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Covid-19 : Il faut repenser le rôle des revues scientifiques en management !

  • Résumé

    La crise inédite du COVID 19 agit à la fois comme un effet loupe et un accélérateur de particules. Les revues académiques, traditionnellement taxées de journaux "hors sol", sont plus que jamais remises en cause. Alors que les revues médicales apportent leur contribution à la résolution du problème épidémique, les revues en sciences de gestion ne se montrent pas aussi efficaces pour résoudre les enjeux brûlants que vivent actuellement les entreprises (décroissance, pénuries, transformation digitale, etc.). Si les revues en sciences de gestion ne constituent pas des interlocuteurs aussi légitimes, au sujet du management, que les revues médicales en matière sanitaire, alors à quoi pourraient-elles bien servir ?

    Citation : Mamavi, O., & Zerbib, R. (Avr 2020). Covid-19 : Il faut repenser le rôle des revues scientifiques en management !. Management et Datascience, 4(2). https://doi.org/10.36863/mds.a.12648..
    Les auteurs : 
    • Olivier Mamavi
       (omamavi@gmail.com) - Paris School of Business  - ORCID : https://orcid.org/0000-0002-6421-1048
    • Romain Zerbib
       (romainzerbib@yahoo.fr) - ICD Business School
    Copyright : © 2020 les auteurs. Publication sous licence Creative Commons CC BY-ND.
    Liens d'intérêts : 
    Financement : 
    Texte complet

    Pour survivre, les éditeurs de revues scientifiques doivent impérativement repenser leur mission initiale et garantir une véritable valeur ajoutée ! En effet, partout  à travers le monde, l’accès au savoir évolue, la transformation digitale fait apparaître de nouveaux standards et émerger de nouveaux acteurs totalement disruptifs. En l’absence d’actions fortes, les acteurs de l’édition scientifique traditionnelle disparaîtront.

    Apparues à la fin du 17è siècle, les revues scientifiques avaient pour vocation de publier les travaux de recherche et de favoriser les débats au sein des sociétés savantes. Les revues se sont distinguées des autres moyens de publication (thèses, livres, communications) par une évaluation entre pairs qui a permis de garantir la rigueur du processus d’élaboration des connaissances publiées.

    Aujourd’hui, le marché de l’édition scientifique (estimé à plus de 23 milliards d’euros en 2016) est dominé par quelques multinationales : Elsevier, Wiley, Taylor & Francis, Springer-Nature, Thomson Reuters, et Wolters Kluwer. L’oligopole capte 65% des profits générés avec des taux de marge opérationnelle hors-norme de plus de 36% sur le chiffre d’affaires !

    Cette situation de rente, qui consiste à monétiser une recherche financée (le plus souvent) par des deniers publics (via l’université), est de plus en plus contestée par la communauté scientifique, les citoyens et les bailleurs de fonds. Et ce, d’autant plus que l’essor du numérique réduit significativement (et parfois même supprime) le coût de reproduction, d’archive et d’expédition des publications.

    Le rôle d’une revue ne peut plus s’appuyer sur le « simple » fait de mettre à disposition du public une recherche financée… par le public, et ce moyennant paiement. En exagérant à peine, une base de données fondée sur un dispositif algorithmique sophistiqué (pour le classement et l’accès) pourrait tout à fait assurer cette tâche. Alors quel pourrait être le rôle stratégique d’une revue ? 

    8 chantiers à surmonter pour survivre

    On le voit, la crise et la transformation digitale imposent aux revues scientifiques de repenser intégralement leurs « propositions de valeur ». Autrement dit, la nature des bénéfices qu’elles peuvent tangiblement offrir à leurs parties prenantes (lecteurs, auteurs, sponsors, etc.).

    Nous sommes en effet convaincus que la survie des éditeurs dépendra de leur capacité à surmonter au moins 8 chantiers :

