiation avec les autres médias sociaux qui pourraient expliquer cet avantage. Cette application doit-elle son succès à certaines de ses qualités intrinsèques, comme l’ergonomie, ou simplement au mimétisme d’utilisation de la plateforme ?

    Une étude, de nature quantitative cette fois, pourrait permettre de préciser le poids de ces différents facteurs dans l’appréciation des consommateurs et plus encore de leur rôle sur leur décision d’achat.

    Nos répondants ont plus rarement mentionné l’ambiance créée par les co-créateurs, sans en préciser les détails, principalement focalisés sur la figure de l’influenceur. Approfondir les éléments d’exécution de l’UGC et les éléments périphériques (axe artistique choisi, angles de prise de vue, couleurs dominantes…) sciemment mis en avant par l’influenceur, mais aussi préciser les critères cristallisant l’attention des consommateurs, permettrait de mieux comprendre les ressorts du phénomène d’influence. Le style de l’influenceur apparaît également déterminant de son influence sur les choix des consommateurs qui le suivent. Il reste à le caractériser plus précisément.

    Les liens identifiés entre l’industrie du luxe et le marché de la sneakers (bénéfices expérientiels et symboliques) invitent à approfondir et à comparer les attentes et motivations de co-créateurs sneakers versus d’autres produits de luxe.

    Bibliographie

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