    1. L’ouverture de la connaissance : les revues doivent être en libre accès. La science ne peut progresser que si les nouvelles connaissances produites sont accessibles à tous et pour tous.
    2. L’accessibilité des contenus : la diffusion des contenus doit être gratuite et s’inscrire dans un format ATAWADAC (Any Time, AnyWhere, Any Device, Any Content). L’enjeu étant de garantir une publication accessible partout, tout le temps, sur tous les supports.
    3. Une publication plus rapide: afin d’accélérer le processus d’édition, l’évaluation des articles par les pairs doit reposer sur un critère de sélection uniquement fondé sur l’appréciation de la validité scientifique. Les articles ne correspondant pas au positionnement de la revue doivent être rejetés dans les plus brefs délais. Inutile de faire perdre du temps aux auteurs.
    4. Une évaluation plus transparente : une revue doit favoriser le débat et les échanges entre auteurs, lecteurs et relecteurs. F1000research met par exemple directement en ligne les articles dont la pertinence scientifique a été validée par la rédaction. Une évaluation par les pairs est ensuite déclenchée (a posteriori de la publication). Le processus d’évaluation est totalement transparent. N’importe quel lecteur peut en effet visualiser le nom des relecteurs, leurs commentaires, les différentes versions de l’article, etc. Le lecteur est par ailleurs incité à formuler des commentaires.
    5. Un accès aux données : l’accès aux jeux de données qui ont permis la réalisation de l’étude est nécessaire pour permettre à chacun de vérifier la reproductibilité des résultats.
    6. Une autre manière d’évaluer la recherche : des mesures alternatives (altmetrics) doivent être privilégiées aux traditionnels facteurs d’impact afin de reconnaître toutes les formes de répercussions d’un article (économique, sociale, etc.).
    7. Une intégration des approches multidisciplinaires : les revues doivent être ouvertes aux autres disciplines et établir des passerelles avec de nouvelles thématiques. Le progrès et les innovations reposent sur la coopération entre les sciences humaines et sociales, les sciences de l’ingénieur, les sciences de la vie, etc.
    8. Un contenu pertinent : les revues doivent impérativement privilégier la pertinence des contenus qu’elles publient, et non pas investir la quasi-totalité de leurs ressources (financières et temporelles) dans la gestion de la rigueur méthodologique. Rigueur qui – au-delà d’un certain seuil – ne garantit nullement un contenu efficace et utile pour les parties prenantes.

    L’émergence des éditeurs 2.0

    Dans les sciences de la vie et de la medecine Vitek Tracz accompagné d’un groupe de visionnaires a crée, dans les années 2000, le premier éditeur en open access (BioMed Central) et la première base bibliographique en libre accès (PubMed central). Ils récidiveront, un peu plus tard, avec la création d’une plateforme de publication (F1000research), une plateforme de recommandation (F1000prime) et une plateforme de création de connaissances (F1000workspace). Idem pour la « mégarevue » PLoS One qui en dépit d’une création récente (2013) est aujourd’hui l’une des plus grosses revues scientifiques au monde (avec 22 054 articles publiés en 2016).

    Figure: Progression du nombre d’articles publiés dans les 11 principales méga-revues (Source : Open-Access Mega-Journals: A Bibliometric Profile)

    L’exemple de la plate-forme Management & Data Science

    En sciences de gestion, de nouveaux acteurs tentent également de faire bouger les lignes. C’est notamment le cas de la plateforme d’innovation ouverte Management & Data Science qui, en 2017, a été la première à éditer une revue scientifique (en libre accès avec republication sous licence creative commons) spécialisée dans le domaine de la transformation digitale.

    Ancrée dans le mouvement de la recherche ouverte, Management & Data Science a complété son activité d’édition par l’organisation de datas challenges. Les challenges s’adressent à la communauté de la revue (chercheurs, datascientists, consultants, étudiants, etc.) dans le but de favoriser la création de nouvelles modalités de création de la connaissance scientifique.

    La plateforme Management & Data Science propose plusieurs ressources aux auteurs, ainsi qu’à leurs institutions :

    • un annuaire pour identifier les experts de la communauté,
    • un forum pour faciliter les discussions et la résolution de problèmes,
    • des tutoriels pour aider les auteurs à monter en compétences sur les outils de datascience,
    • un espace de travail collaboratif pour stocker les données et coopérer dans le traitement de ces données,
    • un système de mesure alternatif pour évaluer l’impact des publications

    La plateforme est totalement gratuite pour les lecteurs et les auteurs. Là où les revues se financent habituellement au travers des abonnements et/ou des frais de publications, les ressources de Management & Data Science (organisation à but non lucratif) émanent des institutions qui sponsorisent les data challenges. Un tel modèle garantit notamment un ancrage vis-à-vis des problématiques rencontrées par le marché.

    Qu’il s’agisse du secteur de l’édition dans le domaine des sciencess de la vie, de l’ingénieur ou des sciences humaines, la transformation digitale bouleverse significativement les modèles économiques traditionnels.

    Il est vital que les revues opèrent une transformation stratégique pour garantir une véritable valeur ajoutée – utile et différenciante – à l’ensemble de leurs parties prenantes.

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